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Tout ouïe

01 décembre 2022
Business intelligence
Estimations
Saviez-vous que la Banque nationale de Belgique collecte régulièrement des informations auprès du monde des entreprises ? Cela fait un peu de nous le MI6 du renseignement économique. James Bond n’a qu’à bien se tenir ! Cet article de blog vous en dit plus.

En phase avec la réalité du terrain

La réalisation d’analyses et de recherches économiques compte parmi les principales missions de la BNB. Si ces analyses servent à informer le monde politique, le grand public bénéficie lui aussi de nos publications et de nos conférences. En tant qu’économistes, nous fondons ces analyses en premier lieu sur des données et des modèles macroéconomiques, mais nous devons ensuite confronter nos résultats à la réalité. Des contacts réguliers avec le monde des entreprises, notamment, nous apportent ainsi des informations précieuses (renseignements économiques) qui nous permettent de vérifier nos analyses et nos projections.

Les statistiques macroéconomiques officielles ne sont disponibles qu’avec un certain décalage et ne fournissent donc pas une image de l’économie en temps réel.

La contribution des entreprises nous aide à cerner rapidement la situation économique du moment, ce qui a son importance lorsqu’il règne une grande incertitude ou que le cycle économique touche un possible point d’inflexion. Les statistiques macroéconomiques officielles ne sont en effet disponibles qu’avec un certain décalage et ne fournissent donc pas une image de l’économie « en temps réel ». Ainsi, lorsque la pandémie de COVID-19 a éclaté, il était crucial de déterminer promptement et avec précision l’incidence des mesures sanitaires majeures afin que les décideurs politiques aient une image fidèle de la situation économique. Attendre les premières statistiques officielles n’était pas une option à l’époque.

Les informations que nous obtenons auprès des entreprises nous aident également à mieux comprendre leurs processus décisionnels et leurs réactions face à des chocs. Nous pouvons ainsi affiner nos projections.

Nouer des contacts

La BNB se sert de plusieurs canaux pour collecter des renseignements économiques.

 Enquêtes

Les contacts les plus traditionnels avec le monde des entreprises se déroulent par la voie d’enquêtes. Depuis près de 70 ans, la BNB sonde chaque mois quelque 3 000 entreprises quant à leur perception de la situation économique, interrogeant les participants notamment sur la production, les carnets de commandes, l’emploi et les prix. Le questionnaire porte aussi bien sur les dernières évolutions en date et la situation actuelle que sur les tendances auxquelles les entreprises s’attendent. Les résultats sont publiés sous la forme d’un solde des pourcentages de réponses positives et négatives[1].

Le principal avantage de ces enquêtes réside dans la disponibilité rapide et à échéances fixes, juste avant la fin de chaque mois, des données qui en sont tirées. Cela confère à ces dernières une fonction de signal : elles fournissent souvent une première indication de tournants dans l’économie, bien avant que les statistiques officielles ne soient disponibles. Les enquêtes apportent par ailleurs aussi des informations complémentaires qui ne transparaissent pas dans les statistiques traditionnelles. À titre d’exemple, les questions sur le degré d’utilisation des capacités de production (et les éventuelles entraves à la production) nous renseignent sur les pénuries observées sur le marché du travail ou sur les goulets d’étranglement qui grèvent les chaînes d’approvisionnement. De plus, comme le questionnaire et la méthodologie de l’enquête sont harmonisés au niveau européen, les résultats peuvent être facilement comparés avec ceux d’autres États membres.

L’enquête présente un léger inconvénient en ce que la méthodologie harmonisée ne laisse pas toujours de place à la flexibilité. Nous ne pouvons en effet pas simplement adapter le questionnaire en fonction de l’actualité.

