Embargos financiers et gel d’avoirs: commentaires et recommandations de la BNB

Les institutions financières sont soumises à des obligations en matière d’« embargos financiers » et de « gel des avoirs ». La présente page web précise (i) le contexte des embargos financiers et des mesures de gel d’avoirs, (ii) les différents dispositifs d’embargos financiers et de gel d’avoirs que les institutions financières doivent respecter, (iii) l’obligation de se doter d’un système de surveillance, (iv) les autres mesures organisationnelles et opérationnelles que les institutions financières doivent prendre en matière d’embargos financiers et de gels d’avoirs, (v) la mise en œuvre concrète des mesures de gel et ses conséquences en termes notamment d’obligation de déclaration au SPF Finances, département de la Trésorerie et (vi) les mesures de contrôle interne recommandées par la BNB dans ce domaine.

L’attention des entreprises d’assurance non-vie est attirée sur le fait que les obligations en matière d’embargos et de gels d’avoirs s’appliquent à toute personne physique et morale indépendamment du champ d’application ratione personae de la Loi anti-blanchiment. Ainsi, certaines mesures reprises dans la présente page web s’appliquent donc également aux entreprises d’assurance non-vie.

1. Contexte

Les mesures d’embargos et de gel d’avoirs s’inscrivent dans le cadre de régimes de sanctions financières. Les sanctions financières sont des mesures restrictives prises à l’encontre de gouvernement de pays tiers, de personnes physiques, de personnes morales ou des groupements de fait dans le but de mettre un terme à certains comportements délictueux.

Le régime de sanctions financières est un instrument utilisé par les institutions internationales, européennes et le gouvernement belge à diverses fins, dont notamment la politique étrangère, la lutte contre le terrorisme et son financement ou la lutte contre la prolifération d’armes de destruction massive.

Même si les institutions financières doivent respecter l’ensemble des sanctions financières, la présente page web se concentre principalement sur les embargos financiers et mesures de gels d’avoirs liées à la lutte contre le terrorisme et son financement, ainsi qu’à la lutte contre la prolifération d’armes de destruction massive. S’agissant des devoirs spécifiques de vigilance relatifs à de la lutte contre la prolifération d’armes de destruction massive, il est renvoyé à la page Vigilance à l’égard des relations d’affaires et des opérations occasionnelles et détection des faits et opérations atypiques où il est rappelé que doivent également être considérées comme atypiques les opérations qui pourraient être liées à la prolifération des armes de destruction massive, en raison de leurs caractéristiques intrinsèques ou de celles des personnes intervenant en qualité de clients, de mandataires, de bénéficiaires effectifs ou de contreparties dans ces opérations, notamment en raison de leurs liens avec les pays concernés ou avec des personnes ou entités connues pour leur implication dans la prolifération des armes de destruction massive.

En matière de sémantique, il est généralement entendu sous la notion d’ « embargo financier » une mesure restrictive ou une sanction prise au niveau national et/ou international à l’encontre d’un pays pour diverses raisons, comme expliqué ci-dessus. La notion de « gel d’avoirs » renvoie à une restriction temporaire au droit de propriété d’une personne physique ou morale dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ou la prolifération des armes de destruction massive.

Les mesures d’embargos et de gel des avoirs doivent être mises en œuvre par les institutions financières dès leur entrée en vigueur et génèrent à leur charge une obligation de résultat. Contrairement à d’autres dispositions de la Loi anti-blanchiment, l’application des mesures d’embargos et de gel des avoirs ne relève donc pas d’une approche fondée sur les risques.

L'attention des institutions financières est attirée également sur le fait que les infractions aux mesures d’embargos et au gel d’avoirs sont pénalement sanctionnées et que la loi du 13 mai 2003 relative à la mise en œuvre des mesures restrictives adoptées par le Conseil de l'Union européenne à l'encontre d'Etats, de certaines personnes et entités prévoit également des sanctions en cas d’infractions aux règlements et décisions européens. Depuis la loi du 2 mai 2019 portant des dispositions financières diverses, l'Administration générale de la Trésorerie du SPF Finances est compétente pour rechercher et constater les infractions aux mesures restrictives financières. Si la recherche de ces infractions ne relève donc pas des compétences légales de la BNB, il lui appartient néanmoins de s’assurer, en tant qu’autorité de contrôle désignée par la Loi anti-blanchiment, que les institutions financières qui relèvent de ses compétences ont défini et mettent en application des politiques, des procédures et des mesures de contrôle interne efficaces et proportionnées à leur nature et à leur taille afin de se conformer aux dispositions contraignantes relatives aux embargos financiers, comme requis par l’article 8, § 1er, 3°, de la Loi anti-blanchiment (cf. point 3 ci-dessous).

