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Silicon Valley Bank, Crédit Suisse… Que se passerait-il si une banque venait à faire défaut en Belgique ?

Supervision bancaire
Les difficultés rencontrées par certaines banques étrangères au cours des dernières semaines ont forcé les autorités en Suisse et aux États-Unis à intervenir. Voilà une excellente occasion de rappeler comment, en théorie, la défaillance d’une banque serait traitée en Belgique.

Rappelons d’abord que suite à la crise financière de 2008, les exigences prudentielles à l’égard des banques ont été renforcées significativement en Europe. D’une part, celles-ci ont dû constituer des coussins de capitaux supplémentaires leur permettant d’absorber d’éventuelles pertes substantielles. D’autre part, elles doivent disposer de suffisamment de liquidités pour faire face à des retraits exceptionnels. Cependant, le système n’a pas été conçu pour empêcher toute faillite bancaire. En effet, cela contraindrait trop la capacité des banques à financer l’économie. Il est par ailleurs normal de prévoir qu’une banque mal gérée soit restructurée ou sorte du marché.  

Comment faire face à une crise ?

Si un tel accident reste extrêmement rare en Belgique, on ne peut l’exclure. Lorsqu’il se produit, il est souvent nécessaire d’intervenir rapidement afin de rétablir la confiance dans le système bancaire. C’est pourquoi, quatre instruments permettant de résoudre les crises bancaires ont été introduits au niveau européen en 2014, par la directive sur le redressement et la résolution des banques. Ensemble, ceux-ci constituent le cœur d’un nouveau régime appelé « résolution ». Ce nouveau régime a pour objectif de : 

  • protéger l’économie réelle en assurant la continuité des fonctions critiques d’une banque. 
  • protéger l’État et le contribuable, en minimisant le risque de recours à des moyens publics.  
  • protéger les clients de la banque en difficulté, leurs dépôts, leurs actifs et leurs fonds.  
  • enfin protéger la stabilité financière, en évitant les phénomènes de contagion.  

Ces instruments ne peuvent être utilisés que s’il est établi qu’ils offrent une meilleure protection que ne le ferait une procédure normale d’insolvabilité. Leur utilisation est alors considérée comme étant d’intérêt public, sans quoi c’est le régime normal, celui de la faillite, qui doit s’appliquer.  

Pas de baguette magique

Les autorités ne disposent bien entendu pas d’une baguette magique. Les pertes résultant d’une défaillance devront être absorbées de toutes façons par certains acteurs. Les actionnaires de la banque défaillante devront éponger la première tranche de pertes, quitte à perdre la totalité de leur investissement. Et comme on sait, par expérience, que le capital apporté par les actionnaires peut ne pas suffire pour résoudre une crise bancaire, les autorités ont imposé aux banques de se financer en partie au moyen d’instruments subordonnés, c’est-à-dire des instruments qui absorbent les pertes avant les autres créanciers. Avant de vendre un tel produit d’investissement, une banque doit s’assurer que celui-ci est adapté au profil de l’investisseur et ne peut donc pas le distribuer sans précaution dans son réseau de clients particuliers. Après avoir mis les actionnaires à contribution, c’est donc vers les détenteurs de tels instruments que les autorités se tourneront en priorité. Ils seront donc les deuxièmes acteurs à devoir absorber des pertes. 

Les autorités pourront donc déprécier le capital d’une banque en difficulté pour absorber ses pertes. Elles pourront ensuite convertir certaines créances en capital afin de la renflouer, et ce en commençant par les créanciers subordonnés. Il s’agit du mécanisme de renflouement interne (bail-in en anglais), le premier instrument de résolution. La recapitalisation de la banque ne s’opère plus de l’extérieur au moyen de fonds publics (bail-out), comme ce fût le cas en 2008. Elle s’effectue dorénavant de l’intérieur, au moyen des ressources propres de la banque, c’est-à-dire de fonds privés.

