1. Introduction

1.1 La bonne gouvernance constitue l'une des pierres angulaires du bon fonctionnement de la vie des établissements financiers et du système économico‑financier.

1.1 Contexte

1.2 Les sociétés de bourse sont des entités qui sont par définition risquées (risques pour les clients, risques pour les sociétés de bourse elles-mêmes et risques pour le marché en général). Ces sociétés sont dès lors tenues de prendre des mesures pour assurer un degré élevé de confiance dans leur stabilité et leur solvabilité/liquidité.  La détermination à prendre toutes les mesures raisonnables pour assurer une bonne gouvernance de leur activité revêt non seulement de l’importance dans l’intérêt de leur propre gestion, mais est en outre essentielle pour maintenir la confiance du public, de leur clientèle et des acteurs du marché dans les établissements individuels et dans le système financier dans son ensemble.

1.3 Le 20 juillet 2022, la Belgique a adopté, dans le cadre de la transposition de la directive IFD[1], la loi relative au contrôle des sociétés de bourse[2] qui a précisé les différentes règles en matière de bonne gouvernance.  Cette loi se situe dans le prolongement de différentes législations précédentes, dont la loi du 25 octobre 2016 qui avait à l’époque inséré la règlementation relative aux sociétés de bourse dans la loi bancaire.

1.4 Le présent Manuel poursuit deux objectifs : d’une part, rassembler en un document unique les textes légaux et règlementaires en matière de bonne gouvernance qui sous-tendent le contrôle prudentiel des sociétés de bourse (sans remplacement des documents sous-jacents) et, d’autre part, préciser les attentes prudentielles de la BNB en matière de gouvernance en mettant en exergue les éléments nouveaux issus des évolutions réglementaires les plus récentes en la matière.

1.5 Pour assurer le respect des règles en matière de gouvernance, la loi de contrôle des sociétés de bourse met en outre à la disposition de la Banque nationale de Belgique un arsenal étendu de mesures : mesures prudentielles dans le cadre du deuxième pilier (art. 138), mesures de redressement (art. 202 – 207), mesures coercitives (art. 235 - 237) et amendes administratives (art. 238). Certaines infractions sont par ailleurs sanctionnées pénalement (art. 239 - 243).

1.2 Champ d’application

1.6 Le présent manuel s’applique aux établissements suivants[3] :

- les sociétés de bourse établies en Belgique, à l’exception des sociétés de bourse de taille importante[4] qui font partie des classes 1A et 1B qui sont soumises, via des renvois dans la loi de contrôle des sociétés de bourse, aux dispositions de la loi bancaire et au manuel de gouvernance pour le secteur bancaire[5] ; et

- les succursales établies en Belgique de sociétés de bourse relevant du droit d’Etats qui ne sont pas membres de l’Espace économique européen[6] ; et

- les compagnies holdings d’investissement et compagnies financières mixtes de droit belge faisant partie d’un groupe d’entreprises d’investissement[7].

1.3 Methodologie

1.7 Le présent manuel vise à référencer l’ensemble des textes relatifs aux exigences en matière de gouvernance (loi de contrôle des sociétés de bourse et son exposé des motifs, règlements, arrêtés royaux d’exécution, circulaires, communications, réglementation européenne et orientations de l’EBA) et, au besoin, à en préciser la teneur. Le manuel vise ainsi à préciser, sur une série de sujets, les attentes prudentielles de la BNB en matière de gouvernance. Le manuel précise également des thèmes qui ne font pas à proprement parler l’objet de documents de politique spécifiques. Par ailleurs, il va de soi que les documents de politique qui ne sont pas abordés dans le cadre du présent manuel restent d’application. Au demeurant, le manuel ne porte aucunement préjudice aux compétences des autres autorités de contrôle (par exemple la FSMA) dans le domaine de la gouvernance.

