Communiqué de presse : La politique monétaire aux États Unis et dans la zone euro durant la crise

Article publié dans la Revue économique de juin 2012

De part et d'autre de l'Atlantique, les premiers soubresauts de la crise financière se sont manifestés par des tensions sur les marchés monétaires. Ces dernières se sont ensuite rapidement propagées aux autres segments des marchés financiers, avant de toucher l'économie réelle. La déclaration de la faillite de la banque Lehman Brothers, le 15 septembre 2008, a mué la crise financière déjà bien installée en une panique financière généralisée et en une crise économique mondiale majeure. Ces événements ont induit des défis sans précédent pour les principales banques centrales de la planète, qui ont réagi avec force.

Dans ce contexte, le présent article vise précisément à exposer et à analyser les réactions de la Federal Reserve et de l'Eurosystème au cours des diverses étapes de la crise économique et financière. Il s'intéresse tant aux décisions de taux d'intérêt qu'aux mesures de politique monétaire non conventionnelles. Il aborde par ailleurs la relation entre politique monétaire et politique budgétaire et tente de faire la lumière sur les défis posés par la politique monétaire actuelle.

Au cours de la crise, l'Eurosystème et la Federal Reserve ont profondément modifié la conduite de leurs politiques monétaires respectives. Depuis l'émergence des premières tensions sur les marchés monétaires, durant l'été de 2007, jusqu'aux mois qui ont suivi la faillite de Lehman Brothers, les deux banques centrales ont largement été confrontées aux mêmes défis, à savoir maintenir la stabilité financière, préserver la bonne transmission de la politique monétaire, relancer l'activité économique et assurer la stabilité des prix. Si chacune a révisé le cadre opérationnel de sa politique monétaire, le cadre initial de politique monétaire et la prépondérance du secteur financier non bancaire dans le financement de l'économie aux États-Unis se sont traduites par des innovations plus substantielles dans le chef de la Federal Reserve.

Depuis le début de 2010, les défis ont toutefois nettement divergé et ont suscité des réponses plus spécifiques. Afin de relancer la croissance économique et de réduire les risques de déflation dans un contexte de taux plancher, la Federal Reserve a par exemple procédé à des achats massifs de bons du Trésor, dans le but de faire pression sur les taux à long terme, et a développé sa communication pour influencer les anticipations. De son côté, l'Eurosystème a également acquis des emprunts publics, dans le cadre de son Programme pour les marchés de titres; les achats ont toutefois été effectués dans le but de préserver la bonne transmission de la politique monétaire, suite à l'émergence de la crise de la dette publique. Face à l'amélioration de la situation économique et aux risques haussiers pesant sur la stabilité des prix au début de 2011, l'Eurosystème a relevé ses taux directeurs, avant de les réduire à nouveau à la fin de l'année, à la suite d'une exacerbation des tensions sur les marchés de la dette souveraine et d'une détérioration des perspectives macroéconomiques. Afin de prévenir un rationnement du crédit, il a par ailleurs adopté fin 2011 des mesures de politique monétaire non conventionnelles additionnelles, parmi lesquelles des opérations de prêt à trois ans.

La gravité de la crise et la rapide succession des événements justifient amplement l'extension sans précédent des activités et des bilans des banques centrales survenue ces dernières années. Les actions qu'elles ont menées ont largement permis d'éviter l'effondrement du système financier et de relancer l'activité économique. Elles présentent toutefois à leur tour leur lot de défis et de risques. Si l'actuel niveau élevé de l'excès de liquidités ne menace pas directement la stabilité des prix, la conduite d'une politique monétaire accommodante durant une longue période peut s'accompagner de nombreux effets pervers. Dès lors, il y a lieu de rester conscient des limites de la politique monétaire, qui ne se substitue ni à la levée de capital ni à la conduite de politique budgétaires et structurelles saines. Si la crise impose de repenser la conduite de la politique macroéconomique, il est par ailleurs essentiel que les principes qui fondent la crédibilité des banques centrales soient préservés.