2. Présentation des différents dispositifs d’embargos financiers et de gel d’avoirs à respecter

Les organisations et autorités internationales telles que l’Organisation des Nations Unies et l'Union européenne ainsi que les autorités nationales peuvent imposer des mesures restrictives aux pays, organisations, personnes morales ou personnes physiques impliqués ou soupçonnés de violation des droits de l’homme ou du droit international, d’actes criminels, de terrorisme, de blanchiment d'argent, etc.

Ainsi, les institutions financières doivent respecter les embargos financiers et les mesures de gel d’avoirs imposés par (i) l’Organisation des Nations Unies (pour autant que ces résolutions aient été rendues exécutoires en Belgique), (ii) l'Union européenne et (iii) le législateur belge. 

2.1. Les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies

En application du chapitre VII de la Charte des Nations Unies (missions de maintien de la paix), le Conseil de sécurité des Nations Unies (ci-après CSNU) peut adopter des résolutions « en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression » prévoyant des mesures d’embargos financiers ou de gel d’avoirs.

Les résolutions du CSNU en matière de sanctions sont transposées en droit européen par l'Union européenne, ce qui les rend dès lors directement applicables en Belgique. Depuis la loi du 2 mai 2019 précitée, les mesures de gel prévues par les résolutions du CSNU doivent être mises en œuvre immédiatement en Belgique, sans attendre d’être confirmées par un arrêté ministériel (comme c’était le cas antérieurement) ou un règlement européen (cf. point 2.2. ci-dessous).

L’adoption d’une résolution du CSNU fait l’objet d’une publication sur le site de l’Organisation des Nations Unies.  Ces résolutions sont également publiées sur le site internet de la Trésorerie. Les institutions financières sont donc invitées à consulter régulièrement le site de la Trésorerie pour identifier la liste des résolutions du CSNU applicables.

2.2. Les règlements européens portant mesures restrictives

Dans le cadre de la politique extérieure et de sécurité commune, l’Union européenne adopte des règlements européens lui permettant :

  • de transposer dans son ordre juridique les résolutions du CSNU prévoyant des mesures d’embargos financiers et de gel d’avoirs ; et
  • d’imposer des mesures de gel de manière autonome, indépendamment de toute action des Nations Unies.

Ces sanctions européennes sont directement applicables en Belgique. Pour obtenir une liste récapitulative des sanctions européennes, il est renvoyé au site internet de la Trésorerie (lequel renvoie au site de la Commission européenne).

2.3. La liste nationale des personnes ou entités soumises à des mesures de gel

La résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité de l'ONU appelle tous les pays à geler les fonds et ressources économiques des personnes et entités qui commettent ou tentent de commettre des infractions terroristes, les facilitent ou y participent. Complémentairement aux règlements 2580/2001, 881/2002 et à la position commune 2001/931/PESC, la Belgique a pris des mesures pour élaborer une liste nationale.

Dans ce cadre, une «  liste nationale consolidée des personnes et entités dont les avoirs ou les ressources économiques sont gelées dans le cadre de la LBC/FT » a été élaborée en exécution de l'arrêté royal du 28 décembre 2006 relatif à des mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le financement du terrorisme, confirmé par l’article 155 de la loi du 25 avril 2007 portant des dispositions diverses. Cet arrêté royal exige de geler tous les fonds et ressources économiques des personnes et entités figurant sur cette liste nationale et interdit la mise à disposition de fonds et ressources économiques, directement ou indirectement à ces personnes et entités.

Cette liste nationale est disponible sur le site internet de la Trésorerie. Elle est d’application aux institutions financières soumises au droit belge (donc établies en Belgique). Les entités maisons-mère de droit belge qui sont à la tête d’un groupe tel que défini à l’article 4, 22°, de la Loi anti-blanchiment doivent en outre veiller à ce que chacun des autres établissements de ce groupe applique la liste nationale de l’Etat -membre ou du pays tiers où ceux-ci sont établis. Ceci sous réserve d’accords de sous-traitance intra-groupe qui prévoiraient que la maison-mère effectuerait le screening pour chacun de ces établissements.

