4.3.3 Indépendance d'esprit

4:57 Une distinction peut être établie entre (i) l'indépendance d'esprit et (ii) l'indépendance « formelle » telle que précisée à l'article 15, 94° de la Loi de contrôle des assurances. 

4:58 En ce qui concerne la première notion (indépendance d’esprit), toute personne qui exerce une fonction d’administrateur, de dirigeant effectif ou de responsable d’une fonction de contrôle indépendante doit pouvoir décider en conscience, en toute objectivité et de manière indépendante, dans l'intérêt de l'entreprise et de ses parties prenantes, après avoir soigneusement soupesé toutes les informations et opinions disponibles, et indépendamment de toute influence extérieure. 

4:59 En ce qui concerne l'indépendance formelle, il convient de se référer aux critères énoncés à l'article 15, 94° de la Loi de contrôle des assurances. Il s’agit d’une qualification attribuée à quelques administrateurs non-exécutifs qui ont pour missions de représenter l’ensemble des parties prenantes / stakeholders de l’entreprise et de surveiller le management notamment en participant aux comités spécialisés du conseil d’administration.

4.3.3.1 Indépendance d’esprit et conflits d’intérêts

4:60 Les administrateurs, dirigeants effectifs et responsables d’une fonction de contrôle indépendante doivent être capables de prendre leurs propres décisions de manière saine, objective et indépendante. L’indépendance d'esprit ressort du caractère et du comportement de la personne concernée et peut être affectée par des conflits d'intérêts.

4:61 Ainsi, l’entreprise doit évaluer si la personne concernée par le contrôle d’aptitude:

  1. possède les aptitudes comportementales nécessaires, et notamment:
    1. le courage, la conviction et la force d’évaluer et de remettre en cause efficacement les propositions de décisions qui lui sont soumises;
    2. la capacité de poser des questions et d’exprimer des opinions divergentes; et
    3. la capacité de ne pas céder à la pensée de groupe;
  2. est susceptible d’être confrontée à des conflits d’intérêts qui pourraient porter atteinte à sa capacité d’exercer sa fonction avec l’indépendance d’esprit et l’objectivité nécessaire.

4:62 Tenant compte de ce risque de conflits d’intérêts, la Loi de contrôle des assurances exige que l’organe légal d’administration mette en place des mécanismes de gouvernance visant à prévenir les conflits d'intérêts. Il est renvoyé à cet égard à l’article 83 de la Loi de contrôle des assurances en ce qui concerne les fonctions extérieures[1] et à l’article 93 concernant les prêts, crédits, garanties et contrats d’assurance aux dirigeants, actionnaires et personnes apparentées[2].

4:63 En ce qui concerne les situations susceptibles de générer des conflits d’intérêts, il est renvoyé à la circulaire coupole gouvernance 2016_31[3]. La notion de conflits d’intérêts ne se limite pas aux conflits d’intérêts patrimoniaux au sens du Code des sociétés et des associations.

4:64 Les entreprises doivent identifier, dans le chef de la personne concernée, les conflits d’intérêts avérés ou potentiels auxquels elle peut être confrontée, conformément à leur politique en la matière, et en évaluer le caractère significatif ou non [4].

4:65 Tous les conflits d’intérêts, avérés ou potentiels, significatifs ou non, au niveau du conseil d’administration, de la direction effective on ou d’un responsable de fonction de contrôle indépendante doivent être discutés, documentés, tranchés de manière adéquate et dûment gérés par l’organe compétent (c’est-à-dire que les mesures nécessaires doivent être prises). Les personnes concernées doivent s’abstenir de voter sur des sujets qui les placent en situation de conflits d’intérêts.

4:66 Lorsqu’un conflit d’intérêts significatif est identifié, l’entreprise doit (i) procéder à une évaluation détaillée de la situation; (ii) décider des mesures d'atténuation qu'elle prendra sur la base de sa politique interne en matière de conflits d'intérêts; et (iii) décider des mesures qu'elle prendra pour prévenir le conflit d'intérêts, si elle ne peut pas atténuer ou gérer le conflit d'intérêts de manière adéquate. 