Les trois autres instruments de résolution sont le transfert de tout ou partie des activités d’une banque en difficulté :

  • à un repreneur, souvent une banque plus importante et en bonne santé (instrument de cession des activités), 
  • à une structure temporaire, partiellement ou totalement détenue par les autorités qui la contrôlent (instrument de recours à un établissement-relais) 
  • ou à une structure de défaisance, afin de séparer les actifs problématiques des actifs sains (instrument de séparation des actifs). 

Ces transferts sont effectués dans le cadre de la résolution sans que le management ou les actionnaires de la banque en difficulté puissent s’y opposer.

Après moi, le déluge

Si seule une autorité de résolution peut recourir à l’un de ces instruments, il est de la responsabilité de chaque groupe bancaire de s’y préparer individuellement. Un travail préparatoire a été entamé par les autorités afin de s’assurer que les différents groupes bancaires disposent des capacités nécessaires à la mise en œuvre rapide de ces instruments. Cette démarche comporte des implications pratiques, par exemple sur la gouvernance, l’organisation et la structure de financement des groupes bancaires. Pas question pour un groupe d’adopter une attitude du type : « après moi le déluge … »   

Grâce à ces instruments et à cette préparation, les autorités devraient pouvoir assainir la situation financière d’une banque en difficulté en reportant les pertes sur les actionnaires et les créanciers de cette banque, pour ensuite la restructurer ou l’adosser à un partenaire privé.  

Le Fonds vous protège jusqu’à 100 000 euro

Lorsque la mobilisation de moyens propres à une banque défaillante ou le transfert de ses activités ne permettent pas à eux seuls d’assainir cette banque, les autorités peuvent recourir sous certaines conditions au fonds de résolution européen. Constitué depuis 2016 par le paiement de contributions annuelles de la part des banques de la zone euro, celui-ci représente une source de financement privée. On s’attend à ce qu’il atteigne un montant proche de 80 milliards d’euros en juillet 2023.  

Quel que soit le scénario, les déposants belges, et plus largement les déposants au sein de l’Union européenne, bénéficient d’une protection harmonisée à hauteur de 100 000 euros par banque et par personne. Ils ne risquent aucune perte sur ce montant. Cette protection est assurée par l’intermédiaire d’un fonds, en l’occurrence, pour la Belgique : le Fonds de garantie. Celui-ci est préfinancé par une contribution annuelle des banques belges. Ses réserves atteignent aujourd’hui un montant proche de 5 milliards d’euros.

En Belgique, la Banque nationale a été désignée comme autorité de résolution nationale en 2014. Elle s’acquitte de sa mission dans le cadre du Mécanisme de Résolution Unique, qui constitue le deuxième pilier de l’Union bancaire, à côté du Mécanisme de Surveillance Unique (le premier pilier, avec en son centre la BCE) et des systèmes de garantie des dépôts (le troisième pilier). Une autorité européenne indépendante – le Single Resolution Board (SRB) a été mise en place en 2015. Elle est responsable de la résolution des banques désignées comme importantes et de l’ensemble des banques transfrontalières. En pratique cela signifie que si par exemple, l’une des dix plus grandes banques belges de détail venait à faire défaut, ce serait le SRB qui déterminerait si un recours à la résolution est nécessaire. Dans l’affirmative, le SRB déciderait des instruments de résolution à utiliser et de la manière de les mettre en œuvre. Bien que la Banque nationale soit associée à la prise de décision au sein du SRB, elle n’aurait pas la possibilité d’imposer ses vues et devrait mettre en œuvre fidèlement les décisions du SRB. 

