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La Croatie dans la zone euro, cela change quoi ?

28 décembre 2022
Euro
Le 1er janvier 2023, la Croatie rejoint la zone euro et l’espace Schengen, quasi dix ans après avoir intégré l’Union européenne. Cela change quoi pour le citoyen belge ? pour l’économie belge ? pour l’économie croate ? pour la zone euro ? pour la Banque nationale de Belgique ? Pourquoi et comment la candidature croate a-t-elle été acceptée ?
Croatia in the euro zone

Cela change quoi pour le citoyen belge ?

Les amoureux du littoral, des parcs nationaux et des îles croates pourront désormais tout payer en euros et ne devront plus débourser des frais/commissions de change. Ils pourront aussi comparer les prix plus facilement vu qu’ils seront exprimés en euros.

Vous avez encore des kunas ?

Vous pourrez encore les utiliser en Croatie jusqu’au 15 janvier 2023 ou y échanger billets et pièces dans les banques et bureaux de poste jusqu’au 31 décembre 2023. Après cela, vous ne pourrez plus échanger vos pièces qu’à la Banque nationale de Croatie (Hrvatska narodna banka). Et si vous n’envisagez plus de retourner en Croatie, vous pouvez échanger gratuitement vos billets auprès des banques centrales nationales des pays de la zone euro du 1er au 28 février 2023. Cliquez ici pour les règles en vigueur à la Banque à Bruxelles.

Cela change quoi pour l’économie belge, ses entreprises et ses institutions financières ?

L’économie belge est peu exposée à l’économie croate : la Croatie n’est pas un des principaux partenaires commerciaux de la Belgique et les banques belges n’ont pas de participations dans les principales institutions financières croates. Mais le risque de change disparaissant, il sera plus facile pour des entreprises belges d’exporter des produits ou des services vers la Croatie et d’y investir, d’autant que la Croatie est, en termes relatifs, un des principaux pays bénéficiaires des budgets européens et du plan de relance européen (Next Generation EU).

Cela change quoi pour l’économie croate ?

Les entreprises croates pourront accéder au marché unique, spécialement aux marchés des pays de la zone euro, sans risque de change. Les touristes croates pourront visiter Bruxelles sans frais de change et faire leur shopping en voyant des prix en euros. Les banques croates intègrent l’union bancaire européenne. Ainsi, la Banque centrale européenne (BCE) assume la supervision directe de huit institutions financières significatives.

Des études ont montré que chaque étape du type entrées dans la zone euro et Schengen apportait des bénéfices d’intégration.

Plus de la moitié des marchandises exportées par des firmes croates ont pour destination la zone euro et près de 60% des importations croates proviennent de la zone euro. Rejoindre les zone euro et Schengen facilitera plus avant le commerce entre la Croatie et les pays de la zone euro et les entreprises croates seront davantage encore intégrées dans les chaînes de valeur de l’union monétaire européenne. En effet, des études ont montré que chaque étape du type entrées dans la zone euro et Schengen apportait des bénéfices d’intégration. La Croatie est certes plus pauvre que les autres pays de la zone euro, mais grâce à l’intégration accrue, elle va pouvoir se renforcer et converger vers les autres États membres participant à la monnaie unique européenne.

Déjà dans la période de transition vers l’euro, l’écart de taux d’intérêt (spread) des obligations croates par rapport aux titres d’autres pays de la zone euro a diminué. Les administrations publiques, les entreprises et les ménages croates ont ainsi pu se financer à moindre coût, ce qui a contribué à stimuler les investissements et le potentiel de croissance. La décision prise par le Conseil de l’UE en juillet 2022 d’autoriser la Croatie à intégrer la zone euro a d’ailleurs permis un relèvement de la notation croate au cours de l’été par les trois principales agences de rating. En accédant, pour son financement, à un large pool euro, la Croatie pourra en outre diversifier sa base d’investisseurs et élargir son accès aux marchés financiers et devrait bénéficier de coûts de financement moindres et/ou d’une meilleure gestion des risques.

Cela change quoi pour la zone euro ?

La zone euro s’agrandit : près de 4 millions d’habitants vont s’ajouter aux 345 millions qui utilisaient déjà l’euro. Ajouter un pays rend l’union monétaire européenne toujours plus forte sur les marchés internationaux et renforce le rôle international de l’euro.