4:67 Les entreprises doivent informer la BNB de tout conflit d’intérêts, avéré ou potentiel, significatif qui pourrait avoir une incidence sur l’indépendance d’esprit d’un membre du conseil d’administration, d’un dirigeant effectif ou d’un responsable de fonction de contrôle indépendante. Dans ce cas, l’entreprise communique à la BNB au moins les informations suivantes: (i) une description du conflit d’intérêts identifié, (ii) une description de l’évaluation réalisée au sein de l’entreprise, (iii) la conclusion de l’entreprise quant aux mesures d’atténuation ou de prévention prises et (iv) la motivation du caractère adéquat de ces mesures (« conflict of interests statement »).

4.3.3.2 Indépendance d’esprit versus indépendance formelle au sens de l’article 15, 94° de la Loi de contrôle des assurances

4:68 Comme indiqué ci-dessus, l’indépendance d’esprit ne doit pas être confondue avec l’indépendance formelle au sens de l’article 15, 94° de la Loi de contrôle des assurances. Un administrateur indépendant au sens formel est un administrateur non-exécutif qui n’a pas de lien avec l’actionnaire et qui représente les intérêts de l’ensemble des stakeholders de l’entreprise. La Loi de contrôle des assurances prévoit la présence d’un ou plusieurs administrateurs indépendants dans les comités spécialisés de l’organe légal d’administration[5].

4:69 La notion d’indépendance est définie à l’article 15, 94° de la Loi de contrôle des assurances. Ledit article énonce une liste de 9 critères. L'entreprise a néanmoins la possibilité de faire valoir auprès de la BNB que, bien que tous les critères n'aient pas été remplis, l'indépendance de la personne concernée n'est pas compromise (« explain », en application du principe « comply or explain »)[6].

4:70 Dans la pratique, les décisions de la BNB concernant, d’une part, l’aptitude de la personne concernée, et d’autre part, la justification de non-respect d’un des critères de l’article 15, 94° de la Loi de contrôle des assurances seront généralement de manière concomitante. Néanmoins, il n’est pas exclu que ces décisions soient dissociées dans la mesure où la question de l’indépendance concerne également le processus de surveillance permanente de la gouvernance. 

[1] Voir également l’arrêté royal du 8 février 2022 portant approbation du règlement de la Banque nationale de Belgique du 9 novembre 2021 concernant l’exercice de fonctions extérieures par les dirigeants et responsables de fonctions de contrôle indépendantes d’entreprises réglementées et la Communication NBB_2022_19 sur ce sujet.

[2] Voir aussi la circulaire NBB_2017_21 concernant les prêts, crédits, garanties et contrats d’assurance aux dirigeants, actionnaires et personnes apparentées.

[3] Y compris les sections relatives aux prêts aux dirigeants et fonctions extérieures.

[4] Concernant les conflits d’intérêts pouvant ressortir de prêts, crédit, contrats d’assurance et garanties visés à l’article 93 de la Loi de contrôle des assurances, il est rappelé que seuls les prêts, crédits et garanties de plus de 100.000 euros doivent être considérés comme significatifs. 

[5] Cf. l’article 48 de la Loi de contrôle des assurances qui impose, lorsque l’entreprise a l’obligation de constituer un comité d’audit, un comité des risques et un comité de rémunération, que chacun d’eux compte au moins un administrateur indépendant. Il est en outre imposé que la majorité des membres du comité d’audit soient indépendants. 

[6] Dans ce cas, l’entreprise transmet, ensemble avec le formulaire « fit & proper » de l’administrateur concerné, une demande de dérogation dans laquelle elle justifie le bien-fondé de sa demande. L’acceptation ou non de cette demande de dérogation doit faire l’objet d’une décision de la BNB dans le cadre de la surveillance de la gouvernance.