Identification des caractéristiques du client ainsi que de l’objet et de la nature de la relation d’affaires ou de l’opération occasionnelle : commentaires et recommandations de la BNB

1. Obligation d’identifier les caractéristiques du client ainsi que l’objet et la nature de la relation d’affaires ou de l’opération occasionnelle

1.1 Portée de l’obligation

L’obligation d’identifier les caractéristiques du client ainsi que l’objet et la nature de la relation d’affaires existait déjà sous l’ancienne loi du 11 janvier 1993, sans toutefois y apparaitre comme une obligation distincte de l’obligation d’identification et de vérification de l’identité. La nouvelle Loi anti-blanchiment lui consacre désormais des dispositions particulières, énoncées à son article 34 et qui lui attachent un régime propre, tout en l’étendant explicitement à l’opération occasionnelle.

Ainsi, les entités assujetties à la Loi anti-blanchiment doivent prendre les mesures adéquates pour évaluer les caractéristiques des clients qu’ils ont identifiés conformément à la Loi, ainsi que l’objet et la nature de toute relation d’affaires ou opération occasionnelle envisagée. La Loi requiert que les entités assujetties veillent notamment à disposer des informations qui sont nécessaires :

L’obligation de collecter les éléments nécessaires visés aux premier et deuxième points ci-dessus est celle qui était anciennement prévue, pour les institutions financières en particulier, à l’article 12 du règlement CBFA anti-blanchiment du 23 février 2010.

Pour plus d’informations sur la portée de l’obligation d’identifier les caractéristiques du client ainsi que l’objet et la nature de la relation d’affaires ou de l’opération occasionnelle envisagée, il est renvoyé à l’exposé des motifs de l’article 34, § 1er, de la Loi anti-blanchiment (voir la page « Principaux documents de référence »).

1.2 Application de l’approche fondée sur les risques

Comme les autres obligations de vigilance, l’obligation d’évaluer les caractéristiques du client ainsi que l’objet et la nature de la relation d’affaires ou de l’opération occasionnelle envisagée doit faire l’objet d’une approche par les risques (voir article 34, § 1er, in fine, de la Loi anti-blanchiment). Les institutions financières doivent donc, pour y satisfaire, mettre en œuvre les moyens proportionnés au risque identifié dans la situation concernée.

La demande d’informations adressée au client dans ce cadre pourra notamment dépendre des caractéristiques du produit, service ou opération demandé par le client, du canal de distribution auquel il a été recouru, du pays ou de la zone géographique concernée ou de caractéristiques connues du client lui-même. Si, compte tenu de ces facteurs, le risque identifié dans la situation donnée apparait faible, les informations demandées pourront être réduites au regard de celles exigées par un niveau de risque identifié comme standard ou, a fortiori, élevé.

1.3. Procédures internes

Pour rappel, la BNB recommande que les procédures internes à mettre en œuvre par les institutions financières en application de l’article 8 de la Loi anti-blanchiment, en l’occurrence la politique d’acceptation des clients, énumèrent les informations pertinentes qui doivent être obtenues, en fonction de la classification des risques, pour identifier les caractéristiques du client ainsi que l’objet et la nature de la relation d’affaires ou de l’opération occasionnelle envisagée (voir la page « Politiques, procédures, processus et mesures de contrôle interne »).

Quant à la méthode de collecte de ces informations, l’exposé des motifs de l’article 34 de la Loi anti-blanchiment précise notamment que « L'objet et la nature d'une relation d'affaires peuvent être déterminés en se basant sur les informations préalables ou précontractuelles relatives au produit ou au service proposé qui sont effectivement communiquées au client, pour autant que l'objet et la nature de la relation d'affaires à nouer puissent en être déduits de façon certaine, précise et univoque. En revanche, lorsque le produit ou le service offert permet d'effectuer des opérations susceptibles de présenter des caractéristiques diverses (par exemple, dans le cas de l’ouverture d’un compte courant), l'identification de l'objet et de la nature de la relation d'affaires requerra de recueillir auprès du client des informations plus précises et personnalisées sur ses intentions quant à l'utilisation qu'il fera de la relation d'affaires. »

