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Test de résistance climatique de la BCE : plus un exercice qu’un véritable test

15 juillet 2022
Supervision bancaire
Climat
« Ce que nous devons apprendre à faire, nous l’apprendrons en le faisant. » En sa qualité d’autorité de surveillance des banques, la Banque centrale européenne (BCE) a eu à cœur de mettre en œuvre les sages paroles d’Aristote lorsqu’elle a procédé à son test de résistance ou stress test climatique un peu plus tôt cette année. Même si celui-ci s’est avéré un bon exercice d’apprentissage, tant pour les banques que pour les autorités de surveillance, on ne pouvait pas encore parler de véritable test. Un trop grand nombre de données ne sont pas encore disponibles, et les méthodologies, les modèles et les scénarios doivent encore être complétés.

Le stress test comme instrument d’évaluation des risques climatiques

Plus personne n’ignore que les risques climatiques représentent un défi majeur pour l’économie et la stabilité financière. Néanmoins, personne ne sait exactement quand ni dans quelle mesure nous y serons confrontés. Les mesures que nous prenons aujourd’hui pour lutter contre le changement climatique y seront pour beaucoup. Si nous attendons trop longtemps et si nous n’agissons pas assez fermement, nous n’échapperons pas aux conséquences de ce changement climatique. Les précipitations extrêmes et les inondations se multiplieront, les périodes de sécheresse seront à la fois plus nombreuses et plus longues et les tempêtes seront plus fréquentes. Les risques que cela entraîne sont appelés « risques physiques ».

Par ailleurs, il existe aussi ce qu’on appelle les « risques de transition ». Ces risques sont liés à la transition vers une société plus durable. Les changements structurels au sein de l’économie, par exemple à la suite d’un changement dans la politique climatique, peuvent en effet induire des pertes pour le secteur financier. Des normes plus sévères en matière de CO2 pourraient mettre en péril la viabilité du modèle économique de certains secteurs ou entreprises. Plus nous attendrons pour prendre des mesures en faveur d’une économie durable, plus ces mesures devront être strictes pour atteindre les objectifs visés, et plus les risques de transition seront donc élevés.

Un grand nombre de scénarios sont donc envisageables, ce qui rend l’estimation de ces risques extrêmement difficile. Les stress tests et les analyses de scénario sont dès lors des outils très utiles aux établissements financiers pour ce faire. Un stress test est une forme spécifique d’analyse de scénario. Il s’agit d’un exercice prospectif dans le cadre duquel on calcule l’incidence financière d’un scénario grave et défavorable mais néanmoins crédible.

Les stress tests et les analyses de scénario sont des outils utiles aux établissements financiers pour estimer les conséquences possibles de différents scénarios.

Les banques doivent intensifier leurs efforts

La BCE attend des banques soumises à son contrôle qu’elles effectuent leurs propres stress tests et analyses de scénario pour évaluer les risques climatiques. L’exercice de stress test que la BCE a récemment mené se déclinait en trois parties. Dans la première partie, la BCE a évalué où en étaient les banques dans la réalisation des stress tests et des analyses de scénario climatique. La plupart des banques devront intensifier leurs efforts : 59 % d’entre elles n’ont en effet pas encore intégré les risques climatiques dans leur propre programme de stress tests.

Source: BCE

Dans la deuxième partie, les banques ont dû calculer des indicateurs permettant de savoir quelles parts de leurs actifs et de leurs recettes proviennent de contreparties qui sont de grandes émettrices de gaz à effet de serre. Cela a permis à la BCE de mesurer les risques de transition auxquels les banques sont exposées, étant donné que ces contreparties seront sans doute plus impactées par des mesures supplémentaires visant à atténuer le changement climatique. Dans la troisième partie, la BCE a soumis aux banques des scénarios pour l’exercice du stress test Iui-même, qui impliquaient des risques tant physiques que de transition qu’elles devaient évaluer.