L’enquête présente toutefois un léger inconvénient en ce que la méthodologie harmonisée ne laisse pas toujours de place à la flexibilité. Nous ne pouvons en effet pas simplement adapter le questionnaire en fonction de l’actualité. Qui plus est, si les chiffres (soldes) tirés des enquêtes peuvent être traités rapidement, ils ne nous livrent ni anecdotes ni récits. Enfin, l’enquête souffre depuis quelque temps d’un taux de réponse en baisse, de moins en moins d’entreprises étant disposées à y participer.  

[1] Pour des informations plus générales et méthodologiques concernant les enquêtes de la BNB, nous vous invitons à consulter la page https://www.nbb.be/fr/statistiques/enquetes-dopinion

 Réunions petit-déjeuner

Deux fois par an, une dizaine de chefs d’entreprise issus de différentes branches d’activité sont conviés à une réunion petit-déjeuner informelle avec le gouverneur Pierre Wunsch. Après une courte présentation introductive, les chefs d’entreprise livrent, à la faveur de cet environnement confidentiel, leurs impressions quant à la situation économique, à leurs perspectives, à leurs opportunités et aux défis qui les attendent. Ces événements leur donnent l’occasion de parler librement et d’exprimer leurs préoccupations éventuelles.

Le but des réunions avec des chefs d’entreprise est de recueillir des histoires vécues et non des chiffres.

Le but de ces réunions avec des chefs d’entreprise est de recueillir des histoires vécues et non des chiffres. Un bref compte rendu est rédigé et partagé avec les participants ainsi qu’avec les collègues du département des Études de la BNB. Le groupe de chefs d’entreprise participants est très restreint et varie d’une réunion à l’autre. C’est pourquoi nous n’utilisons pas les informations ainsi recueillies comme indicateur économique global ou à des fins de comparaison dans le temps.

Cette approche plus « anecdotique » offre en revanche une excellente occasion de repérer de nouvelles tendances ou de mettre au jour des changements structurels. Elle permet en outre de corroborer le récit économique qui accompagne les projections macroéconomiques de la BNB. Ainsi, après le pic de la pandémie de COVID‑19, nous envisagions dans un premier temps une nette contraction de l’emploi. Or, la majeure partie des chefs d’entreprise nous ont confié lors de la réunion de mai 2021 qu’ils prévoyaient de se mettre rapidement à la recherche de nouveaux collaborateurs mais que le marché du travail était particulièrement tendu. Cette information a par la suite été confirmée par d’autres sources : l’emploi a affiché une forte progression en 2021 et l’indicateur d’Eurostat qui présente le taux de vacance d’emplois[2] a atteint des niveaux inédits au second semestre de cette même année. 

[2] Le taux de vacance d’emplois correspond au nombre de postes vacants par rapport au nombre total d’emplois.

Réunion petit-déjeuner du 16 novembre 2022

Notre dernière réunion petit-déjeuner s’est tenue le 16 novembre. Cet encadré revient brièvement sur ce qui est ressorti des échanges avec les neuf chefs d’entreprise conviés à l’événement.

  • Les entreprises (multinationales surtout) sont préoccupées par l’incidence des hausses des coûts salariaux (conditions de concurrence inégales).
  • Les entreprises craignent que l’écart de compétitivité n’ait des retombées négatives à long terme sur les investissements et les recrutements en Belgique.
  • De manière plus structurelle, les participants déclarent qu’il est particulièrement complexe de faire des affaires en Belgique.
  • Les prix de l’énergie semblent moins inquiéter les chefs d’entreprise, même si un certain nombre d’entre eux prévoient de prendre des mesures pour réduire leur dépendance énergétique. Ils reconnaissent qu’il s’agit d’un processus de longue haleine.
  • Les pénuries du côté de l’offre et les goulets d’étranglement touchant les approvisionnements ont diminué en importance.
  • Une augmentation de la productivité est considérée comme la solution afin de faire face à l’alourdissement des coûts salariaux. En ce qui concerne les entreprises opérant dans l’industrie manufacturière, l’automatisation constitue l’une des clés pour atteindre cet objectif, mais cela nécessite des investissements supplémentaires. La seule option pour les entreprises de services passe quant à elle par un accroissement de la charge de travail.
  • Les augmentations des coûts ne peuvent être que partiellement répercutées sur les consommateurs et les chefs d’entreprise redoutent l’érosion de leur rentabilité, qui pèse sur la poursuite de la création de valeur sur le marché belge.
  • Le marché du travail reste tendu et les entreprises éprouvent de plus en plus de difficultés à attirer les bons profils.
  • Sur le marché du logement, les bâtiments neufs et peu énergivores sont fortement demandés ; aucune correction de prix n’est en tout cas attendue pour ces habitations.