1.8 Le manuel ne remplace en aucun cas les documents de politique pertinents. Si des documents de politique subissent des modifications, le manuel sera adapté et il devra entretemps être interprété de manière évolutive. Comme il s’agit en principe d’une publication en ligne, le manuel se veut un ouvrage en constante évolution, qui reste applicable au fil de ces modifications sans pour autant que son intitulé ou sa référence s’en trouvent modifiés comme c’est par exemple le cas pour les circulaires qui ne sont pas publiées sous la forme d’un site internet. Cela dit, les adaptations éventuelles seront toujours portées à la connaissance des établissements. Elles seront par ailleurs expliquées dans une rubrique spécifique, avec mention de la date de modification.

1.9 La structure du manuel suit dans la mesure du possible la structure de la loi de contrôle des sociétés de bourse et des orientations de l’EBA en matière de gouvernance interne du 22 novembre 2021 (EBA/GL/2021/14).  

1.10 Le présent manuel transpose par ailleurs en droit belge les orientations EBA/GL/2021/14 sur la gouvernance interne au titre de la directive (UE) 2019/2034 et les orientations EBA/GL/2021/13 sur les politiques de rémunération saines au titre de la directive (EU) 2019/2034, lesquelles sont reprises en annexe de ce manuel.

1.11 Le manuel aborde les sujets suivants : (i) qualités requises des actionnaires et des associés ; (ii) qualités requises des dirigeants et des fonctions de contrôle indépendantes ; (iii) caractère approprié de l’organisation de l’entreprise ; (iv) gouvernance au niveau du groupe et ; (v) reportings prudentiels et transparence.

1.4 Proportionnalité

1.12 L’article 17, §4 de la loi de contrôle des sociétés de bourse, prévoit que les dispositifs de gouvernance interne doivent être adaptés à la nature, à l’échelle et à la complexité des risques inhérents au modèle d’entreprise et aux activités de la société.

1.13 L’application du principe de proportionnalité permet aux sociétés de bourse visées dans le champ d’application du présent manuel de tenir compte de critères tels que la nature, l’échelle et la complexité des risques inhérents au modèle d’entreprise et aux activités de la société pour définir le degré d’exigence de gouvernance qui leur est applicable.

1.14 En pratique, la BNB s’appuie sur la notion de « société de bourse de petite taille » pour appliquer le principe de proportionnalité.  Ses implications se situent par exemple dans les domaines suivants : structure de gestion (direction effective, comité spécialisé, administrateur indépendant et positionnement du CRO), contrôle interne et fonctions de contrôle indépendantes (degré de sophistication des politiques internes moins élevé et possibilité de cumuler les fonctions de contrôle Risk Management et Compliance), fréquence du reporting (rapport sur le contrôle interne à communiquer tous les 2 ans), etc.  Pour plus d’informations concernant la proportionnalité et les critères à prendre en compte, il est renvoyé aux §§ 17 à 21 des orientations EBA/GL/2021/14. 

1.5 Définitions

1.15 Les termes utilisés dans le manuel ont la même signification que celle qui leur est donnée à l'article 3 de la loi de contrôle des sociétés de bourse ou dans les orientations EBA/GL/2021/14. Aux fins du présent manuel, il y a lieu d’entendre par:

1.16 « administrateurs » : tous les membres de l’organe légal d’administration d’une société de bourse, d’une compagnie holding d’investissement ou d’une compagnie financière mixte visée dans le champ d’application du présent manuel, tant les administrateurs exécutifs que non-exécutifs.

1.17 « BNB » : la Banque nationale de Belgique.

1.18 « CSA » : le Code des sociétés et des associations introduit par la loi du 23 mars 2019.

1.19 « dirigeants effectifs » : les personnes participant à la direction effective de la société[8], c’est-à-dire :

1:20 « diversité » : désigne la situation où les caractéristiques des membres de l’organe légal d’administration, notamment leur âge, genre, origine géographique[9] et parcours éducatif et professionnel, diffèrent de telle manière à assurer une variété de points de vue au sein de l’organe légal d’administration.