Evidemment, il s’agit d’un cadre légal et théorique, essentiellement axé sur le rétablissement de la solvabilité, et on ne peut exclure la nécessité d’une certaine flexibilité, par exemple en cas de crise de liquidité ou en cas de crise systémique, c’est-à-dire lorsque l’ensemble du système bancaire est fragilisé. Cela dit, ce cadre a déjà été appliqué. La résolution de la banque Banco Popular en Espagne, en juin 2017, illustre parfaitement la façon dont devrait s’orchestrer une résolution au sein de l’Union bancaire. Le SRB a d’abord procédé à une dépréciation des instruments de fonds propres et subordonnés de cette banque pour un montant total de 4,1 milliards d’euros, ce qui a permis d’absorber les pertes du groupe, avant de le céder, avec sa filiale portugaise, au groupe Santander pour un euro symbolique. Cette opération a permis de préserver la stabilité financière et a assuré aux clients l’accès à leurs dépôts et à leurs fonds, sans qu’il n’en coûte un euro au contribuable espagnol.

Silicon Valley Bank: éviter la contagion vers d’autres banques

Les mesures prises par les autorités américaines et suisses diffèrent à certains égards de celles que nous appliquerions dans l’Union européenne. Dans le cas de la Silicon Valley Bank, l’autorité de résolution américaine – le FDIC – a transféré l’ensemble des dépôts – ceux bénéficiant d’une protection et les autres – et pratiquement l’ensemble des actifs de cette banque vers un établissement relais, une « bridge bank », garantissant en cela l’accès des clients à leurs dépôts. Par cette opération, les actionnaires et certains créanciers de la Silicon Valley Bank ont perdu la totalité de leur investissement. Une telle opération serait possible dans l’Union européenne, où les autorités disposent d’instruments similaires. 

Pour restaurer la stabilité de leur système financier et limiter la contagion vers d'autres banques régionales, les autorités américaines ont également dû étendre la couverture de leur système de garantie des dépôts. En parallèle, la Federal Reserve a mis en place un nouveau programme de financement, appelé Bank Term Funding Program, offrant des prêts d’une durée maximale d’un an aux banques, en échange de garanties de haute qualité, évaluées au pair, c’est-à-dire à leur valeur nominale. L’objectif de cette mesure est d’éviter que les banques américaines doivent céder ces titres pour satisfaire leurs besoins en liquidités. Le Trésor américain a soutenu ce programme par une garantie de 25 milliards de dollars.

Credit Suisse : une transaction privée mais subsidiée par l’Etat…

L’acquisition du Crédit Suisse par UBS est considérée comme une transaction privée. Bien qu’encadrée par les autorités suisses, elle n’est donc pas considérée comme relevant du régime de résolution. En échange de leurs actions, les actionnaires du Crédit Suisse ont reçu des actions d’UBS pour un montant équivalent à 3 milliards de francs suisses. En revanche, certains instruments subordonnés d’une valeur nominale de 16 milliards de francs suisses – connus sous le nom d’instruments de fonds propres additionnels de catégorie 1 - ont été entièrement dépréciés. 

Il est intéressant de noter que la BCE, le SRB et l’autorité bancaire européenne ont directement réagi au travers d’un communiqué conjoint, en soulignant qu’au sein de l’Union bancaire, lors d’une résolution, une telle dépréciation ne serait possible qu’après que les fonds propres de base – les actions – aient été entièrement utilisés. Enfin, cette transaction privée a dû être soutenue par les autorités publiques suisses. La Confédération suisse a octroyé une garantie à hauteur de 9 milliards de francs suisses à UBS, garantissant les pertes sur un portefeuille d’actifs du Crédit Suisse. De même, les deux banques peuvent obtenir des aides sous forme de liquidités de la Banque nationale suisse, en plus de l’accès aux facilités de financement offertes par celle-ci, éventuellement couvertes par une garantie de la Confédération suisse.

Tirer les leçons pour le futur

Chaque cas comporte des spécificités et est riche d’enseignements. Au cours des prochains mois, il faudra tirer les leçons des cas récents de crise et déterminer dans quelle mesurele cadre européen devrait être ajusté. À l’invitation du Conseil européen, la Commission a adopté le 18 avril dernierune initiative législative modifiant certains éléments du cadre de gestion de crise. Cette proposition est axée sur la résolution des banques moyennes et plus petites.

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