Introduction

Dans le sillage de la crise financière, l'une des préoccupations exprimées a été la nécessité d’une gouvernance adaptée au sein des établissements financiers. La bonne gouvernance constitue en effet l'une des pierres angulaires du bon fonctionnement de la vie des entreprises et du système économico‑financier.

Contexte

Les établissements de crédit font appel public à l’épargne et contractent des engagements à long terme qui requièrent un degré élevé de confiance dans leur stabilité et leur solvabilité.  Les faiblesses de la gouvernance d'entreprise dans un certain nombre d'établissements ont contribué à une prise de risque excessive et imprudente dans le secteur bancaire, ce qui a entraîné la faillite d'établissements individuels et des problèmes systémiques au niveau européen et mondial. Dès lors, la détermination des établissements à prendre toutes les mesures raisonnables pour assurer une bonne gouvernance de leur activité revêt non seulement de l’importance dans l’intérêt de leur propre gestion, mais est en outre essentielle pour maintenir la confiance du public, de leur clientèle et des acteurs du marché dans les établissements individuels et dans le système financier dans son ensemble. 

Suivant en cela les évolutions internationales en matière de bonne gouvernance, tant du point de vue des autorités de contrôle (nouvelles orientations du Comité de Bâle et de l'Autorité Bancaire Européenne (European Banking Authority - EBA)) que sous l’angle de la réglementation européenne, la Belgique a adopté en 2014 une loi bancaire[1] qui a précisé les différentes règles en matière de bonne gouvernance.  Ces règles ont été revues à différentes reprises.

Le présent Manuel poursuit deux objectifs : d’une part, rassembler en un texte unique les textes légaux et règlementaires en matière de bonne gouvernance qui sous-tendent le contrôle prudentiel des établissements de crédit et des compagnies financières (mixtes) en Belgique (sans remplacement des documents sous-jacents) et, d’autre part, préciser les attentes prudentielles de la BNB en matière de gouvernance en mettant en exergue les éléments nouveaux issus des dernières évolutions réglementaires en la matière.

Pour assurer le respect des règles en matière de gouvernance, la loi bancaire met en outre à la disposition de l'autorité de contrôle un arsenal étendu de mesures : des mesures prudentielles dans le cadre du deuxième pilier (art. 149), des mesures de redressement (art. 234‑238), des mesures coercitives (art. 345‑346) et des amendes administratives (art. 347) . Certaines infractions sont par ailleurs sanctionnées pénalement (art. 348‑352).

Champ d’application

Le présent manuel s’applique aux établissement suivants[2] :

  • les établissements de crédit établis en Belgique[3] ;
  • les succursales établies en Belgique d’établissements de crédit relevant du droit d’Etats qui ne sont pas membres de l’Espace économique européen[4] ; et
  • les compagnies financières et compagnies financières mixtes de droit belge[5].
     

Méthodologie

Le présent manuel vise à référencer l’ensemble des textes relatifs aux exigences en matière de gouvernance (loi bancaire et son exposé des motifs, règlements, arrêtés royaux d’exécution, circulaires, communications, réglementation européenne et orientations de l’EBA) et, au besoin, à en préciser la teneur. Le manuel (introduit initialement via la circulaire NBB_2015_29) vise ainsi à préciser, sur une série de sujets, les attentes prudentielles de la BNB en matière de gouvernance. Le manuel précise également des thèmes qui ne font pas à proprement parler l'objet de documents de politique spécifiques. Par ailleurs, il va de soi que les documents de politique qui ne sont pas abordés dans le cadre du présent manuel restent d'application. Au demeurant, le manuel ne porte aucunement préjudice aux compétences des autres autorités de contrôle (par exemple la FSMA) dans le domaine de la gouvernance.

Le manuel ne remplace en aucun cas les documents de politique pertinents. Si des documents de politique subissent des modifications, le manuel sera adapté et il devra entretemps être interprété de manière évolutive. Comme il s'agit en principe d'une publication en ligne, le manuel se veut un ouvrage en constante évolution, qui reste applicable au fil de ces modifications sans pour autant que son intitulé ou sa référence s’en trouvent modifiés comme c'est par exemple le cas pour les circulaires qui ne sont pas publiées sous la forme d’un site internet. Cela dit, les adaptations éventuelles seront toujours portées à la connaissance des établissements. Elles seront par ailleurs expliquées dans une rubrique spécifique, avec mention de la date de modification.

La structure du manuel suit dans la mesure du possible la structure de la loi bancaire et des orientations de l’EBA en matière gouvernance interne du 2 juillet 2021 (EBA/GL/2021/05).

Il est à noter que, pour l'application du manuel, il y a lieu de tenir compte du mécanisme de surveillance unique[6]. À cet égard, il convient de noter que le terme « autorité de contrôle » doit être compris comme désignant la BCE ou la BNB selon le cas. Bien que la BCE soit compétente pour les établissements de crédit « importants »[7] au sens du règlement MSU, il revient aux autorités compétentes nationales d'assister la BCE dans ses activités de surveillance. La BNB fournit cette assistance dans le cadre des Joint Supervisory Teams, qui constituent le premier interlocuteur des établissements.

Le manuel aborde les sujets suivants : (i) qualités requises des actionnaires et des associés ; (ii) qualités requises des dirigeants et des fonctions de contrôle indépendantes ; (iii) caractère approprié de l'organisation de l'entreprise ; (iv) gouvernance au niveau du groupe et; (v) reportings prudentiels et transparence.
 

