Rémunération

Cadre règlementaire

  1. Loi Solvabilité II : Art. 42 §1 6° (politique de rémunération), 50 (comité de rémunération), 77, §5 et 80 §3 (rôle du conseil d’administration et du comité de direction)
  2. Règlement délégué 2015/35 : Art. 258 §1 (l) et 275 (politique et principes à respecter)
  3. Circulaire BNB thématique sous-jacente:  Communication NBB_2019_05 / Assurance et réassurance - Transmission du reporting chiffré concernant la rémunération des Identified Staff via OneGate
  4. Guidelines Eiopa : orientations 9 et 10 (l’Opinion de l’EIOPA sur la rémunération d’avril 2020 est également prise en compte)

La loi Solvabilité II et le Règlement délégué 2015/33 requièrent que les entreprises d’assurance élaborent une politique de rémunération dont le but est d’aligner les objectifs personnels des membres du personnel sur les intérêts à long terme de l’entreprise et respectent des pratiques en matière de rémunération qui contribuent à une maîtrise efficace des risques.  

8.1. Champ d’application

8.1.1. Détermination de la catégorie « Identified Staff »

Eu égard à la nécessité de mettre en place un système de gestion des risques efficace, l’entreprise d’assurance détermine, en fonction de la nature, de l’ampleur et de la complexité des risques inhérents au modèle d’entreprise et aux activités de l’entreprise, les catégories de personnes tombant sous le coup de dispositions spécifiques de la politique de rémunération.

Conformément à l’article 275, §1, (c) du Règlement délégué 2015/35, la Banque considère que les principes énoncés ci-dessous concernant la politique de rémunération s’appliquent notamment :

  1. aux membres du conseil d’administration de l’entreprise d’assurance;
  2. aux membres du comité de direction;
  3. aux responsables des fonctions de contrôle indépendantes ;
  4. aux membres du personnel de l’entreprise dont l’activité professionnelle – exercée individuellement ou au sein d’un groupe tel qu’un service ou une section de département - a ou est susceptible d’avoir une incidence matérielle sur le profil de risque de l’entreprise d’assurance (« Risk Takers »), par exemple, les membres du personnel opérant les investissements, les "Assets & Cash Managers" ou les membres du comité de crédit, etc.

Ces personnes forment la catégorie des « Identified Staff ».

Tous les Identified Staff doivent respecter les règles prévues à l’article 275 du Règlement délégué 2015/35 et reprises au point 8.3. ci-dessous. 

8.1.2. Identified Staff percevant une rémunération variable importante

En application du principe de proportionnalité, les Identified Staff qui reçoivent une rémunération variable importante sont soumis à des exigences plus sévères, à savoir celles reprises au point 8.4. ci-dessous.

Sont visés par la notion d’« Identified Staff recevant une rémunération variable importante » les Identified Staff qui ont une rémunération variable annuelle qui dépasse EUR 50.000 brut et dont la rémunération variable représente plus d’un tiers de la rémunération totale annuelle de la personne concernée.

Les Identified Staff qui ne répondent pas à ces 2 critères cumulatifs sont, par contre, pas soumis aux exigences prudentielles additionnelles mentionnées au point 8.4. ci-dessous.

8.2. Politique de rémunération

Conformément au Règlement délégué 2015/35, les entreprises d'assurance respectent l'ensemble des principes suivants:

  1. la politique et les pratiques de rémunération sont établies, mises en œuvre et maintenues en vigueur d'une manière conforme à la stratégie d'entreprise et de gestion des risques, au profil de risque, aux objectifs, aux pratiques de gestion des risques et aux intérêts et résultats à long terme de l'entreprise dans son ensemble; elles comportent des mesures de prévention des conflits d'intérêts;
  2. la politique de rémunération promeut une gestion saine et efficace des risques et n'encourage pas la prise de risques au-delà des limites de tolérance au risque de l'entreprise;
  3. la politique de rémunération s'applique à l'entreprise dans son ensemble; elle comporte des dispositions spécifiques tenant compte des tâches et des performances respectives des membres du conseil d’administration, du comité de direction, des responsables de fonctions de contrôle indépendantes et des autres catégories de personnel dont l'activité professionnelle a un impact important sur le profil de risque de l'entreprise;
  4. le conseil d’administration et, le cas échéant, l’assemblée générale[1] de l'entreprise fixe les principes généraux de la politique de rémunération ainsi que les règles spécifiques applicables aux « Identified Staff » ;
  5. la rémunération fait l'objet d'une gouvernance claire, transparente et efficace, notamment en ce qui concerne la supervision de la politique de rémunération;
  6. la politique de rémunération est portée à la connaissance de chaque membre du personnel de l'entreprise.