1.21 « fonctions de contrôle indépendantes » : la fonction de gestion des risques, la fonction de compliance et la fonction d’audit interne[10].

1.22 « loi de contrôle des sociétés de bourse » : la loi du 20 juillet 2022 relative au statut et au contrôle des sociétés de bourse.

1.23 « société de bourse de petite taille » : une société de bourse visée à l’article 23 de la loi de contrôle des sociétés de bourse, c’est à dire :

  • une société de bourse dont la valeur des actifs (au bilan et hors bilan) est, en moyenne, inférieure ou égale à 100 millions d'euros sur la période de quatre ans qui précède immédiatement l'exercice comptable en cours (premier paragraphe de l’article 23 de la loi de contrôle des sociétés de bourse) ; ou 
  • une société de bourse qui a été qualifiée comme société de bourse de petite taille par la BNB sur la base des critères prévues au deuxième paragraphe de l’article 23 de la loi de contrôle des sociétés de bourse.

1.24 Par ailleurs, dans le présent manuel, lorsqu’on emploie le terme « société », il y a lieu d’entendre la société de bourse visée dans

 

[1] Directive (UE) 2019/2034 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 concernant la surveillance prudentielle des entreprises d’investissement et modifiant les directives 2002/87/CE, 2009/65/CE, 2011/61/UE, 2013/36/UE, 2014/59/EU et 2014/65/UE.

[2] Loi du 20 juillet 2022 relative au statut et au contrôle des sociétés de bourse.

[3]Les règles de gouvernance au niveau groupe applicables, lorsqu’une société de bourse fait partie d’un groupe d’établissements de crédit comprenant un établissement de crédit de droit belge ou d’un conglomérat financier, sont expliquées au chapitre 5 « Gouvernance au niveau d’un groupe » du manuel de gouvernance pour le secteur bancaire.  Il est donc renvoyé à ce chapitre pour les aspects « groupe ».

[4]Société de bourse qui :

[5]En d’autres mots, le présent manuel concerne les sociétés de bourse qui relèvent de la classe 2, y compris les sociétés de bourse de petite taille qui bénéficient d’un régime allégé.

[6]En tenant compte de l’article 226 de la loi sur le contrôle des sociétés de bourse.

[7]Les règles de gouvernance au niveau groupe applicables lorsqu’une société de bourse fait partie d’un groupe d’entreprises d’investissement sont expliquées au chapitre 5 « Gouvernance au niveau d’un groupe » du présent manuel. Lorsque la société de bourse fait partie d’un groupe où il y a un établissement de crédit, les règles en matière de surveillance des groupes prévues dans la loi bancaire s’appliquent et il est donc renvoyé vers le manuel de gouvernance pour le secteur bancaire pour ce qui concerne les aspects gouvernance.

[8] Cf. la définition de « direction effective » dans le Règlement de la BNB du 9 novembre 2021 sur les fonctions extérieures. Cette notion est également définie de manière similaire à l’article 3, 63° de la loi de contrôle des sociétés de bourse. 

[9] La notion d’origine géographique désigne la région dans laquelle une personne a suivi un parcours culturel, éducatif, ou professionnel. Cette dimension est à prendre en compte en particulier pour les sociétés évoluant au niveau international.

[10] En Belgique, ces 3 fonctions de contrôle indépendantes obligatoires forment des « fonctions clés » au sens des orientations EBA 2021/14.

[11] Cf. l’article 23 de la loi de contrôle des sociétés de bourse. On note que la Belgique a fait le choix de lever l’option offerte aux Etats membres qui permet de relever le seuil de 100 millions d’euros à 300 millions d’euros et d’étendre de la sorte à un nombre plus élevé de sociétés de bourse le régime dérogatoire dont bénéficient les sociétés de bourse « de petite taille » et ce conformément aux articles 32, paragraphe 4, a) et 32, paragraphe 5 de la Directive 2019/2034.