Moratoire - traitement prudentiel

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Le 29 janvier 2021, l'ABE a publié une quatrième version du rapport COVID-19 contenant plusieurs questions et réponses concernant le traitement prudentiel des moratoires et nous voudrions à cet égard nous référer à la section 2 de ce document.

6.1 Si les crédits pour lesquels une banque accorde un report de paiement doivent être enregistrés comme étant en défaut de paiement, quelle incidence cela a-t-il sur la valorisation des covered bonds ?

  • L’arrêté royal du 11 octobre 2012 relatif à l’émission de covered bonds belges par des établissements de crédit de droit belge prévoit en son article 3, § 6, que les expositions en défaut ne peuvent être incluses dans un ensemble couvert (covered pool) et, selon son article 6, § 7, la valeur de la couverture de ces expositions est nulle. En outre, selon son article 6, § 7, les expositions qui présentent des retards de paiement de plus de 30 jours ne peuvent être prises en considération que pour 50 % de leur valeur telle que définie conformément à l’article 6.
  • Le nombre de jours d’arriéré doit être compté selon le plan de paiement adapté par le moratoire. Si le moratoire est alloué à une exposition présentant des montants en souffrance au moment de l’allocation du moratoire et
  1. que seuls les paiements futurs, non les arriérés existants, sont adaptés, le compteur du nombre de jours d’arriéré continuera à tourner aussi longtemps que ces montants demeurent dus et impayés ;
  2. que les paiements futurs sont adaptés et les arriérés existants sont suspendus, le compteur du nombre de jours d’arriéré sera gelé au moment de l’allocation du moratoire. Après la cessation du moratoire, le compteur du nombre de jours d’arriéré reprendra.
  • Les chartes de report de paiement des crédits hypothécaires et des crédits aux entreprises prévoient que le report de paiement ne peut être obtenu que pour des mensualités futures. Par conséquent, (i) pour un crédit ne présentant pas d’arriérés au moment de l’allocation du moratoire, le compteur du nombre de jours d’arriéré demeurera bloqué à 0 au cours de la période du report de paiement et (ii), pour un crédit présentant des montants en souffrance au moment de l’allocation du moratoire, le compteur du nombre de jours d’arriéré continuera à tourner aussi longtemps que cet arriéré préexistant n’est pas apuré.

Les règles de valorisation figurant à l’article 6 de l’arrêté royal du 11 octobre 2012 relatif à l’émission de covered bonds belges par des établissements de crédit de droit belge seront appliquées conformément à ce comptage du nombre de jours d’arriéré.

6.2 Le moratoire entraîne-t-il une forbearance ?

Selon les orientations de l’ABE (EBA/GL/2020/02 – « Final report – Guidelines on legislative and non-legislative moratoria on loan repayments applied in the light of the COVID-19 crisis » du 2 décembre 2020), les moratoires publics et privés qui remplissent les critères d’un moratoire général sur les paiements ne doivent pas être classés automatiquement parmi les mesures de forbearance.

6.3 Comment est considéré le moratoire par rapport au défaut ?

Le nombre de jours d’arriéré doit être compté selon le plan de paiement adapté par le moratoire.

Le rapport de l’ABE précise dans la réponse à la question 23 de la deuxième section que le comptage du nombre de jours d’arriéré dépend de l’adaptation du plan de paiement. Trois scénarios peuvent se produire : le moratoire adapte :

1) uniquement les paiements futurs,

2) les paiements futurs et suspend le remboursement des montants en souffrance préexistants,

3) les montants en souffrance tant futurs que préexistants.

Si l’exposition présente déjà des montants en souffrance au moment de l’application du moratoire et

a)   que le scénario 1 est d’application, le compteur du nombre de jours d’arriéré continuera à tourner aussi longtemps que ces montants demeurent dus et impayés ;

b)   que le scénario 2 est d’application, le compteur du nombre de jours d’arriéré sera gelé le jour suivant l’allocation du moratoire. Après la cessation du moratoire, le compteur du nombre de jours d’arriéré reprendra ;

c)   que le scénario 3 est d’application, il se pourrait que le jour suivant l’allocation du moratoire, il ne subsiste plus de montants en souffrance (days past due = 0). Le compteur recommence à tourner si l’emprunteur se retrouve à nouveau en situation d’arriéré selon l’échéancier des paiements modifié. Il se peut que, dans le cadre du scénario 3, il subsiste des montants en souffrance lors de l’adaptation de l’échéancier des paiements (par exemple, le moratoire ne s’applique pas à tous les crédits de l’emprunteur) ; dans ce cas, le compteur de days past due ne peut être remis à zéro.