 Relations économiques

Une entité de la BNB est spécifiquement chargée de nouer des relations économiques avec le monde des entreprises notamment[3]. La constitution et l’entretien de réseaux et de contacts informels sont un moyen de recueillir des informations utiles sur l’économie. Dans le même temps, cette entité met en valeur la transparence, l’accessibilité et la responsabilité de la BNB tout en renforçant sa visibilité auprès des entreprises. Entre autres initiatives, la tenue régulière d’événements régionaux, au cours desquels le gouverneur ou les directeurs de la BNB présentent les analyses menées au grand public, sert cet objectif.

Ces collègues entretiennent par ailleurs des contacts étroits avec les fédérations sectorielles, les chambres de commerce et d’autres organisations professionnelles, mais aussi avec des entreprises individuelles par la voie de rencontres avec des administrateurs. Bien que ces entretiens en face à face permettent de contourner l’un des principaux inconvénients des enquêtes (l’absence de contexte, d’anecdotes ou de récits), cette méthode de collecte d’informations est nettement plus chronophage, si bien que le nombre de contacts est limité.

[3] L’équipe Relations économiques interagit avec de nombreuses parties prenantes, allant du gouvernement et des institutions publiques aux médias, en passant par le secteur de l’enseignement, des experts et des partenaires opérationnels tels que les établissements supervisés par la BNB, les futurs membres de son personnel et le grand public.

 Enquêtes ad hoc

De plus, nous continuons de mener des enquêtes ad hoc en coopération avec diverses fédérations sectorielles. Cette collaboration remonte à la période du coronavirus, lorsque des sondages étaient menés chaque semaine sous la conduite de l’Economic Risk Management Group (ERMG) afin de surveiller en permanence l’incidence de la situation sur l’économie. Avec le recul de la pandémie, la nécessité d’une mise à jour hebdomadaire a également disparu. Cependant, la collaboration entre la BNB et les fédérations sectorielles s’étant révélée utile, le réseau n’a pas été complètement démantelé. Lorsque le besoin d’obtenir rapidement des informations se fait sentir, des enquêtes ponctuelles sont lancées. À titre d’exemple, en novembre 2021, nous avons sondé les entreprises sur l’incidence des goulets d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement ; en avril 2022, nous avons interrogé celles-ci sur les retombées de la guerre en Ukraine et en septembre 2022, une nouvelle enquête a porté sur les répercussions de l’élévation des prix des intrants. Les résultats de ces enquêtes ont été relayés par divers médias, ce qui montre toute leur pertinence.

Au-delà de ces initiatives, la BNB est toujours ouverte aux demandes – d’informations ou de chiffres – qui lui sont adressées et elle est régulièrement sollicitée pour présenter ses analyses économiques et ses projections. Ainsi, mes collègues et moi-même participons souvent à des événements organisés par des fédérations ou des associations de premier plan.

Raïsa gondola
Raïsa Basselier lors d'un événement de Gondola Society

Et ce n’est pas tout : nous planchons actuellement sur le lancement d’un nouveau projet, qui nous amènera à échanger encore davantage avec de nombreux chefs d’entreprise. Outre notre Business Cycle Monitor, nous prévoyons de mettre sur pied une autre publication, dans laquelle nous examinerons plus en détail la situation économique dans les principales branches d’activité et dans les différentes régions du pays. De plus amples informations suivront – espérons-le ! – en 2023.

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