Cela change quoi pour la Banque nationale de Belgique et l’organisation de l’Eurosystème ?

L’entrée de la Croatie dans la zone euro a des impacts marginaux sur l’organisation de l’Eurosystème et donc sur la Banque. Ainsi, d’une part, compte tenu du système de rotation des sièges au Conseil des Gouverneurs en vigueur depuis 2015, le Gouverneur de la BNB – au même titre que ceux des autres petits pays de la zone euro – pourrait ne pas avoir de droit de vote au cours de davantage de séances que lorsque l’union monétaire européenne était limitée à 19 pays. Cet aspect est plutôt d’ordre symbolique vu que les décisions se prennent essentiellement par consensus. D’autre part, la BNB aura droit à une part très légèrement amoindrie (d’à peine 0,03 point de pourcentage) aux revenus globalisés des actifs et passifs liés à la politique monétaire.

Pourquoi et comment la candidature croate a-t-elle été acceptée ?

La décision d’accepter la Croatie a été prise par le Conseil de l’UE. Elle est donc politique. Néanmoins, elle repose sur une analyse élaborée dans deux rapports récurrents sur la convergence des pays de l’UE ne faisant pas partie de la zone euro, l’un élaboré par la Commission européenne (CE) et l’autre par la BCE.

Ces rapports ont conclu que la Croatie avait respecté les critères économiques en vue d’une adhésion, à savoir les critères nominaux dits de Maastricht : une inflation stable ; des finances publiques saines et soutenables ; un cours de change qui est resté pendant deux ans au sein des larges fourchettes de fluctuation du système monétaire européen (ERM II) et des taux d’intérêt à long terme qui ne dévient pas trop de ceux des pays ayant une faible inflation. Le différentiel de taux d’intérêt entre la Croatie et des pays performants de la zone euro reflète en effet un risque de dépréciation future de la monnaie pouvant provenir d’une différence quant aux anticipations dans l’évolution future des prix ou d'un risque de défaut de la dette publique. En matière de finances publiques, les comptes étaient à l’équilibre en 2019 avant la pandémie et le déficit qui s’était creusé en raison de la pandémie en 2020 était en 2021 inférieur à la valeur de référence de 3% du PIB. En outre, depuis mars 2020, aucun nouvel état membre n’était susceptible d’être puni au titre de la procédure dite de déficit excessif dans la mesure où les autorités européennes ont décidé, au vu des incertitudes exceptionnelles générées d’abord par la pandémie puis par la guerre en Ukraine, d’activer la clause de sauvegarde, une possibilité prévue par le Pacte de Stabilité et de Croissance.

Les rapports de la CE et de la BCE ont également convenu que la Croatie satisfaisait aux critères législatifs portant notamment sur le degré d’indépendance de la Banque centrale et l’interdiction du financement monétaire des déficits. Sur le plan économique, d’autres éléments sont pris en considération comme la présence ou non de déséquilibres macroéconomiques ou structurels en termes de déficits courants cumulés (position extérieure nette fort négative), compétitivité-coût, dette privée (ménages et entreprises), prix immobiliers, santé du secteur bancaire, marché du travail, ... La CE a ainsi conclu, dans un examen-pays en profondeur publié en mai 2022, que la Croatie ne présentait plus de déséquilibres macroéconomiques.

Des réformes significatives sont encore programmées à l’horizon 2026 en échange des 6,3 milliards d’euros de subsides que la Croatie va recevoir de l’UE.

Ces bonnes performances économiques croates sont le fruit d’un long travail de préparation et de la mise en œuvre de nombreuses réformes structurelles rendues possibles aussi par l’incitant que constituait la perspective de l’adhésion à la zone euro. Des réformes significatives sont encore programmées à l’horizon 2026 en échange des 6,3 milliards d’euros de subsides que la Croatie va recevoir de l’UE au titre de la Facilité pour la relance et la résilience (quasi 10% du PIB estimé pour 2022). Ces derniers mois, ces réformes ont porté entre autres sur l’activation des politiques sur le marché du travail et la fusion volontaire d’administrations publiques locales.

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