2.4. Dérogations octroyées par la Trésorerie

L’Administration générale de la Trésorerie peut octroyer sur demande des dérogations aux sanctions financières. Pour plus d’informations à ce sujet, il est renvoyé au site de la Trésorerie.

3. Obligation de se doter d’un système de surveillance

En vertu de l’article 8, § 1er, 3°, les entités assujetties sont tenues de définir et de mettre en application des politiques, des procédures et des mesures de contrôle interne efficaces et proportionnées à leur nature et à leur taille afin de se conformer aux dispositions contraignantes relatives aux embargos financiers.

Conformément à l’article 23 du Règlement BNB anti-blanchiment, les institutions financières doivent se doter d’un système de surveillance permettant de s’assurer du respect des dispositions contraignantes relatives aux embargos financiers et aux gels d’avoirs. 

3.1. Attentes de la BNB concernant le système de surveillance

Le système de surveillance doit procéder au filtrage des bases clientèle et des opérations de réception / mise à disposition de fonds, instruments financiers ou ressources économiques pour détecter si (i) un client, un mandataire ou un bénéficiaire effectif ou (ii) la contrepartie des opérations financières réalisées par le client ou le mandataire ne fait pas l’objet d’une mesure de gel d’avoirs.

En application de l’article 23 du Règlement BNB anti-blanchiment, ce système de surveillance doit :

  1. couvrir l’intégralité des comptes et contrats des clients et de leurs opérations ;
  2. permettre une détection rapide des éventuelles infractions aux dispositions en matière d’embargos et de gels d’avoirs ou en temps réel, lorsque ces dispositions le requièrent ;
  3. être automatisés, sauf si l’institution financière assujettie peut démontrer que la nature, le nombre et le volume des opérations à surveiller ne le requièrent pas ; et
  4. faire l’objet d’une procédure de validation initiale et d’une mise à jour régulière.

Outre ces éléments, la BNB attire également l’attention des institutions financières sur les éléments suivants :

3.1.1 Listes de gel à prendre en compte

Le système de surveillance doit prendre en compte l’ensemble des dispositifs d’embargos financiers et de gel repris au point 2 ci-dessus. La liste reprise dans le système de surveillance doit donc être mise à jour très régulièrement et à chaque ajout d’une nouvelle personne ou entité conformément aux modalités prévues dans la procédure relative à la surveillance des opérations au regard des obligations en matière d’embargos financiers et de gel d’avoirs. L’AMCO doit ainsi mettre en place une veille juridique lui permettant de suivre les modifications aux listes d’embargos financiers et de gel d’avoirs. Si l’institution financière a des succursales à l’étranger, ces succursales doivent se conformer à la règlementation locale en matière de gel d’avoirs.  Dans ce cas, la maison-mère du groupe peut également prendre en compte les listes de gels des pays avec lesquels elle a un lien de rattachement de type succursale.

3.1.2. Paramétrage du système de surveillance

Le système de surveillance doit permettre de détecter :

  • d’une part, les clients, mandataires et bénéficiaires effectifs dont les données d’identification sont identiques aux éléments d’identification disponibles, y compris les alias,  d’une personne ou entité désignée sur une liste officielle de sanctions applicables en Belgique ; et
  • d’autre part, les contreparties d’opérations financières sortantes réalisées par un client ou un mandataire dont le nom, le prénom ou l’alias ou la dénomination sociale seraient identiques aux données reprises sur une liste officielle de sanctions applicables en Belgique (N.B. : la BNB considère par ailleurs comme utile que le système de surveillance permette la détection des donneurs d’ordre des opérations financières entrantes. S’il devait s’avérer que le donneur d’ordre (et seulement lui) de l’opération financière entrante est désigné sur une liste officielle de sanctions applicables en Belgique, l’exécution de l’opération financière entrante n’entraînerait pas de mise à disposition d’avoirs au profit d’une telle personne ou entité désignée et donc pas d’infraction aux règles en matières d’embargos financiers et de gels d’avoirs ; cependant, sous l’angle de la prévention du BC/FT, une telle opération devrait être considérée comme atypique voire suspecte et un réexamen du profil de risque du client ainsi que des personnes liées pourrait s’imposer, accompagnée d’une déclaration de soupçons à la CTIF, le cas échéant -  cf. point 5.4. ci-dessous).

