3.3.1 Expertise

3:23 Dans le cadre de l’évaluation d’aptitude, la notion d'expertise sensu stricto[1] englobe plusieurs éléments, à savoir: des connaissances, de l'expérience et des compétences (« skills »). Ces trois éléments sont complémentaires, et l'analyse de chacun permet d'obtenir une image globale de l'expertise d'une personne déterminée. Une personne qui dispose par exemple des connaissances requises pour une fonction donnée mais qui n'est pas en mesure de les transmettre et de les mettre en œuvre dans l’établissement n'a pas l'expertise requise.

3.3.1.1 Connaissances

3:24 On entend par « connaissances » tout ce qu'une personne sait, tout ce qu'elle a acquis. Les connaissances peuvent en principe être apprises, par exemple grâce à des études, des formations ou « sur le tas ».

3:25 Indépendamment des connaissances et de l'expérience spécifiques requises pour une fonction donnée , toutes les personnes qui sont soumises au contrôle d’aptitude doivent en principe disposer des connaissances théoriques de base dans les domaines suivants:

  1. les marchés financiers et l’activité de l’établissement;
  2. le cadre réglementaire et les exigences légales qui s'appliquent à l'établissement concerné;
  3. le planning stratégique et la compréhension de la stratégie d'entreprise d'un établissement;
  4. la gestion des risques (identification, estimation, suivi, contrôle et modération des principaux risques d'un établissement);
  5. la comptabilité et son contrôle;
  6. la gouvernance et le contrôle interne;
  7. l'interprétation d'informations financières et, sur cette base, l'identification de questions importantes ainsi que de contrôles et de mesures appropriés.

3:26 Le suivi réussi d'une formation pertinente et la possession d'une expérience professionnelle pertinente peuvent être pris en compte. La « formation pertinente » doit être interprétée au sens large. Outre l'obtention de diplômes (universitaires et équivalents), il faut aussi tenir compte des formations en entreprise.

3:27 Une attention particulière doit être consacrée au niveau et à la nature de l'enseignement suivi ainsi qu'à la pertinence du contenu en rapport avec le secteur financier. En règle générale, des formations qui portent sur le secteur financier (bancaire, finances, assurance), l'économie, le droit, la gestion d'entreprise, le management, l’IT, le marketing et les méthodes quantitatives peuvent être considérées comme pertinentes.

3:28 Lorsqu’il est question de la nomination du dirigeant effectif qui sera désigné Haut dirigeant responsable de la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme[2], il est attendu que celui-ci démontre qu’il a des connaissances spécifiques en ce qui concerne la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT) ainsi que les politiques, les contrôles et les procédures en matière de LBC/FT. Cette personne doit avoir une bonne connaissance des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme auxquels l’établissement est exposé en raison de son modèle d’entreprise.

3.3.1.2 Expérience

3:29 On entend par « expérience professionnelle pertinente » l'expérience qui a été acquise dans un environnement de travail et qui, sur le plan du contenu, montre des similitudes ou des points communs avec le type d’établissement et/ou le type de fonction qu'exerce ou souhaite exercer la personne concernée.

3:30 Pour déterminer dans quelle mesure des fonctions exercées antérieurement contribuent à l’existence d’une « expérience professionnelle pertinente » ou au contraire l’empêchent, il convient de prendre en considération les facteurs suivants:

  • la nature du poste occupé et son niveau hiérarchique l’exercice de ces fonctions au sein du même établissement ou du groupe;
  • la période pendant laquelle l'expérience a été acquise (durée de la [des] fonction[s] exercée[s]);
  • la nature, la complexité et la structure organisationnelle de l’établissement dans lequel une fonction a été exercée;
  • les connaissances acquises dans la fonction; et
  • le nombre de subordonnés.

3:31 Pour ce qui concerne les fonctions d’administrateur et de dirigeants effectif, la BNB procède en principe à l’évaluation sur la base des différents seuils prévus dans le guide MSU, lesquels seuils varient selon la fonction visée:

  • CEO (Président du comité de direction): 10 ans d'expérience pratique récente[3] dans des domaines liés aux services bancaires ou financiers. Cette expérience doit comprendre une proportion importante de fonctions de direction de haut niveau[4];
  • Dirigeant effectif: 5 ans d'expérience pratique récente dans des domaines liés aux services bancaires ou financiers. Cette expérience doit avoir été acquise dans le cadre de fonctions de direction de haut niveau;
  • Président de l’organe légal d’administration: 10 ans d'expérience pratique récente et pertinente[5]. Cette expérience doit comprendre une proportion importante de fonctions de direction de haut niveau;
  • Administrateur non-exécutif: 3 ans d'expérience pratique récente et pertinente dans le cadre de fonctions de direction[6]. Une expérience pratique acquise dans le secteur public ou universitaire peut aussi être considérée comme pertinente.

3:32 Pour les petits établissements et de manière ad hoc dans d’autres cas en fonction de la nature, de la taille, de la complexité, du profil de risque et de la structure organisationnelle de l'établissement, la BNB peut réduire ces seuils de la manière suivante:

  • CEO: 5 ans;
  • Dirigeant effectif: 3 ans;
  • Président de l’organe légal d’administration: 5 ans;
  • Administrateur non-exécutif: 2 ans.

3:33 Si ces seuils sont atteints, l’interessé est supposé disposer d’une expérience suffisante, sauf indices en sens contraire. Si ces seuils ne sont pas atteints, l’intéressé peut toujours être considéré comme apte, à condition que cette aptitude soit suffisamment étayée et motivée par l'établissement.

