La réaction de la politique monétaire de la BCE face au COVID 19

Au début de 2020, une nouvelle infection virale baptisée « COVID‑19 » a ébranlé le monde. Eu égard à sa propagation, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) lui a attribué le statut de pandémie le 11 mars. Cette maladie a provoqué, à tout le moins, un triple choc sanitaire, financier et économique, déclenchant l’une des plus profondes crises observées en temps de paix. Les gouvernements du monde entier ont rapidement adopté des mesures sans précédent pour lutter contre l’épidémie, s’attachant en priorité à contenir le virus, avant de s’atteler dans la foulée, aux côtés des banques centrales et les autorités de surveillance, à limiter la panique financière et les retombées économiques. Cet article se concentre sur les premières dispositions prises par la Banque Centrale Européenne (BCE) pour atténuer les conséquences de la pandémie.

La BCE a considérablement renforcé ses mesures, poursuivant trois grands objectifs, tous essentiels à l’accomplissement de son mandat principal, le maintien de la stabilité des prix : garantir une orientation globale suffisamment accommodante de la politique monétaire, soutenir la stabilisation des marchés afin de préserver le mécanisme de transmission et fournir de la liquidité de banque centrale en abondance, en particulier pour maintenir l’octroi de crédits.

Premièrement, la BCE a augmenté ses achats d’actifs : une enveloppe de 120 milliards d’euros a été annoncée en complément des achats prévus au titre du programme d’achats d’actifs (Asset Purchase Programme – APP) et un nouveau programme temporaire d’achats, doté d’une enveloppe de 1 350 milliards d’euros, dénommé « programme d’achats d’urgence face à la pandémie » (Pandemic Emergency Purchase Programme – PEPP), a été lancé. Ces achats d’actifs, et en particulier ceux réalisés au titre du PEPP – avec son enveloppe de crise importante et sa flexibilité intégrée –, ont considérablement réduit tant les tensions communes que les pressions de fragmentation sur les marchés financiers de la zone euro.

Deuxièmement, la BCE a étendu les possibilités d’emprunt de liquidité offertes aux banques dans le cadre de ses opérations de refinancement à plus long terme (Longer-Term Refinancing Operations – LTRO). Dans ce contexte, les modalités de la troisième série d’opérations de refinancement à plus long terme ciblées (Targeted Longer-Term Refinancing Operations – TLTRO III) ont été assouplies, permettant aux banques d’emprunter davantage de liquidité à des taux plus faibles. De plus, afin de couvrir la période précédant l’opération TLTRO III très avantageuse en matière de tarif prévue au mois de juin, la BCE a annoncé une nouvelle série d’opérations de refinancement à plus long terme dites supplémentaires (bridge LTRO). En vue de fournir un filet de sécurité effectif pour combler les besoins de liquidité à plus court terme après l’expiration des LTRO supplémentaires au mois de juin, des opérations de refinancement à plus long terme d’urgence face à la pandémie (Pandemic Emergency LTRO – PELTRO) ont été introduites à la fin d’avril. De plus, afin de garantir que les banques bénéficient pleinement de ces conditions plus favorables dans le cadre des opérations de refinancement à plus long terme de la BCE, les exigences en matière de garanties qui leur sont applicables ont été allégées. Les deux séries de mesures ont contribué à préserver le canal des prêts bancaires. En effet, à la suite des mesures de confinement, un grand nombre d’entreprises ont fait face à une baisse soudaine et significative de leurs flux de trésorerie, les forçant à emprunter massivement. Des données disponibles jusqu’à la fin du mois de juin donnent à penser que les banques de la zone euro ont été en mesure de répondre aux besoins de liquidité importants des entreprises durant les premiers mois de la crise, tandis que les critères d’octroi de prêts aux entreprises sont également restés relativement souples.

Enfin, des lignes de swap et de repo renforcées en dollars des États-Unis et en euros ont contribué à limiter les pressions sur les marchés de financement internationaux.

Globalement, la façon la plus succincte de résumer la façon dont les autorités, y compris la BCE, ont géré les tensions financières et les retombées économiques engendrées par le COVID-19 semble être « pour l’instant, tout va bien ». Néanmoins, les défis qui attendent la politique monétaire sont multiples. L’un d’eux est lié aux perspectives macroéconomiques moroses, dont les risques sont orientés à la baisse, tandis qu’une très grande incertitude entoure la trajectoire de l’inflation. Dans ce contexte, les facteurs, défavorables, de demande et d’offre rendent la conduite de la politique monétaire plus difficile, quoique de manière différente. Si la croissance devait rester en berne en raison de l’atonie de la demande, le faible niveau d’inflation qui en résulterait nécessiterait un assouplissement monétaire plus marqué. Cependant, avec des taux directeurs proches de leur borne inférieure effective et l’utilisation déjà très active des mesures non conventionnelles, apporter le soutien requis à la demande est loin d’être aisé. Si la croissance modeste s’explique par des facteurs d’offre, l’inflation augmentera, rendant le problème de la borne inférieure moins pertinent dans la mesure où il existera une marge de manœuvre pour relever les taux directeurs. Mais, dans une telle configuration, les banques centrales qui ont un mandat clair de stabilité des prix, comme la BCE, auront une marge plus réduite pour soutenir la croissance économique.

Dans le même temps, une normalisation des taux d’intérêt rendra plus urgent le défi de l’endettement excessif provoqué par le COVID-19. En effet, l’évolution actuelle vers une politique budgétaire expansionniste a considérablement accru le ratio dette publique/PIB des pays de la zone euro. Dans la conjoncture actuelle, cette hausse des niveaux d’endettement public n’apparaît pas menaçante, les taux d’intérêt futurs étant inférieurs aux taux de croissance économique attendus. Toutefois, si cette configuration devait se modifier, des questions pourraient se poser quant à la soutenabilité de la dette, nécessitant des réponses adéquates de la part des gouvernements. En effet, la politique monétaire n’est en mesure de réaliser son mandat principal de maintien de la stabilité des prix que si les gouvernements offrent la garantie de poser les choix budgétaires nécessaires pour assurer la soutenabilité de la dette, même en cas d’augmentation des taux d’intérêt. Dans le cas contraire, des considérations relatives à la soutenabilité de l’endettement pourraient interférer avec la conduite de la politique monétaire.