Avec des pincettes

Les évaluations des risques doivent toutefois être interprétées avec prudence. Les scénarios climatiques n’étaient en effet pas très défavorables. Le scénario « chaleur et sécheresse » ne se penchait par exemple que sur l’incidence de ces phénomènes sur la productivité. D’autres conséquences de la chaleur et de la sécheresse, comme d’éventuels flux migratoires, une hausse des prix des denrées alimentaires, voire une pénurie de nourriture en raison de mauvaises récoltes, n’ont pas été prises en considération. En outre, les scénarios n’impliquent pas de repli de la croissance économique qui va de pair avec les effets négatifs du changement climatique, alors que les modèles actuels des banques sont tout à fait adaptés au calcul des pertes en période de récession.

En outre, les modèles que les banques utilisent n’ont pas été suffisamment adaptés pour intégrer les facteurs de risque climatique. De nombreuses données n’étant pas encore disponibles, seul un tiers de l’ensemble des actifs des banques ont été inclus dans l’exercice. Sans compter que ces dernières doivent dans une large mesure s’appuyer sur des estimations et des approximations.

Ce que nous devons apprendre à faire, nous l’apprendrons en le faisant.
Aristote
Aristoteles op een smeltende ijsberg
En sa qualité d’autorité de surveillance des banques, la Banque centrale européenne (BCE) a eu à cœur de mettre en œuvre les sages paroles d’Aristote lorsqu’elle a procédé à son test de résistance climatique un peu plus tôt cette année.

Un exercice d’apprentissage

Toutes ces lacunes nous amènent à penser que les risques réels sont toujours considérablement sous-estimés. On ne peut donc pas encore parler d’un véritable test. Les résultats de l’exercice ne seront donc pas utilisés pour déterminer si les banques disposent de suffisamment de fonds propres pour résister à de tels scénarios de crise, comme c’est le cas dans les exercices de stress test traditionnels. Les autorités de surveillance peuvent néanmoins prendre en compte un certain nombre d’éléments lorsqu’elles déterminent le profil de risque des banques dans le cadre de leur exercice annuel. L’une des questions qu’il faut se poser lors de l’évaluation de la stratégie, de l’administration et de la gestion des risques des établissements supervisés est de savoir si ceux-ci tiennent suffisamment compte des risques climatiques et s’ils effectuent des stress tests à cette fin.

L’exercice s’est en outre révélé très riche en apprentissage, tant pour les banques que pour les autorités de surveillance. Les deux parties ont pu tirer d’importants enseignements concernant, notamment, les scénarios, les données non disponibles devant faire l’objet d’approximations et d’estimations, les modèles à adapter pour mieux tenir compte de ces scénarios, etc.

La BCE a dès lors déjà publié quelques recommandations générales à l’intention des banques, et elle donnera ultérieurement des directives plus spécifiques pour relever les défis. Elle recensera ainsi les méthodes que les banques devraient utiliser pour déterminer une estimation des données manquantes. En outre, tant les établissements financiers que les autres entreprises devront bientôt publier davantage de données quant à leur vulnérabilité aux risques physiques et de transition. Il sera ainsi plus facile pour les banques d’obtenir les informations leur permettant d’évaluer leurs risques puisque ces derniers sont liés aux vulnérabilités de leurs contreparties.

L’obligation de publier des informations concernant la vulnérabilité aux risques climatiques des entreprises induira une importante source de données pour les banques.

Pas de stress test climatique pour les établissements « moins importants » à ce stade

Cet exercice ne concerne que les établissements de plus grande taille, dits « importants », qui sont directement supervisés par la BCE. Aucun exercice de stress test n’est encore prévu pour les établissements belges « moins importants », qui sont placés sous le contrôle de la BNB. La BNB a néanmoins récemment adressé à ces banques un questionnaire qui leur permet d’évaluer elles-mêmes si elles répondent aux attentes en matière de risques liés au climat et à l’environnement. Les attentes à l’égard des établissements moins importants tiennent compte de la nature, de l’ampleur et de la complexité de leurs activités. Il est ainsi attendu de ces banques qu’elles effectuent elles aussi les analyses de scénario et les stress tests nécessaires pour évaluer les risques liés au climat. Les banques de moindre taille pourront donc elles aussi tirer des enseignements de cet exercice d’apprentissage qu’a constitué le stress test de la BCE.

 

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