La politique de rémunération est conçue de manière à tenir compte de l'organisation interne de l'entreprise d'assurance, ainsi que de la nature, de l'ampleur et de la complexité des risques inhérents au modèle d’entreprise et aux activités de l’entreprise.

Par ailleurs, dans sa politique de rémunération, il est également attendu de l'entreprise d’assurance qu’elle veille au moins à ce que:

  1. les attributions de rémunération ne menacent pas la capacité de l'entreprise à conserver des fonds propres appropriés;
  2. les conventions de rémunération conclues avec les fournisseurs de services n'encouragent pas une prise de risque excessive compte tenu de la stratégie de gestion des risques de l'entreprise.

Il est également renvoyé au Chapitre 13 ci-dessous pour le détail des règles spécifiques en matière de rémunération à respecter dans un contexte de groupe.

Par ailleurs, pour les entreprises d’assurance cotées, il convient également de veiller à ce que leur politique de rémunération soit conforme à l’article 7 :92, alinéa 4, dernière phrase du CSA qui prévoit qu’aucune rémunération variable ne peut être allouée à un administrateur indépendant au sens de la Loi Solvabilité II. 

 

[1] La validation de la politique de rémunération par l’assemblée générale est uniquement nécessaire si celle-ci prévoit un délai de préavis et une indemnité de départ pour les administrateurs non-exécutifs.

8.3. Exigences de saines pratiques à respecter en matière de rémunération par tous les Identied Staff

Conformément au Règlement délégué 2015/35, la politique de rémunération respecte l'ensemble des principes suivants :

  1. lorsque le système de rémunération comprend à la fois une composante fixe et une composante variable, ces composantes sont équilibrées de sorte que la composante fixe, ou garantie, représente une part suffisamment élevée de la rémunération totale, pour éviter que les salariés ne dépendent de manière excessive de la composante variable, et pour que l'entreprise puisse conserver la plus grande souplesse en matière de bonus, voire ne verser aucune composante variable;
  2. lorsque la part variable est liée à la performance, son montant total se fonde sur une évaluation combinée de la performance de la personne et de l'unité opérationnelle concernées, d'une part, et du résultat global de l'entreprise ou du groupe dont elle fait partie, d'autre part;
  3. une part importante de la composante variable, quelle que soit la forme sous laquelle celle-ci doit être versée, comporte une composante modulable, à paiement différé, qui tient compte de la nature et de l'horizon temporel de l'activité de l'entreprise; cette période de différé ne peut être inférieure à trois ans et tient dûment compte de la nature de l'activité, de ses risques et des activités des salariés concernés;
  4. l’évaluation de la performance d'une personne s'appuie sur des critères tant financiers que non financiers;
  5. la mesure de la performance, en tant que base de calcul de la rémunération variable, comporte un ajustement à la baisse pour exposition aux risques actuels et futurs, tenant compte du profil de risque de l'entreprise et du coût du capital;
  6. les indemnités de départ sont liées aux performances enregistrées sur toute la période d'activité et conçues de manière à ne pas rétribuer l'échec;
  7. les personnes soumises à la politique de rémunération s'engagent à ne recourir à aucune stratégie individuelle de couverture ou assurance de maintien de revenu ou de responsabilité civile qui compromettrait l'alignement sur les risques prévu par leur régime de rémunération;
  8. la part variable de la rémunération des membres du personnel exerçant les fonctions de contrôle indépendante est indépendante de la performance des unités et domaines opérationnels placés sous leur contrôle.

8.4 Exigences de saines pratiques à respecter en matière de rémunération par les Identied Staff percevant une rémunération variable importante

 8.4.1. Rémunération équilibrée

Pour les Identified Staff percevant une rémunération variable importante, si le rapport entre la rémunération fixe et la rémunération variable dépasse le ratio de référence de 1 / 1 (ratio de référence 1 / 0,5 pour les responsables de fonctions de contrôle indépendante), l'entreprise d'assurance doit justifier à la Banque les raisons pour lesquelles elle ne se conforme pas à ce ratio.

Cette justification est à communiquer dans le mémorandum explicatif de « Non-compliance Section 8.4 » à transmettre à la Banque via eCorporate.

Sur cette base, la Banque dialoguera avec l'entreprise d'assurance pour déterminer si la rémunération peut encore être considérée comme équilibrée. 

La Banque accordera également une attention particulière aux rémunérations fixes très faibles.

8.4.2. Part importante de rémunération variable différée

Pour les Identified Staff percevant une rémunération variable importante, la Banque considère qu'un report (pendant au moins 3 ans) de 40 % de la rémunération variable constitue une « part importante » de la rémunération variable au sens de l'article 275 du Règlement délégué 2015/35.  Si le ratio fixe / variable d'une personne est supérieur à 1 / 1, le taux de report devrait être supérieur à 40 %.  Si une entreprise d'assurance ne se conforme pas à la part précitée de rémunération variable différée, elle s’en justifie auprès de la Banque dans un courrier ad hoc.

