L’incidence de l’évolution des caractéristiques des logements et des préférences en la matière sur les prix des habitations en Belgique

Article publié dans la Revue économique de 2022

Les prix des logements ont très vivement augmenté durant la première année de la pandémie de COVID-19, sans que cela ne soit dû à des évolutions dans la qualité des logements vendus. À plus long terme, la qualité énergétique des logements s’est progressivement renforcée au cours de la dernière décennie et elle devra s’améliorer bien plus encore pour atteindre les objectifs climatiques européens.

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Digest

Introduction

L’évolution des prix des habitations influence dans une large mesure l’accessibilité financière du logement, le patrimoine des ménages, l’activité économique et la stabilité financière. Il est donc essentiel de disposer d’indices de prix des logements fiables pour déceler en temps utile des tendances, des points d’inflexion et des bulles. Cependant, les grandes différences méthodologiques qui caractérisent les indices de prix des logements existants débouchent souvent sur des évolutions de prix différentes, ce qui complique les comparaisons tant au sein des pays qu’entre ceux-ci.

La principale différence entre les indices de prix des logements réside dans le degré de prise en compte de l’évolution, au fil du temps, des caractéristiques des habitations mises en vente. Premièrement, les indices de prix moyens ou de prix médians n’opèrent aucun ajustement pour la qualité. Ainsi, par exemple, les ventes de grandes maisons, si elles sont nombreuses, peuvent gonfler artificiellement le prix moyen des logements sur un trimestre donné. Deuxièmement, l’indice conventionnel établi par la Banque procède à un ajustement de base pour la qualité, de façon à tenir compte du type de logement et de l’arrondissement dans lequel il est situé. Enfin, les indices de prix hédoniques appliquent une correction plus avancée pour la qualité, en ce qu’ils prennent en considération un large éventail de caractéristiques propres aux logements et à leur situation dans le but de mesurer la variation du prix d’une même habitation. À cette fin, la qualité des logements vendus est évaluée comme la valeur totale des caractéristiques de ces habitations.

Cet article développe de nouveaux indices hédoniques des prix des logements pour la Belgique, pour ses trois régions et pour ses communes, et ce pour la période comprise entre le troisième trimestre de 2011 et le deuxième trimestre de 2021. Il étudie l’incidence sur les prix à la fois des évolutions des caractéristiques des habitations vendues et des préférences en matière de logement. Nous nous appuyons sur un ensemble de données unique dans lequel les transactions sur le marché immobilier enregistrées par le SPF Finances ont été combinées avec les ensembles de données relatives aux certificats de performance énergétique fournis par les régulateurs régionaux de l’énergie. Nos données couvrent la totalité des maisons et des appartements déjà construits qui sont vendus en Belgique, mais elles n’incluent pas les nouvelles constructions. Au-delà de l’analyse des modèles structurels sur la décennie écoulée, nous nous sommes intéressés plus particulièrement à la récente période marquée par le COVID-19. L’enregistrement de l’acte notarié de vente ayant lieu environ trois mois après la signature du compromis, notre échantillon permet d’analyser la première année complète de la pandémie en Belgique, puisqu’il s’étend jusqu’au deuxième trimestre de 2021. Bien que l’article s’intéresse également aux prix des appartements, le présent digest présente surtout les principales conclusions relatives aux prix des maisons.

Indice hédonique des prix des maisons dans les régions et incidence des changements affectant la qualité des maisons vendues

Le graphique 1 reproduit notre indice hédonique des prix des maisons dans les trois régions de Belgique et le compare avec l’indice des prix moyens et avec l’indice conventionnel de la Banque. On constate tout d’abord que notre indice hédonique est moins volatil, ce qui s’explique par son ajustement plus avancé pour la qualité. Il est dès lors plus fiable lorsqu’il s’agit de mesurer la variation du prix d’un logement identique et de déceler des tendances et des points d’inflexion.

Un second enseignement qu’on peut tirer du graphique 1 est que, par rapport aux prix moyens des maisons vendues, le prix d’une maison identique a augmenté de 7 % de moins en Région flamande et en Région wallonne (et de 5 % de moins en Région de Bruxelles-Capitale) ces dix dernières années. Cette différence s’explique par la qualité croissante des maisons vendues durant la dernière décennie, la qualité devant ici être entendue au sens large comme la valeur des caractéristiques de ces maisons vendues. Le graphique 2 montre que cette plus grande qualité des maisons vendues s’explique principalement par une amélioration des performances énergétiques et, dans une moindre mesure, par les plus grandes surface habitable et taille du jardin des maisons vendues. À cet égard, il convient de noter que les logements vendues ne représentent qu’une fraction du parc de logements total et que les caractéristiques moyennes de ces derniers peuvent évoluer différemment.

La distribution et l’incidence sur les prix de la performance énergétique des logements

Le graphique 3 montre la distribution et la moyenne des scores PEB, qui mesurent la performance énergétique des maisons et appartements vendus. Au cours de la dernière décennie, le score PEB moyen des maisons vendues s’est nettement amélioré en Région wallonne et en Région flamande, où il s’est réduit de, respectivement, 90 kWh/m² et 70 kWh/m², de même que, fût-ce dans une moindre mesure, en Région de Bruxelles-Capitale (où il a diminué de 30 kWh/m²). Toutefois, en niveaux absolus, il est toujours légèrement plus élevé en Région wallonne (425 kWh/m²) qu’en Région flamande (410 kWh/m²) et en Région de Bruxelles-Capitale (393 kWh/m²). Alors que le score PEB moyen des appartements vendus est inférieur de quelque 250 kWh/m² à celui des maisons en raison de la structure architecturale de ceux-ci, il ne s’est amélioré que de 30 kWh/m² ces dix dernières années. La qualité énergétique des maisons comme des appartements devra continuer de sensiblement s’améliorer pour atteindre l’objectif climatique européen de disposer d’un parc immobilier efficace sur le plan énergétique, avec un score PEB moyen de 100 kWh/m² d’ici 2050. Par ailleurs, le guère actuel en Ukraine et le désir de réduire plus rapidement la dépendance de l’Europe vis-à-vis de sources d’énergie fossile pourraient accélérer cette vague de rénovations. Cela signifie que, à l’avenir, il sera de plus en plus important de prendre en compte l’amélioration de la qualité énergétique des logements dans les indices de prix des logements.