Les établissements sont toujours tenus d’évaluer la probable absence de paiement du débiteur au cas par cas, cette évaluation renvoie à l’échéancier de paiements modifié, et, en l’absence de préoccupations à cet égard, l’exposition peut conserver son statut performant.

6.3/1 La déclaration de l’EBA prévoit la suspension des jours d’arriéré durant la période de moratoire. Toutefois, est-ce également le cas pour les prêts qui présentaient déjà des arriérés de paiement avant l’allocation du moratoire à ces prêts ?

Exemple concret en guise d’illustration : un prêt dont le paiement n’a pas été versé le 31 mars et pour lequel un moratoire a été demandé et obtenu le 15 avril. Les banques doivent-elles geler au 15 avril les jours d’arriéré pour le paiement du 31 mars, jusqu’à la cessation du moratoire en octobre ? Ou continuent-ils de courir ?

Les orientations de l’ABE sur les moratoires sur les paiements (EBA/GL/2020/02) prévoient que le nombre de jours d’arriéré doit être compté selon le plan de paiement adapté par le moratoire. Pour les emprunts qui présentaient des paiements en souffrance dès avant l’allocation du moratoire, le compteur du nombre de jours d’arriéré continuera de tourner aussi longtemps que cet arriéré n’est pas apuré et si le moratoire n’adapte que les paiements futurs.

L’emprunteur cité dans l’exemple est éligible au moratoire car, au 1er février 2020, il n’accusait aucun retard de paiement, mais un premier paiement est manquant le 31 mars. À partir du 31 mars, la banque devra commencer à compter les jours d’arriéré. Cet emprunteur se voit octroyer le moratoire après avoir introduit sa demande le 15 avril et seuls les paiements futurs sont adaptés. Le compteur du nombre de days past due continue de tourner aussi longtemps que l’arriéré n’est pas résorbé.

Toutefois, les banques sont tenues de continuer à vérifier les indicateurs de probable absence de paiement (unlikely to pay) selon leurs politiques internes et le cadre prudentiel, même durant la période du moratoire.

6.4 Quelle est l’influence du moratoire sur la probabilité de défaut d’un modèle interne ?

Le moratoire n’empêche pas de procéder à une mesure des risques précise et en temps voulu. Par conséquent, l’application normale selon l’approche fondée sur les notations internes est toujours valable. Les pertes susceptibles d’apparaître, même dans le cadre du moratoire, devraient être considérées dans le calcul de la LGD. S’agissant de la probabilité de défaut, il n’existe pas de lien direct avec la probabilité de défaut et le moratoire : les nouveaux arriérés de paiement ne pourront pas apparaître au cours de la période de moratoire, mais seulement par la suite.

6.4/1 Quelle autorité est compétente pour déterminer qu’un moratoire belge auquel peuvent recourir les établissements de crédit satisfait à toutes les conditions figurant au paragraphe 10 des orientations de l’ABE EBA/GL/2020/02 pour pouvoir ...

6.4/1 Quelle autorité est compétente pour déterminer qu’un moratoire belge auquel peuvent recourir les établissements de crédit satisfait à toutes les conditions figurant au paragraphe 10 des orientations de l’ABE EBA/GL/2020/02 pour pouvoir être considéré comme un moratoire général ?

L’évaluation du respect, par un moratoire, de toutes les conditions figurant au paragraphe 10 des orientations de l’ABE est une mission de la BNB, qui en informe la BCE.

6.4/2 Quelles conséquences prudentielles sont liées à la reconnaissance en tant que moratoire général ?

Les paragraphes 11 à 13 des orientations de l’ABE EBA/GL/2020/02 mentionnent trois conséquences prudentielles :

  • pas de classification automatique en tant qu’exposition renégociée, sauf si une exposition a déjà été considérée comme une exposition renégociée au moment de l’application du moratoire ;
  • pas de reclassement automatique en tant que restructuration en urgence ;
  • le nombre de jours d’arriéré (days past due) est compté selon le plan de paiement adapté par le moratoire.

6.4/3 Une banque peut-elle utiliser le moratoire pour arrêter l’évaluation relative à la probabilité d’absence de paiement de débiteurs individuels (unlikely to pay) ?

Non.