3:34 A cet égard, il est relevé qu’un membre de l'organe légal d’administration dans sa fonction de surveillance qui n'atteint pas les seuils requis peut néanmoins être considéré comme apte si (i) le membre possède une expérience ou une expertise qui répond aux besoins spécifiques de l'établissement (par exemple, une expérience dans le domaine des technologies de l'information ou des risques liés au climat ou à l'environnement); (ii) le membre et l'établissement s'engagent à entreprendre la formation nécessaire pour pallier au manque d’expérience identifié; et (iii) le membre remplit toutes les autres conditions d'aptitude.

3:35 Pour ce qui concerne les responsables de fonctions de contrôle indépendantes, l’expérience professionnelle pertinente doit, en fonction de la nature, de la complexité des activités, de la taille, du profil de risques et de la structure organisationnelle de l’établissement, en principe couvrir une période de minimum 3 ans à 5 ans d’expérience pratique récente.

3:36 Sans préjudice de ces principes, un régime spécifique est prévu pour le responsable de la fonction de compliance[7].

3.3.1.3 Compétences

3:37 Les « compétences » (« skills ») se réfèrent à ce qu'un individu est capable de faire. Elles servent à adopter un comportement précis dans certaines situations (par exemple dans des processus de négociation, lors d'une prise de décision). Les compétences peuvent être apprises, tout comme les connaissances.

3:38 Il appartient, en premier lieu, à l’établissement de déterminer les compétences nécessaires pour une fonction donnée. Il importe de tenir compte ici des variables qui sont expliquées dans la section relative à la proportionnalité dans l’introduction du présent manuel .

3:39 On peut citer les exemples suivants:

  • si l'on évalue les compétences d'un candidat à la fonction de responsable en gestion des risques (Chief Risk Officer - CRO), il faudra accorder une attention particulière à l'indépendance de son jugement ainsi qu’à sa capacité de résister / s’opposer dans le cadre de la prise de décision;
  • si l'on évalue les compétences d'un candidat à la fonction de président du conseil d'administration, l'accent devra avant tout être mis sur l’aptitude à présider des réunions et à élaborer une stratégie;
  • si l’on évalue les compétences d’un administrateur non exécutif, il faudra accorder une attention particulière à sa capacité de mettre à l’épreuve les membres du comité de direction.

3:40 L'annexe II aux orientations EBA/GL/2021/06 comprend une liste non exhaustive de compétences pertinentes que les établissements devraient prendre en compte dans l'évaluation de l’aptitude. Il ne s’agit pas pour la BNB d’évaluer les compétences une à une; l’évaluation portera plutôt sur la manière dont l’établissement a pris en compte la composante « compétences » dans son processus interne d’évaluation du candidat (par exemple en organisant des « assessments »). Pour les établissements de petite taille, la composante « compétences » ne sera pas évaluée de manière distincte par la BNB, sauf si des faits ou des circonstances le justifient.

[1] Comme indiqué en introduction, la notion d’expertise au sens large couvre également, d’un point de vue juridique, le concept de « comportement professionnel » et donc les critères d’évaluation relatifs à l’indépendance d’esprit, l’investissement en temps, et l’aptitude collective. Néanmoins, dans un objectif de clarté, il est proposé de traiter ces critères d’évaluation de manière séparée.

[2] Pour rappel, conformément à l’article 9, §1 de la loi du 18 septembre 2017 relative à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et à la limitation de l’utilisation des espèces, le Haut dirigeant responsable de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme a pour mission spécifique de veiller à ce que les mesures organisationnelles en matière d’anti-blanchiment soient adoptées. Il est noté que cette désignation s’inscrit dans le cadre de la répartition des tâches au sein du comité de direction et ne diminue en rien la responsabilité du comité de direction en ce qui concerne la gestion quotidienne et l’ensemble des activités de l’établissement.

[3] D’après le guide MSU, l’expérience pratique doit dater de moins de deux ans. Il est aussi noté que l'exercice de plusieurs fonctions de courte durée (par exemple le remplacement temporaire d'une personne) ne permet pas de conclure automatiquement à une expérience professionnelle pertinente suffisamment longue.

[4] En principe, « N-1 » par rapport au comité de direction.

[5] Le champ d’application de la notion d’expérience pertinente est plus large pour un administrateur non-exécutif qu’un dirigeant effectif.

[6] Niveau « N-1 » ou « N-2 ».

[7] Sans préjudice des principes énoncés dans le présent manuel, les exigences spécifiques en matière de connaissance et d'expérience appropriées dans le chef des responsables de la fonction de compliance sont déterminées par le règlement de la BNB du 6 février 2018 relatif à l’expertise des responsables de la fonction de compliance (art. 2). Il s'agit plus précisément des exigences suivantes:

- disposer d’un minimum de trois ans d'expérience pertinente;

- être titulaire d’une maîtrise (sauf exemption sur la base de l'expérience pratique et des connaissances);

- avoir réussi un examen auprès d'une entreprise dont les examens sont reconnus par la BNB et la FSMA et, une fois l'examen réussi, participer à un programme de formation auprès d'une entreprise de formation reconnue par la FSMA, sur avis de la BNB, d'une durée minimale de 20 heures tous les trois ans.

Pour satisfaire en permanence à l'exigence en matière de connaissances, les responsables de la fonction de compliance participent, une fois leur nomination acquise, à un programme de formation d'une durée minimale de 40 heures tous les trois ans. Les exigences en matière de formation permanente sont précisées dans la note explicative relative au règlement précité et à la communication FSMA_2018_ 05 du 8 mai 2018 concernant la formation permanente des compliance officers. Pour ce qui concerne les dépositaires centraux, il est recommandé d’appliquer les même règles par analogie.