8.4.3. Paramètres financiers et non financiers à utiliser aux fins de l'évaluation de la performance individuelle

La performance individuelle des Identified Staff percevant une rémunération variable importante doit être basée sur des critères financiers et non financiers.  Ces critères sont à décrire de manière détaillée dans la politique de rémunération de l’entreprise.

Les critères financiers devraient couvrir une période suffisamment longue pour refléter les risques pris par les Identified Staff concernés et doivent être ajustés.

Les critères non financiers doivent contribuer à la création de valeur pour l'entreprise. A titre d’exemples, on peut citer : le respect des réglementations externe et interne, l’efficacité des services à la clientèle, la réalisation des objectifs stratégiques (y compris des critères environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance), le respect des objectifs de durabilité, les aspects éthiques, le renouvellement du personnel, l’adhésion aux valeurs de l'entreprise, l’incidence sur la réputation de l’entreprise, la satisfaction des preneurs d’assurance et bénéficiaires, l’adhésion à la politique de gestion des risques, le leadership, l’esprit d’équipe, la créativité, la motivation et la coopération avec les autres entités opérationnelles et le contrôle interne.

La Banque s’attend à ce que les critères financiers et non financiers soient correctement équilibrés.  Par exemple, la Banque considère qu'un système dont les critères sont à 80 % financiers et à 20 % non financiers n'est pas bien équilibré. 

Si une entreprise d'assurance ne se conforme pas aux exigences énoncées ci-dessus, elle s’en justifie dans le mémorandum explicatif de « Non-compliance Section 8.4 » à transmettre à la Banque via eCorporate.

8.4.4. Ajustements à la baisse

Conformément à l’article 275 du Règlement délégué 2015/35, la mesure de la performance, en tant que base de calcul de la rémunération variabe, doit comporter un ajustement à la baisse.  La notion d’ajustement à la baisse englobe tous les types d’ajustements : malus, restitution (clawback) et ajustements en cours d'année. 

La rémunération variable ne devrait pas seulement être ajustée à la baisse lorsque les Idetified Staff n'atteignent pas leurs objectifs personnels, mais également lorsque leurs unités ou départements et / ou l'entreprise dans son ensemble ne le font pas.  Si une entreprise d’assurance est susceptible de ne plus respecter ou n’a plus respecté l’exigence le capital de solvabilité requis (SCR), il est attendu que sa politique de rémunération prescrive qu'un ajustement à la baisse soit appliqué.

La Banque requiert des entreprises d'assurance qu'elles veillent à ce que les ajustements à la baisse pour les Identified Staff percevant une rémunération variable importante soient décrits dans la politique de rémunération et à ce que cette description :

  • démontre la manière dont les risques à court et à long terme, le coût du capital, les exigences de fonds propres (internes) et la politique en matière de dividendes ont été pris en compte (ajustement à la baisse en cas de non-respect avéré ou potentiel du SCR) ;
  • inclue des exemples de modalités d’ajustement à la baisse ;
  • expose le raisonnement sous-tendant l’ajustement à la baisse choisi ainsi que les seuils déclencheurs pris en compte ; et
  • explique que l'ajustement à la baisse a été conçu de telle sorte que toute contribution négative d'une personne au résultat de l'entreprise au cours d'une année quelconque de la période de report entraîne que toute partie non acquise de la rémunération variable peut être soumise à un malus.

Si l’entreprise d'assurance ne se conforme pas aux exigences énoncées ci-dessus, elle s’en justifie dans le mémorandum explicatif de « Non-compliance Section 8.4 » à transmettre à la Banque via eCorporate.

8.4.5. Indemnités de départ

Il est attendu des entreprises d'assurance qu’elles précisent dans leurs politiques de rémunération les règles qu’elles appliquent en matière d'octroi éventuel d’indemnités de départ / de cessation d’emploi pour les Identified Staff percevant une rémunération variable importante, y compris le montant maximal autorisé en tant qu’indemnités de départ ou les critères permettant de déterminer ce montant.  La notion d’indemnité de départ utilisée ici doit être comprise au sens large et couvrir tous les paiements accordés à un Identified Staff en lien avec son départ peu importe la forme, au-delà des indemnités compensatoires de préavis.