Dans tous les cas, la BNB recommande aux institutions financières d’éviter que leur système de surveillance repose sur une fonction de rapprochement de type « exact match » et, ainsi, de définir un taux de concordance raisonnable. A titre indicatif, il est relevé qu’un taux de concordance raisonnable fréquemment utilisé dans la pratique est de 85%.

3.1.3. Périmètre du système de surveillance 

Les dispositifs de filtrage des systèmes de surveillance doivent permettre de détecter les fonds, instruments financiers et ressources économiques selon qu’ils :

  • appartiennent ou sont possédés par une personne ou entité désignée ;
  • sont détenus ou contrôlés par une personne ou entité désignée ;
  • sont mis directement ou indirectement à la disposition d’une personne ou entité désignée.

3.1.4. Fréquence du filtrage

Les institutions financières doivent effectuer un filtrage avant toute entrée en relation d’affaires et avant d’effectuer une opération occasionnelle, ainsi que lors de l’exécution d’opérations impliquant des parties tierces, telles que, notamment, les transferts de fonds au profit de tiers ordonnés par leurs clients ou la réception de transferts de fonds effectués par un tiers au profit de leurs clients.

Les institutions financières doivent également procéder à de nouveaux contrôles de leurs bases de données clients lorsque de nouvelles personnes ou entités sont inscrites sur les listes de gel des avoirs en vigueur.

3.2. Analyse des alertes générées par le système de surveillance

L’analyse des alertes a pour objet de déterminer si la personne ou l’entité détectée via le système de surveillance est celle qui fait l’objet d’une mesure de gel ou s’il s’agit d’un homonyme.

Il y a homonymie lorsque :

  • l’orthographe du nom et du prénom ou alias ou de la dénomination sociale est identique à celui de la personne ou entité désignée, y compris les cas où le nom n’est pas discernable du prénom ;
  • l’orthographe du nom et du prénom ou alias ou de la dénomination sociale diffère de celui de la personne désignée en raison notamment de l’utilisation d’alphabets étrangers, qui semblent proches, phonétiquement.

3.2.1. Le rôle de l’AMLCO

L’AMLCO doit mettre en place, sous sa responsabilité, un processus d’analyse dans les plus brefs délais des alertes générées par les systèmes de surveillance.  A cet effet, une ou plusieurs personnes de l’équipe AMLCO doivent être désignées pour assumer cette tâche.  Le cas échéant, dans des institutions financières d’importance moins significative, pour des raisons de proportionnalité, l’AMLCO pourrait déléguer cette responsabilité à un « correspondant AMLCO » dans un service opérationnel qui travaillera sous sa responsabilité directe.  Lorsqu’une telle organisation est mise en œuvre, la BNB insiste sur le fait que l’AMLCO demeure pleinement responsable de l’intégralité des tâches liées à l’analyse des alertes générées par les systèmes de surveillance, même s’il a recours pour l’exécution de celles-ci à un « correspondant AMLCO » dans un service opérationnel.

3.2.2. Les diligences à mener en cas d’alertes

L’AMLCO doit définir dans une procédure les diligences à mener en cas d’alertes (cf. le point 4.2. ci-dessous).  Cette procédure doit notamment comprendre :

  • les comparaisons à effectuer pour identifier les cas d’homonymie ;
  • les éléments à recueillir pour mener à bien le traitement des alertes ;
  • les modalités de la déclaration au SPF Finances, département de la Trésorerie,
  • etc.

Durant le traitement d’une alerte, l’AMLCO peut prendre contact avec le SPF Finances, département de la Trésorerie mais cet échange d’informations se distingue de la déclaration formelle mentionnée au point 5 ci-dessous.

3.2.3. Suspension de l’exécution de toute opération

En cas d’alerte, les institutions financières doivent suspendre l’exécution de toute opération au profit ou en provenance d’une personne ou entité qui pourrait être désignée, jusqu’au traitement complet de l’alerte.  Cette suspension peut être subordonnée à des éléments tels que la production, par le client, d’un complément d'information ou la production de documentation sur les transactions envisagées ou les contreparties impliquées.

4. Autres mesures organisationnelles et opérationnelles à prendre

Afin d’opérationnaliser les obligations qui reposent sur les institutions financières en matière d’embargos financiers et de gel d’avoirs, la BNB leur recommande de prendre les autres mesures suivantes :

  1. Intégration des aspects embargos et gels d’avoirs dans la politique d’acceptation des clients ;
  2. Formalisation d’une ou plusieurs procédure(s) relative(s) à la surveillance en matière d’embargos financiers et de gel des avoirs ;
  3. Mise en place d’un système opérationnel permettant le gel effectif et immédiat des avoirs.

