« 1001 plateaux » : une œuvre d’art participative qui rapproche les collaborateurs de la Banque
La première belle soirée printanière de mars. Dans l’un des locaux de la Banque, quinze têtes sont penchées sur quinze plateaux blancs de porcelaine blanche, pinceaux à la main et peinture bleue à disposition. On peint, on discute et on rit beaucoup. Chaque plateau fera partie intégrante de l’œuvre d’art participative « 1001 plateaux » qui comptera 160 plateaux au total. Reconnue à l’international pour ses « œuvres d’art participatives », Françoise Schein, la conceptrice et l’inspiratrice de cette œuvre à multiples mains, déambule entre les tables. Habituellement, ce sont les villes qui constituent son environnement de travail : les stations de métro de Bruxelles à Lisbonne ou encore les favelas des métropoles brésiliennes de São Paulo, Rio de Janeiro ou Brasilia. Elle s’est toutefois sentie comme un poisson dans l’eau dans la Banque. Elle explique : « Le processus d’apprentissage de la peinture fait que tout le monde se sent au même niveau. Je suis artiste et j’aime la pédagogie. »
Qu’est-ce que l’art ?
Carine Fol, consultante externe de la collection d’art contemporain de la Banque, a présenté l’idée d’une œuvre d’art participative en 2019 : une œuvre à laquelle des collaborateurs de la Banque prendraient activement part. « À quoi sert l’art ? », demande Carine Fol. « Et concrètement : quel est le rôle des collections comme celles de la Banque dans le quotidien des collaborateurs ? J’ai voulu créer une œuvre qui mettrait en relation la collection d’art de la Banque et la collection historique du musée avec les personnes qui travaillent à proximité des objets de ces collections. Le processus qui aboutit à cette œuvre finale y a joué un rôle primordial. » Cette proposition de Carine répondait parfaitement à notre recherche d’un projet culturel fédérateur et a dès lors reçu le feu vert.
Afin de concrétiser ce projet, Carine Fol a fait appel à Françoise Schein, avec qui elle avait déjà collaboré par le passé. Françoise Schein est passionnée par les droits humains. Elle crée des œuvres d’art monumentales qu’elle réalise avec des habitants d’un quartier et des élèves des métropoles du monde entier. Elle confie : « Tout a commencé dans mon atelier parisien de Belleville. Des enfants issus de la communauté arabe du quartier y passaient régulièrement pour manger des yaourts et commenter mes sculptures. Ces moments ont joué un rôle essentiel dans mon travail. Dans tout leur « non-savoir-faire », ils avaient des choses très intéressantes à dire. Je voyais soudain le lien entre mon travail, le monde, tout ce que je lisais... et ces enfants. Ces mondes ne sont pas du tout opposés, mais peuvent se toucher si on le souhaite. »
Les collections de la Banque au menu du jour
D’où est née l’idée des 1001 Plateaux ? Françoise raconte : « Après une visite du Musée et après avoir sillonné le labyrinthe des couloirs et des bureaux de la Banque pour faire le tour de la collection d’art contemporain, nous sommes allés diner au restaurant d’entreprise. Là, chacun prend un plateau, y dépose de la nourriture et va s’assoir. C’est à ce moment précis que l’idée m’est venue : réaliser une série de plateaux, sur lesquels les collaborateurs peindraient les objets issus des collections de la Banque. Les collections, c’est donc ça la nourriture ! Pour le plateau, j’ai dessiné des formes organiques en porcelaine, et ensuite, nous y appliquons ensemble des images issues des collections, sur la base d’une sélection réalisée avec l’aide des responsables des collections. Nous avons invité 160 collaborateurs, 1001 aurait été excessif... Chaque participant choisit un objet et peint sa propre interprétation sur un plateau. On peut agrandir un détail ou élaborer un nouveau concept, chacun est libre de faire ce qu’il entend. Je procède ensuite aux finitions dans mon atelier à Paris où je rajoute des mots ainsi que des éléments marquants qui ont surgi lors de l’atelier. »