Les paragraphes 14 à 16 des orientations de l’ABE EBA/GL/2020/02 précisent à cette fin :

« Pendant toute la durée du moratoire, les établissements devraient évaluer la probabilité de l’absence de paiement des débiteurs faisant l’objet du moratoire conformément aux politiques et aux pratiques qui s’appliquent habituellement à ces évaluations, y compris si elles se fondent sur une vérification automatique des signes d’une probabilité d’absence de paiement. Lorsque les débiteurs individuels sont évalués manuellement, les établissements devraient évaluer en premier lieu les débiteurs pour lesquels l’incidence de la pandémie de COVID-19 est la plus susceptible d’engendrer une insolvabilité ou des difficultés financières à plus long terme.

Pour évaluer la probabilité de l’absence de paiement de débiteurs individuels après la fin de l’application du moratoire visé au paragraphe 10, les établissements devraient évaluer les cas suivants en premier lieu:

(a) les cas dans lesquels les débiteurs connaissent des retards de paiement peu après la fin du moratoire ;

(b) les cas dans lesquels des mesures de renégociation sont appliquées peu après la fin du moratoire.

Les établissements devraient évaluer la probabilité de l’incapacité de s’acquitter intégralement de ses obligations de crédit en fonction de l’échéancier des paiements le plus récent découlant de l’application du moratoire général sur les paiements. Si le débiteur peut profiter de mesures de soutien supplémentaires prises par les autorités publiques en réponse à la pandémie de COVID-19, et si ces mesures sont susceptibles d’affecter sa solvabilité, elles devraient être prises en compte pour évaluer la probabilité de l’absence de paiement. Toutefois, toute forme d’atténuation du risque de crédit, comme les garanties fournies aux établissements par des tiers, ne devrait pas dispenser les établissements d’évaluer les signes d’une probable incapacité d’acquitter intégralement les obligations de crédit ou affecter les résultats de cette évaluation. »

6.4/4 Quels moratoires belges satisfont actuellement aux conditions d’un « moratoire général » visé par les orientations de l’ABE ?

Le moratoire non législatif sur les crédits aux entreprises (cf. charte Febelfin – première version et deuxième version) et les moratoires législatifs sur les crédits hypothécaires (cf. charte Febelfin – première version et deuxième version ‑, arrêté royal n° 11 du 22 avril 2020 et articles 60-62 de la loi du 20 décembre 2020) et sur les crédits à la consommation y satisfont. Toutefois, la troisième Charte report de paiement crédits aux entreprises n’y satisfait pas (voir le dernier paragraphe de la présente réponse).

Il convient toutefois de souligner que, sauf en cas de prolongation de cette date par l’ABE, les attributions par les banques de moratoires après le 31 mars 2021 ne satisfont plus aux conditions d’un moratoire général. En outre, la condition (e) de l'article 10 des orientations de l’ABE stipule que les moratoires généraux ne peuvent être appliquées aux nouveaux contrats de crédit accordés après la date de l'annonce du moratoire. Les orientations de l’ABE (EBA/GL/2020/15), en particulier leur paragraphe 14, précisent que les moratoires sur les crédits hypothécaires et les crédits aux entreprises au sens de la deuxième version des chartes Febelfin ne sont pas considérés comme un nouveau moratoire, mais comme une adaptation d’un moratoire existant. En conséquence, il n'est pas possible d'accorder des reports sous la forme d'un moratoire général pour les crédits qui tombent sous les régimes de garantie.

Le rapport final des orientations de l’ABE sur les moratoires sur les paiements (publié le 2 décembre 2020) a imposé une condition supplémentaire pour un nouveau moratoire ou une prolongation d’un moratoire existant alloué après le 30 septembre 2020. Le report de paiement cumulé par crédit octroyé selon les moratoires précités ne peut pas s’élever à plus de neuf mois selon l’article 10 bis des orientations de l’ABE (EBA/GL/2020/15). Cette condition vise à permettre aux orientations de l’ABE sur les moratoires sur les paiements d’autoriser les banques à remédier à des problèmes de liquidité à court terme, tandis que le risque de ne pas recenser (à temps) les emprunteurs confrontés à des problèmes d’insolvabilité (de longue durée) diminue.

Le moratoire sur les contrats de location-financement ne satisfait pas à la condition (d) du paragraphe 10 des orientations de l’ABE en ce que ce moratoire n’impose pas les mêmes conditions de modification de l’échéancier des paiements pour toutes les expositions soumises au moratoire, même si l’application du moratoire n’est pas obligatoire pour les débiteurs. Le site internet de l’Association belge de Leasing (ABL) : « chaque société de leasing peut en déterminer elle-même les modalités de concrétisation ».

