Communiqué de presse : Nouvelles évolutions de la gouvernance économique de l’Union européenne

Article publié dans la Revue économique de juin 2012

Les années écoulées ont douloureusement démontré que la perte de confiance des marchés financiers à laquelle ont été confrontés certains pays de la zone euro a pu rapidement contaminer d’autres États membres, avant de finalement menacer le bon fonctionnement et la stabilité de l'ensemble de la zone euro.

Déjà en 2007, avant l'émergence de la crise financière, des positions vulnérables étaient apparues au sein de la zone euro. Faute de discipline budgétaire suffisante, plusieurs pays de la zone euro s'étaient retrouvés dans une situation initiale budgétaire plutôt défavorable. En outre, l'évolution de la compétitivité et de la demande intérieure dans la zone euro présentait de fortes divergences, et la situation dans certains États membres était devenue particulièrement fragile à la suite de pertes de compétitivité structurelles ou de bulles sur les marchés de l'immobilier, associées à l'accumulation de dettes par les ménages, ou encore en raison de la fragilisation du secteur bancaire. Les décideurs et les marchés financiers ont longtemps sous-estimé l'importance de ces déséquilibres macroéconomiques. La coordination des politiques économiques n'était pas à la hauteur des ambitions: les règles budgétaires faisaient l'objet d'une interprétation et d'une application trop souples, la surveillance macroéconomique de la politique structurelle était trop peu rigoureuse, les recommandations étant non contraignantes et les instruments en matière de contrôle du respect des règles en vigueur défaillants. À l'issue de la crise financière de 2008-2009, il s'est toutefois avéré que ces déséquilibres avaient un effet déstabilisant.

Conscient de la gravité de la situation, le Conseil européen avait, dès le début de 2010, décidé de renforcer la gouvernance économique de l'Union européenne (UE), et notamment ses règles budgétaires. Le groupe de travail Van Rompuy a été créé, et la Commission européenne (CE) a formulé six propositions législatives qui ont été formellement approuvées à l'automne de 2011 sous une forme amendée par le Parlement européen et par le Conseil Ecofin (« Six-Pack »). Quatre des six textes législatifs portent sur les finances publiques. Ils modifient profondément tant les règles préventives que les mesures correctives prévues par le pacte de stabilité et de croissance. Par ailleurs, les procédures décisionnelles ont été adaptées, et des conditions minimales ont été imposées en matière de cadres budgétaires nationaux des États membres de l’UE. Par ailleurs, la nouvelle procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques repose sur deux des six textes. Il s'agit, d'une part, de l'identification, de la prévention et de la correction des déséquilibres macroéconomiques et, d'autre part, d'un régime de sanctions. Une innovation importante du Six-Pack est l'objectif de rendre les décisions plus automatiques, en se fondant sur la règle de la majorité qualifiée inversée.

À la fin de novembre 2011, la CE a ensuite proposé deux textes législatifs supplémentaires afin de durcir la surveillance budgétaire (« Two-Pack »). Ils devraient prendre leur forme définitive et entrer en vigueur au plus tôt durant l'été de 2012.

Par ailleurs, les États membres de l'UE, à l'exception du Royaume-Uni et de la République tchèque, ont conclu un nouveau traité intergouvernemental sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l'Union économique et monétaire. Celui-ci prévoit un nouveau « pacte budgétaire » et une coordination renforcée de leurs politiques économiques. Sa principale disposition est que le budget des administrations publiques doit être en équilibre ou en excédent, faute de quoi un mécanisme de correction automatique peut être activé. Ces nouvelles règles doivent être transposées dans la législation nationale – de préférence dans la constitution ou dans une autre loi qui en garantit le respect en tous points. Le nouveau traité entrera en vigueur le 1er janvier 2013, à condition d'avoir été ratifié par au moins douze États membres de la zone euro.

En outre, les calendriers des procédures existantes, telles celles prévues par le pacte de stabilité et de croissance et par les grandes orientations des politiques économiques, sont désormais harmonisés dans le semestre européen, et les États membres qui ont souscrit au pacte pour l’euro plus s'engagent à prendre, tous les ans, des mesures concrètes qui seront appliquées au cours des douze mois suivants.

Parallèlement à ces mesures de raffermissement de la gouvernance au sein de l'UE, divers mécanismes ont été mis en place depuis le début de 2010 dans le but d'endiguer la crise de la dette, et plusieurs États membres ont bénéficié d'un financement d'urgence de la part de l'UE et du Fonds monétaire international.

Seule une partie du nouveau cadre de gouvernance est entrée en vigueur. Il est donc beaucoup trop tôt pour le juger dans sa totalité. En tout état de cause, les nouvelles règles budgétaires figurant dans le « Six-Pack » constituent un pas dans la bonne direction. En ce qui concerne les déséquilibres macroéconomiques, il était urgent de parvenir à une meilleure réglementation au niveau européen. Il ne s'agit toutefois pas du « grand bond en avant » exigé pour minimiser le risque de nouveaux dérapages macroéconomiques. L'application du nouveau cadre de gouvernance en déterminera à présent la crédibilité. Une mise en œuvre stricte des procédures doit y contribuer. L'appropriation nationale, notamment par les parlements des États membres, en est un autre élément important.

Par ailleurs, la réglementation est devenue beaucoup plus complexe, ce qui peut peser sur l'efficacité et sur la rapidité d'application; une augmentation du nombre de règles n'induit pas nécessairement une surveillance plus univoque et cohérente. Par ailleurs, les initiatives se chevauchent dans une certaine mesure et recourent à des méthodes non seulement communautaires mais aussi intergouvernementales, ce qui contribue à en accroître la complexité.