2.3.3 Indépendance d'esprit
2:59 Une distinction doit être faite entre (i) l'indépendance d'esprit et (ii) l'« indépendance formelle » telle que visée à l'article 3, 83° de la loi bancaire sous la définition d’ « administrateur indépendant ».
2:60 En ce qui concerne la première notion (indépendance d’esprit), toute personne qui exerce une fonction d’administrateur, de dirigeant effectifs ou de responsable d’une fonction de contrôle indépendante doit pouvoir décider en conscience, en toute objectivité et de manière indépendante, dans l'intérêt de l'établissement et de ses parties prenantes, après avoir soigneusement soupesé toutes les informations et opinions disponibles, et indépendamment de toute influence extérieure.
2:61 En ce qui concerne l'indépendance formelle, il convient de se référer aux critères énoncés audit article 3, 83° de la loi bancaire. Il s’agit d’une qualification attribuée à certains administrateurs non-exécutifs qui ont pour mission de représenter l’ensemble des parties prenantes / stakeholders de l’établissement et de surveiller le management notamment en participant à certains comités spécialisés de l’organe légal d’administration.
2.3.3.1 Indépendance d’esprit et conflits d’intérêts
2:62 Les administrateurs, dirigeants effectifs et responsables d’une fonction de contrôle indépendante doivent être capables de prendre leurs propres décisions de manière saine, objective et indépendante. L’indépendance d'esprit ressort du caractère et du comportement de la personne concernée et peut être affectée par des conflits d'intérêts.
2:63 Ainsi, l’établissement doit évaluer si la personne concernée par le contrôle d’aptitude:
- possède les aptitudes comportementales nécessaires, et notamment:
- le courage, la conviction et la force d’évaluer et de remettre en cause efficacement les propositions de décisions qui lui sont soumises;
- la capacité de poser des questions et d’exprimer des opinions divergentes; et
- la capacité de ne pas céder à la pensée de groupe;
- est susceptible d’être confrontée à des conflits d’intérêts qui pourraient porter atteinte à sa capacité d’exercer sa fonction avec l’indépendance d’esprit et l’objectivité nécessaire.
2:64 Tenant compte du risque de conflits d’intérêts, la loi bancaire exige que l’organe légal d’administration mette en place des mécanismes de gouvernance visant à prévenir les conflits d'intérêts. Il est renvoyé à cet égard à l’article 62, §§ 2 et suivants de la loi bancaire concernant l'exercice de fonctions extérieures[1] et à l’article 72 concernant les prêts, crédits et garanties aux dirigeants, actionnaires et personnes apparentées[2].
2:65 Les orientations EBA/GL/2021/06 précisent que les situations suivantes sont susceptibles de générer des conflits d’intérêts avérés ou potentiels et doivent au moins être prises en considération:
- les intérêts économiques (par exemple, actions, autres droits de propriété, participations et autres intérêts économiques détenus dans des contreparties de l’établissement, droits de propriété intellectuelle, prêts octroyés par l’établissement à une société appartenant ou contrôlée par des membres de l’organe légal d’administration);
- les relations personnelles ou professionnelles avec les détenteurs de participations qualifiées dans l’établissement;
- les relations personnelles ou professionnelles avec le personnel de l’établissement ou d’entités entrant dans le périmètre de consolidation prudentielle (par exemple, relations familiales étroites);
- les autres emplois et les postes précédents occupés récemment (par exemple, au cours des cinq dernières années);
- les relations personnelles ou professionnelles avec des parties prenantes externes pertinentes (par exemple, le fait d’être associé à des fournisseurs, des consultants ou d’autres prestataires de services significatifs);
- la participation à un organe ou la propriété d’une entité ayant des intérêts divergents; et
- l’influence politique ou les relations politiques.
2:66 Dans le même ordre d’idées, le guide MSU distingue quant à lui 4 types de conflits d’intérêts: (i) les conflits d’intérêts personnels, (ii) professionnels, (iii) financiers et (iv) politiques.
2:67 Les établissements doivent identifier dans le chef de la personne concernée les conflits d’intérêts avérés ou potentiels auxquels elle peut être confrontée, conformément à leur politique en la matière, et en évaluer le caractère significatif ou non.
2:68 S’agissant du caractère significatif d’un conflit d’intérêts, le guide MSU contient une liste de situations et seuils pour lesquels il existe une présomption de conflit d’intérêts significatif [3].
2:69 Tous les conflits d’intérêts, avérés ou potentiels, significatifs ou non, au niveau de l’organe légal d’administration, de la direction effective ou d’un responsable de fonction de contrôle indépendante doivent être discutés, documentés, tranchés de manière adéquate et dûment gérés par l’organe compétent[4] (c’est-à-dire que les mesures nécessaires doivent être prises). Les personnes concernées doivent s’abstenir de voter/prendre des décisions sur des sujets qui les placent en situation de conflits d’intérêts.
