Perscommuniqué - Se dirige-t-on vers un nouveau dosage des politiques dans la zone euro?

Article pour la Revue économique de décembre

La crise économique et financière mondiale de 2007‑2010 a mis en exergue certaines faiblesses du cadre macroéconomique de référence de la zone euro. Elle a rappelé, entre autres, que la politique budgétaire a un rôle stabilisateur à jouer en situation de trappe à liquidité.

Depuis la fin de 2012 et le net apaisement des tensions financières suscitées par la crise de la dette souveraine, une reprise économique s’est amorcée. À l’heure actuelle, même si la croissance est solide et généralisée à travers les pays et les branches d'activité, la dynamique sous-jacente de l’inflation reste faible. Dans ce contexte, les décisions de politique monétaire de l’Eurosystème visent à préserver les conditions nécessaires pour assurer un retour durable des taux d’inflation vers des niveaux inférieurs à, mais proches de 2 %.

Les stabilisateurs automatiques sont les instruments les plus indiqués pour faire en sorte que la politique budgétaire contribue à la stabilisation du cycle conjoncturel. Ils peuvent être complétés par une politique anticyclique discrétionnaire, a fortiori en cas de ralentissement économique sensible. Une politique budgétaire optimale implique toutefois également que les finances publiques restent soutenables. À ce propos, si la soutenabilité des finances publiques constitue une préoccupation (à moyen ou) à long terme, l’objectif de stabilisation porte sur le court terme. Les fluctuations de court terme induites par la conjoncture sont dès lors tolérées pour autant que l’objectif de soutenabilité soit atteint en moyenne sur l’ensemble d’un cycle. On observe actuellement d’importantes différences au niveau de la soutenabilité des pays de la zone euro, une situation qui appelle une approche propre à chaque pays. Eu égard à l’objectif de soutenabilité, le besoin de consolidation budgétaire peut dans certaines circonstances faire obstacle à l’objectif de stabilisation, en particulier en période d’essoufflement économique.

Partant des objectifs macroéconomiques de la politique budgétaire, l’article présente une règle pour une politique budgétaire optimale qui concilie les objectifs de stabilisation et de soutenabilité. Cette règle est ensuite évaluée rétrospectivement et prospectivement pour un certain nombre de pays individuels de la zone euro.

La situation budgétaire de la zone euro dans son ensemble est calculée de façon mécanique en agrégeant les situations budgétaires des États membres; la politique budgétaire au niveau de la zone euro dans son ensemble résulte dès lors de la politique menée au niveau national puisque la politique budgétaire est du ressort des États membres. Dans les années 2012‑2013, la conjoncture s’étant détériorée, la politique budgétaire menée dans la zone euro dans son ensemble a été restrictive. À partir de 2014, elle est toutefois devenue largement neutre, ce qui, compte tenu des circonstances économiques, semble adéquat. Les informations récentes relatives à la situation économique font état d’une nouvelle embellie, ce qui pourrait nécessiter de mener une politique plus restrictive.

On pose souvent la question de savoir si l’Allemagne doit être le moteur de la zone euro. On considère alors que la correction de l’excédent courant de la balance des paiements allemande au travers d’une politique budgétaire expansionniste (essentiellement par des investissements publics dans les infrastructures) soutiendrait l’activité dans les autres pays de la zone euro. Des études montrent toutefois que la répartition géographique des effets de contagion de ces investissements est inégale: on constate que c’est dans les pays voisins de l’Allemagne – en particulier ceux de petite à moyenne taille – qu’on peut s’attendre aux effets les plus importants, tandis que l’incidence sur des pays non limitrophes plus éloignés resterait plutôt limitée.

Le cadre budgétaire européen actuel cible principalement la soutenabilité des finances publiques et restreint le rôle de la politique budgétaire lorsqu’il s’agit de stabiliser la conjoncture. Il se pose dès lors la question de savoir si une adaptation du cadre budgétaire européen est nécessaire. Afin de confier un rôle plus actif à la politique budgétaire dans le dosage des politiques, plusieurs modifications ont déjà été apportées, telles une meilleure prise en considération de la situation conjoncturelle pour définir l’effort budgétaire à consentir et la création d’un Comité budgétaire européen. Un autre changement pourrait consister à revoir la manière dont les investissements publics sont pris en compte lors de l’évaluation de la politique budgétaire à l’aune du cadre budgétaire européen, afin que ces dépenses bénéficient d’un traitement plus favorable. Enfin, sous certaines conditions, il semble qu'un mécanisme de stabilisation européen serait à envisager pour veiller à ce que la politique budgétaire optimale de la zone euro dans son ensemble corresponde à celle des pays individuels.