2. Cas particulier de dérogation : émission de monnaie électronique à faible risque

2.1. Faculté de dérogation

L’article 34, § 2, de la Loi anti-blanchiment prévoit une faculté de dérogation pour les institutions financières qui émettent de la monnaie électronique. Ces institutions peuvent, lorsqu’il ressort de l’évaluation globale des risques de BC/FT spécifiquement liés à leur activité d’émission que ces risques sont faibles, décider de ne pas recueillir d’informations sur les caractéristiques du client ni sur l’objet et la nature de la relation d’affaires ou de l’opération occasionnelle envisagée, à l’égard des clients qui leur remettent des fonds en vue de l’émission de monnaie électronique.

2.2. Conditions de la dérogation

Cette faculté de dérogation est toutefois subordonnée à plusieurs conditions, qui sont les mêmes que celles auxquelles est soumise la faculté de dérogation à l’obligation d’identification et de vérification de l’identité, énoncées à l’article 25 de la Loi anti-blanchiment (voir la page « Personnes à identifier »).

Outre que l’évaluation globale des risques réalisée par l’émetteur de monnaie électronique doit démontrer que le niveau de risques de BC/FT auxquels il est exposé du fait de cette activité est faible, les conditions cumulatives suivantes doivent être réunies :

1° l’instrument de paiement ne peut pas être rechargé ou, s’il est rechargeable, il ne peut être utilisé qu’en Belgique et seulement pour réaliser des paiements soumis à une limite mensuelle de maximum 150 euros ;

2° le montant maximal stocké sur le support électronique ne dépasse pas 150 euros ;

3° l’instrument de paiement est utilisé uniquement pour l’achat de biens ou de services ; il s’ensuit notamment qu’il ne peut pas être accepté pour effectuer une opération de transmission de fonds (« money remittance ») ;

4° l’instrument de paiement ne peut pas être crédité au moyen de monnaie électronique anonyme ;

5° l’émetteur de monnaie électronique concerné exerce une surveillance suffisante des opérations ou de la relation d’affaires pour être en mesure de détecter toute opération inhabituelle ou suspecte.

2.3. Non-application de la dérogation

Même si les conditions énumérées ci-dessus sont réunies, la possibilité de dérogation n’est cependant pas applicable lorsqu’un client :

1° se voit remboursé en espèces de la valeur monétaire de la monnaie électronique, 

2° retire cette valeur en espèces, ou

3° effectue des opérations de paiement à distance au sens de l’article 2, 23° de la loi du 11 mars 2018

si le montant remboursé, retiré ou versé, selon le cas, dépasse 50 euros.

Dans ces trois cas, pour lesquels le législateur a estimé que le risque ne pouvait être considéré comme faible, l’émetteur de la monnaie est tenu de prendre les mesures utiles pour identifier les caractéristiques du client concerné ainsi que l’objet et la nature de la relation d’affaires ou de l’opération occasionnelle, au moment du remboursement ou du retrait de la monnaie électronique ou au moment où le client effectue des opérations de paiement à distance en utilisant de la monnaie électronique (qui a été émise antérieurement sans que de telles mesures aient été appliquées).

En ce qui concerne les cartes prépayées anonymes émises dans des pays tiers, les institutions visées à l’article 5, § 1er, 4°, 6° et 7° de la Loi anti-blanchiment, qui offrent le service de paiement d’acquisition d’opérations de paiement visé au point 5 de l’Annexe I.A. à la loi du 11 mars 2018, ne peuvent par ailleurs accepter les paiements effectués au moyen de telles cartes prépayées uniquement si ces cartes répondent à des conditions équivalentes à celles énoncées aux alinéas 1er et 2 du même article 25 de la Loi. Le cas échéant, ces institutions doivent donc disposer de systèmes effectifs qui leur permettent de contrôler – au moment de l’acceptation d’une opération de paiement – que ces conditions légales sont remplies et elles doivent refuser immédiatement l’opération de paiement si tel ne devait pas être le cas.