4.1. Politique d’acceptation des clients

La BNB s’attend ainsi à ce que chaque institution financière énonce clairement dans sa politique en matière de LBC/FTP prise en application de l’article 8 de la Loi anti-blanchiment les objectifs qu’elle se fixe dans le cadre du respect des dispositions contraignantes en matière d’embargos financiers et de gels d’avoirs.

Concrètement, comme indiqué à la page Politiques, procédures, processus et mesures de contrôle internes, la BNB recommande que les institutions financières définissent dans le volet « politique d’acceptation des clients » de la politique LBC/FTP les principes de base qui doivent être respectés par les procédures de mise en œuvre des dispositions contraignantes en matière d’embargos financiers applicables lors de l’entrée en relation. La politique d’acceptation des clients doit permettre à chaque institution financière de s’assurer qu’elle satisfait à ses obligations en matière d’embargo financier, en ce compris en matière de gel des avoirs de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

Ceci suppose notamment qu’une vérification soit opérée pour s’assurer que le client, ses mandataires éventuels et ses bénéficiaires effectifs ne sont pas des personnes reprises dans les listes d’embargo qui sont d’application.

4.2. Elaboration d’une ou plusieurs procédure(s) relative(s) à la surveillance en matière d’embargos financiers et de gel d’avoirs

Les institutions financières doivent mettre en place une ou plusieurs procédures relatives à la surveillance des opérations au regard des obligations en matière d’embargos financiers et de gel d’avoirs. 

Comme indiqué à la page Politiques, procédures, processus et mesures de contrôle internes, cette ou ces procédures couvrent au moins les éléments suivants pour ce qui concerne les embargos financiers et gel d’avoirs:

  • elles organisent le processus d’analyse et de validation initiale et de réexamen régulier, conformément à l’article 23 du Règlement BNB anti-blanchiment, du système de surveillance des opérations mis en œuvre ;
  • elles précisent les modalités de mise à jour régulière des listes de personnes faisant l’objet de mesures d’embargos financiers et de gel des avoirs qui sont utilisées par le système de surveillance des opérations mis en œuvre ;
  • elles organisent de manière précise et détaillée le processus d’analyse dans les plus brefs délais, sous la responsabilité de l’AMLCO, des alertes générées par les systèmes de surveillance des opérations afin de s’assurer de leur pertinence ;
  • elles organisent de manière précise et détaillée, dans le cas d’alertes dont la pertinence est avérée :
    • le processus de gel immédiat des avoirs concernés ;
    • les modalités de notification du gel d’avoirs au service compétent du SPF Finances ; et
    • la soumission de l’opération concernée et, le cas échéant, de la relation d’affaires dans le cadre de laquelle l’opération a eu lieu, à un examen sous la responsabilité de l’AMLCO en vue de déterminer si elles génèrent en outre des soupçons de BC/FT.

4.3. Mise en place d’un système opérationnel permettant un gel effectif et immédiat des avoirs

L’AMLCO doit mettre en place un système opérationnel permettant un gel effectif avec effet immédiat des avoirs du client concerné.  Par ailleurs, les institutions financières doivent veiller à ce que ce système de blocage puisse également être activé lorsqu’une banque correspondante avec laquelle elles collaborent détecte une violation potentielle d’un embargo ou d’une mesure de gel d’avoirs.

5. La mise en œuvre concrète des mesures de gel

Si l’analyse de l’alerte conduit l’AMLCO à conclure que le client ou le bénéficiaire d’une opération est visé par un dispositif d’embargo financier ou de gel d’avoirs, plusieurs conséquences en découlent.

5.1. Interdiction d’entrée en relation

Les institutions financières s’abstiennent d’entrer en relation avec une personne ou une entité désignée dans un dispositif d’embargos financiers ou de gel d’avoirs.

5.2. Interdiction de mise à disposition d’avoirs

La mise en œuvre d’une mesure de gel signifie que tous les avoirs du client désigné doivent être gelés. Lorsqu’une opération vise à mettre des avoirs à la disposition d’une partie tierce, cette opération ne peut être exécutée. La notion d’« avoirs » est définie de manière large et couvre les fonds, les instruments financiers et les ressources économiques. La notion de « ressources économiques » vise tous les avoirs de quelque nature que ce soit, corporels ou incorporels, mobiliers ou immobiliers, qui ne sont pas des fonds mais peuvent être utilisés pour obtenir des fonds, des biens ou des services.