2:70 Lorsqu’un conflit d’intérêts significatif est identifié, l’établissement doit (i) procéder à une évaluation détaillée de la situation; (ii) décider des mesures d'atténuation qu'elle prendra sur la base de sa politique interne en matière de conflits d'intérêts; et (iii) décider des mesures qu'elle prendra pour prévenir le conflit d'intérêts, si elle ne peut pas atténuer ou gérer le conflit d'intérêts de manière adéquate.
2:71 L‘établissement doit informer l’autorité de contrôle de tout conflit d’intérêts, avéré ou potentiel, significatif ou non, qui pourrait avoir une incidence sur l’indépendance d’esprit d’un membre de l’organe légal d’administration, d’un dirigeant effectif ou d’un responsable de fonction de contrôle indépendante, ainsi que des mesures atténuantes ou préventives prises par l’établissement (« conflict of interests statement »):
- Si le conflit d’intérêts a été jugé non-significatif, l’établissement doit, dans le cadre de l’évaluation d’aptitude, expliquer pourquoi ce conflit d’intérêts a été jugée non-significatif;
- Si le conflit d’intérêts a été jugé significatif, l’établissement doit communiquer à l’autorité de contrôle au moins les informations suivantes: (i) une description du conflit d’intérêts identifié, (ii) une description de l’évaluation réalisée au sein de l’établissement, (iii) la conclusion de l’établissement quant aux mesures d’atténuation ou de prévention prises et (iv) la motivation du caractère adéquat de ces mesures.
2:72 Pour plus d’informations concernant les conflits d’intérêts, il est renvoyé aux orientations EBA/GL/2021/06 (§§ 78 à 91) et au guide MSU (section 3.3).
2.3.3.2 Indépendance d’esprit versus indépendance formelle au sens de l’article 3, 83° de la loi bancaire
2:73 Comme indiqué ci-dessus, l’indépendance d’esprit ne doit pas être confondue avec la notion d’indépendance formelle au sens de l’article 3, 83° de la loi bancaire. Un administrateur indépendant au sens dudit article est un administrateur non-exécutif qui n’a pas de lien avec l’actionnaire et qui représente les intérêts de l’ensemble des stakeholders de l’établissement. Conformément à l’article 28 de la loi bancaire, la présence d’un ou plusieurs administrateurs indépendants est exigée dans les comités spécialisés de l’organe légal d’administration[5].
2:74 La notion d’indépendance est définie à l’article 3, 83° de la loi bancaire. Ledit article énonce une liste de 9 critères et renvoie aux critères repris dans les orientations EBA/GL/2021/06. L’établissement a néanmoins la possibilité de faire valoir auprès de l'autorité de contrôle que, bien que tous les critères n'aient pas été remplis, l'indépendance de la personne concernée n'est pas compromise (« explain », en application du principe « comply or explain »)[6].
2:75 Dans la pratique, les décisions de l’autorité de contrôle concernant, d’une part, l’aptitude de la personne concernée, et d’autre part, le respect ou la justification de non-respect des critères de l’article 3, 83° de la loi bancaire seront généralement prises de manière concomitante. Néanmoins, il n’est pas exclu que ces deux décisions soient dissociées dans la mesure où la question de l’indépendance concerne également le processus de surveillance permanente de la gouvernance.
[1] Voir également l’arrêté royal du 8 février 2022 portant approbation du règlement de la Banque nationale de Belgique du 9 novembre 2021 concernant l’exercice de fonctions extérieures par les dirigeants et responsables de fonctions de contrôle indépendantes d’entreprises réglementées et la Communication NBB_2022_19 sur ce sujet.
[2] Voir également la circulaire NBB_2017_21.
[3] Concernant les conflits d’intérêts pouvant découler de prêts, crédit et garanties visés à l’article 72 de la loi bancaire, la loi prévoit que seuls les prêts crédits et garanties qui dépassent le seuil de 500.000 euros doivent être considérés comme significatifs.
[4] L’organe compétent pour gérer les conflits d’intérêts est (i) le comité de direction pour les dirigeants effectifs (à défaut de comité de direction, par l’organe légal d’administration) et (ii) l’organe légal d’administration pour les administrateurs non exécutifs et les responsables de fonctions de contrôle indépendantes.
[5] L’article 28 de la loi bancaire impose, lorsque l’établissement de crédit a l’obligation de constituer un comité d’audit, un comité des risques, un comité de rémunération et un comité de nomination, que chacun d’eux compte au moins un administrateur indépendant. Il est en outre imposé que la majorité des membres du comité d’audit soient indépendants.
[6]Dans ce cas, l’établissement transmet, ensemble avec le formulaire « fit & proper » de l’administrateur concerné, une demande de dérogation dans laquelle il justifie le bien-fondé de sa demande. L’acceptation ou non de cette demande de dérogation doit faire l’objet d’une décision de l’autorité de contrôle, dans le cadre la surveillance de la gouvernance.