La troisième Charte report de paiement crédits aux entreprises permet un report de paiement supplémentaire pour les crédits ayant déjà bénéficié d'un report de paiement cumulé de 9 mois au titre de la première et/ou de la deuxième Charte report de paiement crédits aux entreprises. Par conséquent, ce moratoire ne remplit pas la condition énoncée à l'article 10bis des orientations de l’EBA (EBA/GL/2020/02 - version consolidée du 2 décembre 2020) et ne sera pas considéré comme un moratoire général sur les paiements.  

6.4/5 Quelles sont les conséquences prudentielles d’une exposition lorsque le report de paiement cumulé dépasse 9 mois ?

Le traitement prudentiel tel que défini dans les orientations de l’EBA (EBA/GL/2020/02 - version consolidée du 2 décembre 2020) peut être appliqué au report de paiement jusqu'à ce que le report de paiement cumulé atteigne 9 mois et tant que le moratoire remplit les conditions générales pour un moratoire général sur les paiements. Les reports de paiement accordés au delà de ces 9 mois sont considérés comme des mesures de renégociation individuelles.

1) Comptage du nombre de jours d’arriéré

Pour le report de paiement accordé au delà du report de paiement cumulé de 9 mois, le nombre de jours d’arriéré doit être compté conformément à l'article 178 du CRR et aux orientations de l'EBA sur l'application de la définition du défaut (EBA/GL/2016/07). Le nombre de jours d’arriéré sera compté sur la base du nouvel échéancier des paiements (voir ci-dessus la question 6.3 concernant le comptage des jours d’arriéré).

2) Le report de paiement accordé pour une période supérieure à 9 mois est considéré comme une mesure de renégociation.

Si l'emprunteur éprouve des difficultés financières ou pourrait éprouver des difficultés financières à honorer ses obligations de paiement et qu'un report de paiement soit accordé au delà d'un report de paiement cumulé de 9 mois conformément à un moratoire, la partie du report de paiement qui dépasse 9 mois est considérée comme une mesure de renégociation.

3) Analyser si la mesure de renégociation est considérée comme une « restructuration en urgence » conformément à l'article 178, point d, du CRR et aux orientations de l'EBA sur l'application de la définition du défaut (EBA/GL/2016/07).

Comme prévu à l'article 178, paragraphe 3, point d), du règlement (UE) n° 575/2013, le débiteur devrait être considéré comme étant en défaut de paiement lorsque la restructuration en urgence aboutira vraisemblablement à la réduction de l'obligation financière,

Les établissements fixent, conformément au paragraphe 51 des orientations de l’EBA (EBA/GL/2016/07), un seuil pour réduction de l'obligation financière qui ne peut pas dépasser 1 % et qui est calculé selon la formule suivante :

Ainsi, pour un prêt qui a bénéficié d'un report de paiement de 12 mois, l’établissement calcule uniquement la différence, dans la valeur actuelle nette des flux de trésorerie (NPV) pour le report de paiement au delà des 9 mois (c'est-à-dire pour les 3 derniers mois). Si le report de paiement accordé au delà des 9 mois entraîne une réduction de l'obligation financière, le débiteur doit être considéré comme étant en défaut de paiement.

NPV0 = la valeur actuelle nette des flux de trésorerie (y compris les intérêts et commissions non versés) attendus conformément aux obligations contractuelles convenues avant que les conditions et modalités du contrat ne soient modifiées (jusqu’aux 9 mois de report de paiement cumulatif), actualisée au taux d'intérêt effectif initial du client ;

NPV1 = la valeur actuelle nette des flux de trésorerie attendus sur la base du contrat renégocié (report de paiement au delà des 9 mois de report de paiement cumulatif), actualisée au taux d'intérêt effectif initial du client.

Lorsque cependant la réduction de l'obligation financière est inférieure au seuil spécifié, et notamment lorsque la valeur actuelle nette des flux de trésorerie attendus sur la base de l'accord de restructuration en urgence est supérieure à la valeur actuelle nette des flux de trésorerie attendus avant renégociation du contrat, les établissements devraient examiner, conformément au paragraphe 53 des orientations de l’EBA (EBA/GL/2016/07), si ces expositions présentent d'autres signes d'une probable absence de paiement.