D’une manière générale, les indemnités de départ sont considérées comme de la rémunération variable. Néanmoins, les sommes suivantes payées en tant qu’indemnités de départ ne sont pas considérées comme de la rémunération variable :

a) les sommes obligatoires en vertu du droit du travail belge, obligatoires à la suite d'une décision judiciaire ou calculées au moyen d'une formule générique prédéfinie fixée dans le cadre de la politique de rémunération ;

b) les paiements effectués en raison d’une clause de non-concurrence prévue dans le contrat et octroyés dans les périodes futures à concurrence du montant de la rémunération fixe qui aurait été versé pour la période de non-concurrence si la personne concernée continuait à travailler pour l’entreprise d’assurance ; et

c) les sommes qui appartiennent à la catégorie énumérée au paragraphe suivant qui ne remplissent pas la condition du point a) ci-dessus, lorsque l'entreprise a démontré à la Banque les motifs et le caractère approprié des sommes payées en tant qu'indemnités de départ.

 

Les indemnités de départ payées dans les conditions suivantes sont, par contre, considérées comme de la rémunération variable :

a) lorsque l'entreprise d’assurance résilie le contrat en raison d’un échec de l’entreprise ;

b) lorsque l’entreprise d’assurance met fin à un contrat à la suite d’une réduction sensible des activités dans lesquelles travaillait la personne concernée ou lorsque des branches d’activité sont acquises par une autre entreprise d’assurance sans possibilité pour cette personne de continuer à travailler pour ’entreprise acheteuse ;

c) lorsque l'entreprise et la personne concernée conviennent d'un règlement en cas de conflit de travil éventuel ou réel, en vue d’éviter une décision judiciaire sur le règlement.

Lorsqu’elle évaluera la politique de rémunération de l'entreprise et entamera un dialogue sur les indemnités de départ, la Banque veillera à ce que :

(i) soient pris en compte, dans le cadre du calcul du ratio entre rémunération fixe et rémunéraion variable, d’une part, la somme des montants supérieurs à la rémunération fixe pour les périodes futures qui auraient dû être payés en raison d’une clause de non-concurrence si la personne concernée avait continuer à travailler dans l’entreprise et, d’autre part, tous les autres paiements versés en tant qu’indemnité de départ qui ne sont pas repris dans la liste des indemnités de départ qui ne sont pas considérés comme de la rémunération variable reprise ci-dessus;

(ii) le montant octroyé en tant qu’indemnités de départ et les critères utilisés pour déterminer ce montant reflètent bien les performances effectives de la personne concernée réalisées au fil du temps ;

(iii) les indemnités de départ considérées comme étant de la rémunération variable soient reportés dans le temps conformément aux règles en matière de report énumérées ci-dessus ;

(iv) il y ait un lien entre la gravité des éventuels échecs et le niveau de l'indemnité de départ et que les indemnités de départ ne récompensent jamais les échecs (échecs de l’entreprise et échecs de la personne concernée) ; et

(v) la politique de rémunération identifie la liste des situations où les indemnités de départ ne seront pas versées.

La Banque attend enfin des entreprises d'assurance qu’elles puissent toujours être en mesure de lui démontrer, pour chaque cas particulier, (i) les motifs de l'indemnité de départ, (ii) le caractère approprié du montant accordé et (iii) les critères utilisés pour déterminer celui-ci, y compris en ce qui concerne sa liaison aux résultats effectifs obtenus au fil du temps et le fait qu’il ne récompense pas les échecs.

Si l’entreprise d'assurance ne se conforme pas aux exigences ci-dessus, elle devrait s’en justifier dans le mémorandum explicatif de « Non-compliance Section 8.4 » à transmettre à la Banque via eCorporate.

8.5. Comité de rémunération

Il est renvoyé à la section 1.7. ci-dessus. 

8.6. Reporting

Les entreprises d’assurance communiquent annuellement un reporting d’informations chiffrées en matière de rémunération en remplissant le template prédéfini communiqué par la Banque pour tous les Identified Staff (y compris les « Risk Takers » et les responsables de fonctions de contrôle indépendantes).  Ce reporting chiffré doit être communiqué à la Banque via le canal de transmission OneGate (cf. la Communication NBB_2019_05).  Le template de reporting est repris en annexe 3.

Les informations de type « qualitatives » concernant la politique de rémunération doivent quant à elles être communiquées dans le chapitre « Système de gouvernance » du Regular Supervisory Report (RSR ; cf. annexe 2 de la présente circulaire).

Par ailleurs, s’agissant des éléments de justification ad hoc que les entreprises d’assurance doivent communiquer à la Banque lorsqu’elles ne respectent pas les exigences reprises à la section 8.4. ci-dessus pour les Identified Staff percevant une remuneration variable importante, ceux-ci doivent être communiqués à la Banque via un mémorandum explicatif de “Non-compliance Section 8.4.” à communiquer via eCorporate.  Ensuite, après en avoir discuté avec la Banque, les explications apportées pour justifier un comportement s’écartant des bonnes pratiques sont à reprendre dans le RSR.