Qui finance qui ? À la découverte de la matrice belge
Quels chiffres les statisticiens de la BNB utilisent-ils pour établir les comptes financiers nationaux ? Leurs principales sources sont les déclarations obligatoires que les banques, les compagnies d’assurance et les fonds d’investissement doivent transmettre à la Banque nationale de Belgique, complétées par les informations tirées des comptes annuels des entreprises, d’Euronext, des données de l’Agence fédérale de la Dette, de la balance des paiements et de la position extérieure globale. Ces données sont converties en statistiques par différentes équipes, chacune d’elles étant spécialisée dans un secteur, et sont ensuite compilées dans les comptes financiers nationaux.
Le pouvoir de la matrice
Derrière les « qui » de la matrice se cachent non pas des acteurs individuels, mais un groupement d’acteurs par secteur économique. Les différents secteurs rassemblent tous les intervenants économiques nationaux et internationaux, allant des ménages et des entreprises aux administrations publiques en passant par une multitude d’acteurs financiers tels que la BNB, les banques, les fonds d’investissement, les autres établissements financiers, les compagnies d’assurance et les fonds de pension. L’appellation « reste du monde » renvoie aux acteurs opérant hors des frontières nationales.
Une matrice « de qui à qui » très parlante (tableau 1) illustre les flux de financement entre l’ensemble des secteurs pour 2023. Les chiffres apparaissant sur les lignes indiquent combien chaque secteur investit dans les autres, tandis que les colonnes montrent les montants que chaque secteur reçoit des autres.
Les montants par secteur sont présentés sous la forme d’une carte thermique (heat map), qui rend compte de l’ordre de grandeur des relations entre deux secteurs : plus la couleur est foncée, plus le montant est important (les nuances de bleu sont positives, les nuances d’orange négatives).
Les bons d’État dopent les flux financiers
Quel montant les ménages ont-ils investi dans les autres secteurs en 2023 ? Quelle était l’ampleur de ces flux de trésorerie ? La couleur bleu foncé à l’intersection de la ligne « ménages » et de la colonne « administrations publiques » indique que les premiers ont investi beaucoup plus dans les secondes (+22 milliards d’euros), tandis que la couleur orange foncé montre qu’ils ont retiré l’épargne qu’ils détenaient auprès des banques (-19 milliards d’euros). Et pour cause ! En 2023, les livrets d’épargne ont été délaissés au profit des bons d’État, les ménages cherchant des investissements plus rentables vu la faiblesse des taux d’épargne. Le « reste du monde » en a par ailleurs également bénéficié, drainant 10 milliards d’euros d’épargne des ménages, principalement sous la forme d’obligations étrangères. Les chiffres apparaissant dans la colonne « ménages » montrent que ceux-ci se sont principalement financés auprès des banques, plus précisément en contractant des prêts hypothécaires pour l’achat ou la rénovation d’une habitation.
Les flux monétaires entre la BNB et les banques ont également été marqués par d’importants changements. Ceux-ci s’expliquent par le resserrement de la politique monétaire et par la suppression progressive du programme d’achats d’actifs. La Banque nationale a réduit de 41 milliards d’euros ses avoirs auprès des banques, lesquelles ont à leur tour diminué de près de 20 milliards d’euros leurs dépôts auprès d’elle. Les investissements des banques dans les sociétés non financières (+13 milliards d’euros) et plus encore à l’étranger (+54 milliards d’euros) ont présenté une forte croissance. Il s’agit principalement de banques étrangères.
Une économie ouverte
La présence de nombreuses cases foncées dans la colonne et sur la ligne dédiées au « reste du monde » témoignent de la grande ouverture de l’économie belge. Les entreprises belges importent et exportent des biens et des services en provenance et à destination de pays étrangers, créant ainsi des créances monétaires jusqu’à ce que le paiement soit perçu. Elles octroient des crédits et détiennent des participations dans des entreprises étrangères. Lorsqu’une entreprise possède 10 % ou plus du capital de la société étrangère, on parle de « participation » et une entreprise multinationale voit le jour. Ces chiffres se trouvent dans la matrice à l’intersection du « reste du monde » avec les « sociétés non financières » (entreprises) et les « autres institutions financières ».
Des transactions financières sont également réalisées avec les administrations publiques : les pays étrangers achètent des obligations linéaires et, dans une moindre mesure, des bons du Trésor belge (+21 milliards d’euros). Les ménages belges, quant à eux, investissent directement dans des obligations étrangères (+10 milliards d’euros).
Grâce à ses statistiques, la Banque nationale de Belgique aide les analystes, les économistes et les décideurs politiques à évaluer la santé financière de l’économie, à déceler les tendances et à formuler des mesures politiques. Si ce blog vous a donné envie d’en savoir plus, sachez que des chiffres détaillés par instrument et par sous-secteur sont disponibles sur NBB.Stat.
Les auteurs remercient l’ensemble des collègues du service Statistiques financières de la BNB. La matrice « de qui à qui » est le fruit des efforts quotidiens de chacun d’entre eux dans la production des statistiques financières.