Proportionnalité

L'article 21, §2 de la loi bancaire prévoit que les dispositifs de gouvernance interne doivent être adaptés à la nature, à l’échelle et à la complexité des risques inhérents au modèle d’entreprise et aux activités de l’établissement.

Sans constituer d’exemption des exigences de fond, l’application du principe de proportionnalité permet aux établissements visés dans le champ d’application du présent manuel de tenir compte de critères tels que la nature, l’échelle et la complexité des risques inhérents au modèle d’entreprise et aux activités de l’établissement pour définir le degré d’exigence de gouvernance qui leur est applicable.  La proportionnalité permet également une adaptation de la fréquence de collecte des reporting, comme c’est le cas avec le rapport de la direction effective concernant l’évaluation du contrôle interne (transmission tous les 2 ans pour les établissements de crédit qui ne sont pas soumis à la surveillance directe de la BCE et tous les ans pour les établissements soumis à la surveillance directe de la BCE conformément à l’article 59 de la loi bancaire).

Pour plus d’informations concernant la proportionnalité et les critères à prendre en compte, il est renvoyé aux §§ 16 à 18 des orientations EBA/GL/2021/05. 

Définitions

Les termes utilisés dans le manuel ont la même signification que celle qui leur est donnée à l'article 3 de la loi bancaire ou dans les orientations EBA/GL/2021/05. Aux fins du présent manuel, il y a lieu d’entendre par:

« administrateurs » : tous les membres de l’organe légal d’administration d’un établissement visé dans le champ d’application du présent manuel, tant les administrateurs exécutifs que non exécutifs.

« BCE » ; la Banque Centrale européenne.

« BNB » : la Banque nationale de Belgique.

« CSA » : le Code des sociétés et des associations introduit par la loi du 23 mars 2019.

« Dirigeants effectifs » : les personnes participant à la direction effective de l’établissement[8], c’est-à-dire :

  1. lorsqu’un comité de direction est institué, les membres du comité de direction et toute autre personne dont la fonction est située à un niveau hiérarchique immédiatement inférieur, pour autant que cette personne puisse exercer une influence directe et déterminante sur la direction de tout ou partie des activités de l’établissement, en ce compris les dirigeants de succursales à l’étranger;
  2. lorsqu’un tel comité n’est pas institué, les personnes qui peuvent exercer une influence directe et déterminante sur la direction de tout ou partie des activités de l’établissement.
    Dans le présent manuel, lorsqu'un comité de direction n'a pas été constitué, l'expression « le comité de direction » doit être lue comme « la direction effective ».

« établissement responsable du groupe » : établissement de crédit mère, établissement de crédit désigné, compagnie financière et compagnie financière mixte approuvée ou désignée responsable du respect des exigences prudentielles sur base consolidée.

« diversité » : désigne la situation où les caractéristiques des membres de l’organe légal d’administration, notamment leur âge, sexe, origine géographique[9] et parcours éducatif et professionnel, diffèrent de telle manière à assurer une variété de points de vue au sein de l’organe légal d’administration.

« fonctions de contrôle indépendantes » : la fonction de gestion des risques, la fonction de compliance et la fonction d’audit interne[10].

« loi bancaire » : la loi du 25 avril 2014 relative au statut et au contrôle des établissements de crédit.

Par ailleurs, dans le présent manuel, lorsqu’on emploie le terme « établissement », il y a lieu d’entendre les établissements visés dans le champ d’application repris ci-dessus. De même, il convient de noter que le terme « autorité de contrôle » doit être compris comme désignant la BCE ou la BNB selon le cas.

 

[1] Loi du 25 avril 2014 relative au statut et au contrôle des établissements de crédit et des sociétés de bourse.

[2] Le manuel de gouvernance est aussi applicable par analogie aux banques dépositaires et organismes de support d’un dépositaire central de titres dans la mesure où les attentes prudentielles qui y sont précisées correspondent aux dispositions légales régissant leur statuts respectifs.

[3] Peu importe qu’ils soient soumis au contrôle direct de la BCE ou de la BNB et qu’ils soient considérés d’importance significative au sens de l’article 3, 30° de la loi bancaire ou pas (cf. paragraphe 1:10 ci-après).

[4] En tenant compte de l’article 333 de la loi bancaire.

[5] Les règles de gouvernance applicables aux compagnies financières et compagnies financières mixtes sont expliquées au chapitre 5 « Gouvernance au niveau d’un groupe » du présent manuel.

[6] En vertu de l’article 6, paragraphes 4 et 5, point b), du Règlement (UE) n° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (Règlement sur le Mécanisme de Surveillance Unique ou règlement MSU), les établissements de crédit importants tels que définis dans le Règlement MSU sont soumis au contrôle direct de la BCE.  .

[7] Il est noté que la notion « important » reprise dans le Règlement sur le Mécanisme de Surveillance Unique (MSU) est différente de celle d’importance significative reprise à l’article 3, 30° de la loi bancaire qui a pour objectif de concrétiser l’application du principe de proportionnalité en ce qui concerne les exigences de gouvernance.

[8] Cf. la définition de « direction effective » dans le Règlement de la BNB du 9 novembre 2021 sur les fonctions extérieures.  

[9] La notion d’origine géographique désigne la région dans laquelle une personne a suivi un parcours culturel, éducatif, ou professionnel. Cette dimension est à prendre en compte en particulier pour les établissements évoluant au niveau international.

[10] En Belgique, ces 3 fonctions de contrôle indépendantes obligatoires forment des « fonctions clés » au sens des orientations EBA 2021/05.