Dans le même ordre d’idées, la BNB attire l’attention sur le fait que, dès l'instant où des circonstances quelconques ont fait naître des soupçons de BC/FT, que ce soit lors de l'entrée en relation avec le client ou postérieurement, qui ont conduit l'émetteur de monnaie électronique à procéder à une déclaration à la CTIF et, conformément à l’article 22 du règlement BNB anti-blanchiment, à une réévaluation individuelle des risques de BC/FT faisant apparaître que le niveau de risque lié à la situation concernée ne peut désormais plus être considéré comme faible (ce qui devrait logiquement être le cas – voir la page « Déclaration de soupçons »), ledit émetteur ne peut plus invoquer l'application de la faculté de dérogation prévue à l'article 34, § 2, de la Loi. Il est tenu de procéder immédiatement à l'identification des caractéristiques du client ainsi que de l’objet et de la nature de la relation d’affaires ou de l’opération occasionnelle, conformément à l’article 34, § 1er, de la Loi.

2.4. Documentation

Enfin, la possibilité de dérogation susvisée n’étant pas absolue mais soumise à certaines limitations, la BNB recommande que les institutions financières qui en font application soient en mesure, non seulement de produire l’évaluation globale des risques qui établit le faible niveau de risques, laquelle doit être documentée, mise à jour et tenue à la disposition de la BNB en application de l’article 17 de la Loi (voir la page « Reporting des institutions financières »), mais également de lui démontrer que, dans tous les cas où elles ont appliqué l'article 34, § 2, de la Loi, chacune des conditions légales de cette dérogation est rencontrée.

3. Moment de l’identification

3.1. Principe

Conformément à l’article 34, § 1er, alinéa 4, de la Loi anti-blanchiment, les informations relatives aux caractéristiques du client ainsi qu’à l’objet et à la nature de la relation d’affaires ou de l’opération occasionnelle doivent être obtenues au plus tard au moment :

  • de l’entrée en relation, lorsque le client souhaite nouer une relation d’affaires avec l’institution financière, ou
  • de la réalisation de l’opération, lorsqu’il s’agit d’une opération occasionnelle.

3.2. Impossibilité d’identifier les caractéristiques du client et/ou l’objet et la nature de la relation d’affaires ou de l’opération occasionnelle

3.2.1. Interdiction de nouer la relation d’affaire ou d’exécuter l’opération envisagée

Suivant l’article 34, § 3, alinéa 1er, de la Loi anti-blanchiment, lorsque les institutions financières ne sont pas en mesure d’obtenir les informations, requises par le niveau de risque de BC/FT qu’elles ont préalablement identifié, sur les caractéristiques du client et sur l’objet et la nature de la relation d’affaires ou de l’opération occasionnelle envisagée au plus tard au moment de l’entrée en relation ou de la réalisation de l’opération, elles ne peuvent :

  • ni nouer la relation d’affaires envisagée,
  • ni effectuer l’opération concernée, en particulier d’opération par compte bancaire.

La portée de cette interdiction, qui s’applique également en cas de non identification du client (ou de son mandataire ou bénéficiaire effectif) ou d’absence de vérification de son identité (voir la page « Non-respect de l’obligation d’identification et de vérification de l’identité »), ne peut pas être dissociée de celle de l’obligation de vigilance elle-même. Ainsi, les obligations d'identification et de vérification de l'identité étant pour la plupart des obligations de résultat, l'interdiction légale qui y est associée sort généralement ses effets dès l'instant où il apparaît que l'identification ou la vérification ne peut pas être opérée. En revanche, l’obligation d’identifier les caractéristiques du client ainsi que l’objet et la nature de la relation d’affaires ou de l’opération occasionnelle est quant à elle une obligation de moyens. Dans ce cas, l'interdiction de nouer ou de maintenir la relation d'affaires ou d'effectuer l'opération souhaitée par le client sort ses effets lorsque l'institution financière se trouve dans l'impossibilité, pour quelque raison que ce soit, de mettre en œuvre les moyens proportionnés au risque qui sont requis par la Loi avant que la relation d’affaires soit nouée ou l’opération occasionnelle réalisée.

