Communiqué de presse - Les marchés de l'énergie et la macroéconomie

L'énergie joue un rôle primordial dans le fonctionnement des économies, notamment dans celui des économies avancées comme la zone euro ou la Belgique. L'énergie est un élément substantiel des dépenses de consommation des ménages et des coûts de production des entreprises. Les prix de l'énergie se sont récemment montrés particulièrement volatils. En particulier, le cours du pétrole brut, qui s'établissaient à quelque 20 dollars des États-Unis le baril dans les années 1990, s'est constamment apprécié depuis 2004. Il a atteint un niveau record de l'ordre de 150 dollars à la mi-2008, avant de se replier à un peu moins de 35 dollars à la fin de la même année. Depuis lors, le prix du baril s'est redressé et se situait, à la mi-août, date de finalisation du présent article, à 75 dollars. Il est important de comprendre le fonctionnement des marchés de l'énergie et comment les chocs sur les prix mondiaux du pétrole se transmettent in fine sur l'activité et les prix. Ces informations sont entre autres nécessaires pour déterminer la politique monétaire.

En comparaison des autre pays de la zone euro, l'économie belge est relativement sensible aux chocs pétroliers, tant en termes d'inflation que d'activité économique. Ainsi, une hausse de 10 p.c. des cours du pétrole induirait, après trois ans, une augmentation de l'indice harmonisé des prix à la consommation de 0,71 point de pourcentage en Belgique, alors que cet accroissement n'atteindrait que 0,45 point de pourcentage dans la zone euro. Quant à l'influence sur l'activité économique, une progression de 10 p.c. des cours du pétrole entraînerait, au bout de trois ans, une contraction du PIB de 0,46 point de pourcentage, alors que ce recul ne s'élèverait qu'à 0,24 point de pourcentage dans la zone euro.

Cette plus grande sensibilité s'explique en premier lieu par une intensité énergétique relativement importante, qui découle d'une structure industrielle spécifique en la matière, à savoir la surreprésentation de branches d'activité énergivores comme la métallurgie, la chimie, la production de métaux non ferreux et une spécialisation dans les premières phases de transformation des produits dans ces branches d'activité. De plus, les ménages consomment davantage de produits énergétiques en Belgique que dans la zone euro. Ne disposant plus de combustibles fossiles et les énergies renouvelables n'y étant encore que peu développées, la Belgique est caractérisée par une grande dépendance énergétique envers l'étranger. La maîtrise et, si possible, la réduction de l'intensité énergétique, tant du processus de production que des habitudes de consommation, constituent dès lors un défi majeur, non seulement dans une perspective écologique, mais également du point de vue macroéconomique, comme le démontre l'analyse présentée dans cet article.

Plusieurs autres facteurs renforcent la vulnérabilité de l'économie belge aux chocs pétroliers. Certains d'entre eux tiennent à la formation des prix des produits énergétiques et au fonctionnement des marchés de l'énergie eux-mêmes, tandis que d'autres ont plus généralement trait au fonctionnement des marchés des produits et du travail en Belgique.

Le bas niveau des accises et des taxes connexes sur le diesel, le gaz naturel et, surtout, le mazout de chauffage, relève de la première série de facteurs. Les prix à la consommation des produits énergétiques sont dès lors plus sensibles aux fluctuations du cours du pétrole brut en Belgique. En outre, le prix à la consommation du gaz et de l'électricité réagit nettement plus vite que dans les pays voisins aux fluctuations des prix sur les marchés internationaux de l'énergie. Cela tient au fait que la pratique belge qui consiste à adapter mensuellement les prix à la consommation sur la base de formules de tarification qui reposent notamment sur l'évolution des prix des matières premières énergétiques est unique en Europe. La marge brute des fournisseurs est ainsi dans une large mesure stabilisée, et l'incertitude associée à la volatilité des prix de l'énergie pèse dès lors essentiellement sur le consommateur. Dans les autres pays, les prix sont adaptés moins fréquemment et, contrairement à ce qui se passe en Belgique, cette adaptation s'inscrit encore dans certains cas dans le cadre d'une réglementation des prix. Plus généralement, il est apparu que, en dépit de la libéralisation, la concurrence effective est encore très faible sur les marchés du gaz et de l'électricité, tant en Belgique que dans les autres pays de la zone euro.

Par ailleurs, l'indexation, appliquée en Belgique, qui porte non seulement sur les salaires mais également sur certains prix, accroît la sensibilité de l'économie aux chocs pétroliers, même si l'utilisation de l'indice santé neutralise en partie le choc initial. L'indexation donne lieu à des effets de second tour sur l'inflation, ce qui a une incidence négative plus importante sur l'activité économique via une chute significative des exportations liée à la perte de compétitivité, même si la consommation privée semble relativement bien préservée. Il est toutefois possible de limiter ces répercussions négatives supplémentaires en surveillant constamment l'évolution de la compétitivité belge, conformément à la loi de 1996 relative à la promotion de l'emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité.