Le financement des entreprises en Belgique : analyse sur la base des tableaux des ressources et emplois

Article publié dans la Revue économique de septembre 2013

En utilisant à un niveau agrégé le tableau des ressources et emplois développé par la Centrale des bilans pour les entreprises individuelles, cette étude examine les développements récents en matière de financement des entreprises.

L’analyse de l’évolution du solde de financement des entreprises montre que celui-ci est tributaire de la situation conjoncturelle. Les périodes où le besoin de financement des entreprises était le plus élevé (en 2008 et en 2011) sont survenues à la suite d’un retournement conjoncturel. Cette situation semble imputable à la contraction des ressources internes disponibles et à la réalisation différée, eu égard à la conjoncture, de projets d’investissements. Une distinction par taille d’entreprise révèle que le solde de financement et ses déterminants fluctuent davantage pour les grandes entreprises que pour les PME, sous l’influence d’opérations réalisées par quelques grosses entreprises.

L’affinement de l’analyse au niveau des secteurs montre que certains d’entre eux se sont retrouvés plus régulièrement que d’autres en situation d’excédent ou de besoin de financement. Ainsi, parmi les PME, l’immobilier est un secteur qui, depuis 2005, présente régulièrement un excédent financier, grâce à des ressources internes disponibles souvent supérieures à ses investissements nets. De plus, il compte proportionnellement beaucoup moins d’entreprises en besoin de financement que les autres secteurs. À l’inverse, le commerce, l’industrie manufacturière et la construction affichent généralement un besoin de financement. Dans les grandes entreprises, l’industrie manufacturière dégage habituellement un excédent financier, à l’inverse du secteur de l’information et de la communication. La ventilation de l’évolution du solde de financement des entreprises par région nous apprend que la Flandre a enregistré un besoin de financement dans tous les secteurs d’activité dès 2008, besoin qui ne s’est manifesté qu’en 2009 à Bruxelles et en Wallonie. En Flandre et en Wallonie, ces évolutions ont surtout été tirées par l’industrie manufacturière, en particulier par les secteurs chimiques et pharmaceutiques et, surtout en Flandre, par le secteur des fabrications métalliques. À Bruxelles, ce sont davantage les secteurs des services qui ont influé sur le solde de financement.

En opérant une distinction entre les entreprises en excédent financier et celles en besoin de financement, il a été possible d’identifier certaines caractéristiques propres à ces dernières. Celles-ci disposent en général de ressources internes disponibles inférieures, réalisent davantage d’investissements incorporels et corporels et voient leurs actifs nets d’exploitation augmenter, alors que les entreprises dont le solde de financement est positif les réduisent. Ceci est particulièrement frappant chez les PME, où l’on constate une diminution de plus en plus marquée des actifs nets d’exploitation dans le groupe des entreprises ayant affiché un excédent financier entre 2000 et 2011, tandis que leur excédent financier a augmenté.

L’analyse des sources de financement des entreprises a mis en lumière une forte progression du financement par capital en 2006, vraisemblablement influencée par l’introduction de la disposition fiscale relative aux intérêts notionnels. Le financement par capital a continué de gagner en importance par la suite, en particulier auprès des PME en besoin de financement, pour lesquelles l’on a clairement perçu une augmentation de plus en plus prononcée de la variation du capital ainsi qu’un tassement des nouveaux engagements financiers à long terme. L’on a également constaté, conséquemment à la crise, un ralentissement de l’octroi des crédits bancaires et une accélération des crédits non bancaires (principalement des prêts intragroupes), surtout pour les crédits à long terme, pour les grandes entreprises comme pour les PME. L’on a donc observé une baisse relative du financement bancaire des entreprises.

Ces évolutions sont influencées par les conditions en vigueur sur le marché du crédit, qui, selon les enquêtes qualitatives auprès des banques et des chefs d’entreprise, se sont détériorées à partir de 2007. Cette tension sur le marché du crédit bancaire est également perceptible dans les chiffres récoltés par la Centrale des crédits aux entreprises, qui indiquent un redressement du taux d’utilisation des crédits autorisés à partir de 2007, pour les PME comme pour les grandes entreprises, ce qui témoigne d’une certaine difficulté à obtenir de nouveaux crédits. Deux autres enquêtes sur l’accès au financement des PME ont renforcé ce constat.

Enfin, l’analyse sectorielle du taux d’utilisation des crédits autorisés nous apprend que les secteurs qui ont affiché la plus forte hausse de ce taux sont également ceux où les PME en besoin de financement ont enregistré l’accélération la plus vive du financement par augmentation de capital. Ceci tend à confirmer l’hypothèse selon laquelle le recours de plus en plus important des PME au financement par capital résulte au moins en partie d’un accès plus difficile ou plus coûteux au crédit bancaire à la suite de la crise financière.