Le refus de nouer une relation d’affaires avec un client potentiel ou d’exécuter une opération occasionnelle qu’il souhaite effectuer doit être correctement justifié. Il ne pourrait en effet s’agir d’un moyen pour l’institution financière de discriminer certaines catégories de clients (voir la page « Devoirs de vigilance et respect d’autres législations »).

3.2.2. Signalement à l’AMLCO

Au-delà de l'interdiction de nouer une relation d'affaires ou d'effectuer une opération avec le client dans les circonstances concernées, toute impossibilité, pour l’institution financière, de satisfaire à l’obligation d’identifier les caractéristiques du client ainsi que l’objet et la nature de la relation d’affaires ou de l’opération occasionnelle envisagée doit conduire l’institution financière, sous la responsabilité de l’AMLCO, à s’interroger sur les causes de cette impossibilité et si celles-ci justifient qu'une déclaration de soupçon soit adressée à la CTIF (article 34, § 3, alinéa 2, de la Loi anti-blanchiment).

Ceci implique que cette impossibilité fasse l’objet, préalablement, d’un constat et de la transmission d’un signalement à l’AMLCO, dont les modalités devraient être précisées dans les procédures internes adoptées par l’institution financière en application de l’article 8 de la Loi anti-blanchiment (pour plus d’information à ce sujet, voir la page « Politiques, procédures, processus et mesures de contrôle interne » et le point 1.4 de la page « Vigilance à l’égard des relations d’affaires et des opérations occasionnelles et détection des faits et opérations atypiques »). 

4. Mise à jour des données ou informations

Les institutions financières sont tenues de mettre à jour l’ensemble des informations qu’elles détiennent en application de l’obligation d’identifier les caractéristiques du client ainsi que l’objet et la nature de la relation d’affaires.

Cette obligation de mise à jour, qui doit faire l’objet d’une approche par les risques, ressortissant à la vigilance dont les institutions financières doivent faire preuve à l’égard des relations d’affaires et opérations occasionnelles en application de l’article 35, § 1er, de la Loi anti-blanchiment, il est renvoyé, pour plus d’information à cet égard, à la page « Vigilance à l’égard des relations d’affaires et des opérations occasionnelles et détection des faits et opérations atypiques ».

5. Mesures de contrôle interne

Il est attendu des institutions financières qu’elles contrôlent de manière périodique que les procédures internes adoptées en vue de leur permettre de satisfaire à l’obligation d’identifier les caractéristiques de leurs clients ainsi que l’objet et la nature des relations d’affaires et opérations occasionnelles soient en permanence bien respectées et que les processus de mise en œuvre des obligations qui sont liées à ce devoir de vigilance sont adéquats. 

La BNB recommande ainsi à la fonction d’audit interne de porter une attention particulière sur : 

  • le caractère adéquat des informations recueillies en exécution de l’obligation d’identifier les caractéristiques du client ainsi que l’objet et la nature de la relation d’affaires ou de l’opération occasionnelle;
  • le caractère adéquat de la mise à jour des données et informations détenues en exécution de cette même obligation;
  • s’agissant des établissements de monnaie électronique qui exercent la faculté de dérogation visée à l’article 34, § 2, de la Loi anti-blanchiment, la réalité de la faiblesse des risques liée à leur activité d’émission de monnaie électronique et des éléments énumérés à l’article 25 de la même loi, dont la réunion justifie l’application de la dérogation précitée.