Communiqué de presse - L'euro, cinq ans après: que s'est-il passé avec les prix?

Les pièces et les billets en euro étant en circulation depuis plus de cinq ans maintenant, le moment semble tout à fait indiqué pour en analyser l'incidence éventuelle sur l'évolution des prix. En effet, aujourd'hui encore, l'introduction de l'euro est souvent associée à des hausses de prix, alors qu'en réalité, l'inflation mesurée sur la base de l'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) est restée modérée depuis le passage à l'euro, surtout si l'on tient compte du fait que le cours du pétrole brut a très fortement augmenté pendant ces dernières années, un phénomène qui n'a rien à voir avec l'euro. Des enquêtes ont montré que la crainte d'une augmentation des prix était déjà présente avant même l'introduction de l'euro. Ce sentiment n'a fait que se renforcer après le passage à l'euro. Aujourd'hui encore, plus de cinq ans après l'introduction de l'euro fiduciaire, la très grande majorité de la population est encore persuadée que l'euro a incontestablement exercé une influence à la hausse sur l'évolution des prix. Ce thème est récemment revenu au devant de l'actualité, notamment à l'occasion de l'entrée de la Slovénie dans la zone euro le 1er janvier 2007.

Différentes études, réalisées notamment par Eurostat ou par diverses banques centrales nationales de l'Eurosystème, dont la Banque nationale de Belgique, montrent que le passage à l'euro n'a exercé qu'un effet limité sur l'inflation en 2002. Pour la Belgique, l'incidence du passage à l'euro sur l'inflation a été estimée à 0,2 point de pourcentage. Toutefois, celle-ci a été concentrée dans des secteurs moins concurrentiels et a ainsi été assez visible. Depuis lors, l'inflation est restée basse, mais l'on observe une évolution des prix relatifs plus dispersée. Au niveau microéconomique, le processus d'adaptation des prix, qui apparaît relativement lent, a donné lieu à une nouvelle structure de prix attractifs et à une augmentation du nombre de prix utilisés dans l'économie. De tels changements structurels ne sont sans doute pas étrangers aux difficultés qu'éprouvent les consommateurs à se familiariser avec l'euro. Cependant, ces observations suggèrent que le processus d'adaptation des prix à l'euro est correctement reflété dans les données qui sont à la base de la mesure de l'inflation, et donc que l'IPCH mesure correctement l'inflation, même si la perception qu'en ont les consommateurs peut être différente.

Alors qu'avant l'introduction de l'euro, l'inflation réelle et l'inflation perçue étaient très proches, ces deux séries présentent depuis le début de 2002 une nette divergence d'évolution. Le rôle du passage à l'euro dans l'émergence et la persistance d'un écart de perception est incontestable. Celui-ci ressort clairement d'une analyse graphique et est étayé de manière univoque par le biais d'une approche économétrique plus formelle. Cependant, lorsqu’il s’agit d’avancer des explications plus précises, il est difficile d’en isoler les contributions respectives. L’affirmation selon laquelle les consommateurs forment plutôt leur perception à partir de l’évolution du prix des biens et services qu’ils achètent fréquemment ne suffit pas pour expliquer l’émergence d’un écart de perception (persistant). Les différences dans les caractéristiques socio-économiques n’ont pas non plus joué un rôle prépondérant. L’influence de facteurs plus psychologiques, tels que les difficultés qu’éprouvent les consommateurs à intégrer l’euro dans leur cadre de référence, est quant à elle très difficile à apprécier.

La spécificité de l’inflation mesurée au moyen de l’IPCH ne semble pas avoir joué de rôle majeur dans l’apparition d’un écart de perception dans la zone euro. Un écart comparable est observé lorsque les IPC nationaux sont utilisés comme référence au lieu de l’IPCH. La non-inclusion dans l’IPCH des coûts de l'hébergement des propriétaires occupants ne semble pas non plus avoir joué un rôle-clé. Le fait que la précision et la crédibilité de l’IPCH en soi ne soient pas remises en cause est plutôt rassurant du point de vue de la politique monétaire.

En dépit de son ampleur et de sa persistance, l’écart de perception semble n’avoir eu que très peu de conséquences macroéconomiques, tant au niveau de l’évolution des coûts salariaux qu’au niveau de l’évolution de la consommation. La politique monétaire commune a notamment permis d’ancrer solidement les anticipations d’inflation à un niveau compatible avec la stabilité des prix. L’écart de perception représente dès lors essentiellement un défi de communication vers le grand public. Enfin, il convient de souligner que l'expérience de l'introduction de l'euro ne diffère pas fondamentalement de ce qui a été observé au Royaume-Uni à la suite de la décimalisation de la livre sterling en 1971. Des éléments indiquent que celle-ci a également été associée à la perception d’importantes hausses de prix, alors que son effet sur l’inflation fut minime.