Ainsi, pour les institutions financières de type bancaire, le compte du client désigné doit demeurer inactif. Pour les institutions financières du secteur de l’assurance, l’exécution des contrats d’assurance-vie doit être gelée à chaque étape du contrat, sauf si seul l’assuré est une personne désignée (puisque celle-ci ne verse ni ne reçoit les fonds).  De même, des mesures doivent également être prises dans le secteur non-vie.

5.3. Déclaration immédiate au SPF Finances – Département de la Trésorerie

Dès qu’une institution financière procède à une mesure concrète de gel d’avoirs, il y a lieu de prendre contact au plus vite avec le SPF Finances - Département de la Trésorerie (cf. le site internet de la Trésorerie ou l’email : [email protected]).  

A cet égard, la BNB attire l’attention sur le fait que les institutions financières doivent notifier immédiatement la mise en œuvre d’une mesure de gel. Il est attendu des institutions financières qu’elles effectuent cette déclaration dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dès que l’analyse de l’alerte a permis de s’assurer que le personne ou l’entité détectée est bien celle qui fait l’objet d’une mesure de gel.

La BNB recommande que ce soit l’AMLCO qui déclare les situations de gel au SPF Finances, Département de la Trésorerie.  Dans ce cas, l’AMLCO communique à l’Administration générale de la Trésorerie toutes les informations dont il dispose pour procéder aux vérifications nécessaires (par exemple : une copie de la carte d'identité ou du passeport de la personne concernée, référence du Règlement ou de la Décision du régime de sanctions où le nom de la personne ou de l’entité est mentionné, etc.). 

5.4. Réexamen du profil de risque du client désigné et des personnes liées et, le cas échéant, déclaration à la CTIF

Les institutions financières réexaminent le profil de risques du client désigné sur une liste d’embargos ou de gels d’avoirs ainsi que des personnes liées à celui-ci.  Elles mettent en œuvre des mesures de vigilance adaptées à l’égard du client désigné et des personnes liées et réalisent un examen renforcé des  opérations effectuées antérieurement, et plus généralement du fonctionnement de toute relation d’affaires ayant des liens avec la personne ou l’entité désignée, qui pourrait avoir pour objet de mettre des fonds, instruments financiers ou ressources économiques à la disposition de la personne ou entité désignée ou pourraient être liées au blanchiment de capitaux, au financement du terrorisme ou au financement de la prolifération des armes de destruction massive. Si le réexamen du profil de risque du client conduit à une décision de mettre fin à la relation d’affaires, cette décision ne peut bien évidemment en aucun cas avoir pour conséquence de restituer au client des avoirs visés par la mesure de gel.

Le cas échéant, complémentairement à la mesure de gel des avoirs et à sa notification au SPF Finance, département de la Trésorerie, l’institution financière procède également à une déclaration de soupçon à la CTIF (cf. la page Déclaration de soupçons).

5.5. La levée des mesures d’embargos financiers et de gel d’avoirs

Si une mesure d’embargos financiers et de gel d’avoirs peut être abrogée, l’institution financière est invitée à prendre contact sans délai avec le SPF Finances, département de la Trésorerie, pour déterminer de manière concrète les mesures prendre.

6. Mesures de contrôle interne

Il est attendu des institutions financières qu’elles contrôlent de manière périodique et permanente que les politiques et procédures en matière d’embargos financiers et de gel des avoirs qui ont été validées soient bien respectées et que les processus de mise en œuvre des obligations organisationnelles et opérationnelles en matière d’embargos financiers et de gels d’avoirs soient adéquats. 

S’agissant du système de surveillance des embargos financiers et des gels d’avoirs, la BNB recommande à la fonction d’audit interne de porter une attention particulière sur : 

  • l’efficacité du système de surveillance, en prenant notamment en compte le nombre d’alertes qui sont générés ;
  • l’efficacité du processus d’analyse des alertes générées par le système, en prenant le nombre de cas de remontée d’informations vers le SPF Finances, département de la Trésorerie ;
  • l’adéquation des moyens humains et techniques mis à disposition l’AMLCO pour effectuer l’analyse des alertes générées par le système de surveillance.