Le graphique 4 révèle que le supplément de prix d’une maison efficace au niveau énergétique est considérable et qu’il s’est accru ces dix dernières années. En particulier, une maison dotée d'un score PEB de 150 kWh/m2 est, selon les estimations, environ 12 % plus onéreuse qu’une maison similaire dont le score PEB s'élève à 350 kWh/m2 pour la période la plus récente, soit du troisième trimestre de 2020 au deuxième trimestre de 2021. Il convient toutefois de noter que ces estimations doivent être interprétées avec prudence car les données ne nous permettent pas d'établir une distinction nette entre l’incidence de la performance énergétique et celle du confort de vie général. Enfin, les répercussions des augmentations significatives des prix de l’énergie depuis l’automne dernier ne sont pas encore visibles dans nos estimations.

Les répercussions du COVID-19 sur les préférences en termes de logement et de localisation

La première année de COVID-19 s’est accompagnée d’une nette hausse des prix des maisons sans que cela ne soit dû à des améliorations de la qualité des biens vendus. À titre d’exemple, la surface habitable et la taille du jardin ne sont pas considérablement plus élevées par rapport à celles des maisons mises en vente juste avant la pandémie (voir graphique 2). La croissance annuelle des prix des maisons au deuxième trimestre de 2021 a été plus forte en Flandre (+9 %) qu’à Bruxelles et en Wallonie (+7 %), malgré l'abolition du « bonus logement » en Région flamande en janvier 2020. Les prix des appartements ont aussi fortement augmenté dans les trois régions, fût-ce dans une moindre mesure que ceux des maisons, ce qui peut indiquer un léger déplacement de la demande des appartements vers les maisons.

Les confinements stricts en vue de lutter contre le COVID-19 et l’augmentation du télétravail, à la fois forte et structurelle, semblent également avoir influencé les préférences de logement en termes de taille, mais seulement modérément. Le supplément de prix estimé d’une maison quatre façades par rapport à une maison de rangée s’est accru durant la première année de COVID-19, mais uniquement en Région flamande (+2 points de pourcentage par rapport à 2019) et en Région de Bruxelles-Capitale (+7 points de pourcentage), ce dernier résultat n’étant pas statistiquement significatif en raison de la part limitée de maisons quatre façades. On a également noté une légère hausse d’approximativement 1 point de pourcentage dans l'écart de prix entre les grandes et les petites tailles du jardin et du logement, mais ces variations ne sont pas statistiquement significatives.

Le graphique 5 montre la croissance annuelle de notre indice hédonique des prix des maisons durant la première année de la pandémie de COVID-19 pour les différentes régions urbaines de la Belgique. On n’observe pas d’inversion de tendance au niveau des prix interurbains et la croissance des prix dans les différentes villes est restée positivement corrélée à la part des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur. On estime que, pour un grand nombre de ces jeunes diplômés, la demande de logements s’est accrue au cours de la première année de la pandémie grâce à un revenu disponible plus élevé, à l’épargne forcée, à l’environnement de taux d’intérêt bas et à une augmentation de l’aide financière des parents. Les prix ont également affiché une hausse plus vive dans les communes côtières et dans celles comprenant une part importante de maisons de vacances, ce qui reflète probablement la plus forte demande de résidences secondaires. Enfin, lors de la première année de la pandémie, les prix des maisons ont progressé de manière un peu plus marquée dans la plupart des villes par rapport à la périphérie ruro-urbaine et à la zone résidentielle de navettes, ce qui implique une poursuite de la tendance observée ces deux dernières décennies. Néanmoins, l’incidence définitive du COVID-19 et de l’augmentation structurelle du télétravail demeure en suspens, dans la mesure où les décisions de relocalisation des ménages peuvent nécessiter un certain temps et ne sont pas aisées à prendre en pleine pandémie.

Enfin, le graphique 6 montre les prix moyens des maisons dans les communes belges pour la période la plus récente comprise entre le troisième trimestre de 2020 et le deuxième de 2021 (graphique de gauche), leur ventilation en valeur selon la situation géographique de la commune (graphique du milieu) ainsi que la qualité des maisons vendues (graphique de droite), ces deux derniers éléments étant exprimés en écart de pourcentage par rapport à la commune moyenne. Les écarts importants de prix moyens des maisons entre les communes sont, pour une large part, imputables aux différences de valeur selon la situation géographique de la commune. Ce graphique présente une forte corrélation positive avec la part des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur, ce qui reflète probablement leur revenu et leur patrimoine plus élevés, ainsi qu’une plus grande aide financière des parents. De plus, des écarts significatifs s’observent également entre les communes en ce qui concerne la qualité des maisons vendues. Par exemple, la qualité moyenne des maisons citadines est inférieure à celle de leurs communes environnantes plus rurales, dans la mesure où les villes se composent plus largement de maisons petites, anciennes et de rangée.