Comme l’herbe ou le bambou
L’œuvre se composera de 160 plateaux et non de 1001. D’où vient alors le titre « 1001 Plateaux » ? Françoise explique : « Le titre fait référence à l'œuvre du philosophe Gilles Deleuze “Mille Plateaux” ». Il y introduit le concept de la pensée en « rhizome » par opposition à la pensée hiérarchique. Une société peut fonctionner de deux manières : soit de manière hiérarchique et centralisée, tel un arbre avec son tronc, ses branches et ses feuilles ; soit de manière rhizomatique, comme l’herbe ou le bambou, des plantes sans centre qui poussent de tous les côtés. Je travaille comme l’herbe : je place tout au même niveau. Tous les plateaux et toutes les personnes fonctionnent de manière interconnectée. Il n’y a pas de centre et tout le monde est égal. Et en guise de clin d'œil, j’ai fait du titre « 1001 Plateaux ». C’est aussi une référence aux 1001 Nuits, à la puissance poétique de l’œuvre. » Cette puissance continuera d’imprégner à la Banque, prédit-elle. « La création d’une œuvre d’art participative qui sera intégrée dans la collection d’art contemporain de la Banque marquera un trait d’union qui transcende la hiérarchie. L’art fait partie de la vie. »
Un petit village
L’artiste a-t-elle ressenti un choc culturel en pénétrant dans la Banque ? Absolument pas. « Je suis arrivée dans un village », dit-elle. « Un petit village dans lequel je travaille avec 160 habitants. Des personnes très différentes y vivent. De nombreuses femmes, de nombreuses personnes ayant des racines à l’étranger également. C’est un village magnifique. J’y ai fait beaucoup de belles rencontres, parfois avec de véritables artistes. Je ne m’attendais pas à cela. “Je travaille dans une banque et je suis artiste” : oui, c’est possible ! Les personnes ont de nombreuses facettes. »
Françoise Schein est donc très satisfaite du projet. « Chaque fois que j’emmène 15 plateaux dans mon atelier à Paris et que je les regarde, je sais que le produit fini sera superbe. »
L’œuvre connaîtra également une belle suite, car la rétribution que Françoise Schein percevra pour l’œuvre « 1001 Plateaux » et qui s’inscrit dans la politique de la collection d’art de la Banque en tant que mécène pour des artistes belges (contemporains) permettra de parrainer de nouveaux projets dans les favelas au Brésil. Ou comment une œuvre vient en aide à une autre et comment une institution telle la Banque nationale de Belgique peut faire office de vase communicant avec les jeunes favorisés des favelas brésiliennes.
L’œuvre d’art participative de la Banque est encore une œuvre en devenir. Elle sera exposée à partir du 8 septembre dans la salle des guichets. Le grand public sera lui aussi le bienvenu. D’autres informations suivront !
Françoise Schein (°1953, Bruxelles) est architecte, urbaniste, sculptrice et artiste conceptuelle. Les droits humains constituent le thème principal de son œuvre. Elle les inscrit de manière diversifiée dans les stations de métro et sur les murs des métropoles, dans les favelas au Brésil, et cela très souvent en étroite collaboration avec les riverains et les écoliers.
Carine Fol (°1961, Anderlecht) est Docteure en Histoire de l'art (VUB-ULB), commissaire d'exposition et auteure. Dans ses projets, elle jette constamment des ponts entre les œuvres du circuit professionnel de l'art et l'art outsider, et défend une vision dans laquelle l'être humain est au centre du processus créatif. Elle a travaillé dans plusieurs institutions artistiques bruxelloises (Botanique, Goethe Institut, Musées royaux des Beaux-Arts), et a été directrice du musée art & marges ainsi que directrice artistique de la CENTRALE for contemporary art. Depuis 2018, elle est la conseillère externe de la collection d'art contemporain de la Banque.
