Communiqué de presse - La gestion de la liquidité de l'Eurosystème pendant la période de turbulences sur les marchés financiers

Article publié dans la Revue économique de décembre 2007

En raison de la propagation des tensions sur le marché américain des prêts hypothécaires à haut risque, l'Eurosystème est, depuis le 9 août 2007, régulièrement confronté à une demande de liquidités très soutenue de la part du secteur bancaire de la zone euro. Les banques sont en effet devenues réticentes à se prêter mutuellement des liquidités sur le marché interbancaire, de sorte que la demande pour les réserves auprès de la banque centrale a augmenté significativement. L'article décrit la manière dont l'Eurosystème a répondu à cette demande accrue de liquidités par le biais de ses opérations d'open market au cours de la période s'achevant à la fin de la dixième période de constitution des réserves, c.-à-d. le 13 novembre. Il montre ainsi que la fonction de signalisation de l'orientation de la politique monétaire jouée par le taux d'intérêt à court terme a été préservée au maximum.

En effet, la gestion de la liquidité par l'Eurosystème a pour objectif de stabiliser les taux d'intérêt à très court terme à un niveau proche du taux de soumission minimal des opérations principales de refinancement. C'est ce taux de soumission minimal des opérations principales de refinancement qui signale explicitement l'orientation de la politique monétaire. À cette fin, l'offre de liquidités est ajustée de sorte à correspondre à la demande prévalant à ce taux. Ceci implique que la fourniture de liquidités et la structure du bilan de la banque centrale deviennent endogènes et ne sont dès lors plus indicatives de l'orientation de la politique monétaire (voir à ce sujet un autre article paraissant dans la présente Revue économique[1]).

Par une utilisation flexible du cadre opérationnel existant, qui n’a donc aucunement été modifié, l'Eurosystème a réussi à stabiliser de manière satisfaisante les taux d'intérêt à court terme pendant la période de turbulences sur les marchés financiers. Toutefois, la conduite opérationnelle de la politique monétaire a différé en trois points de ce qui se passe dans des conditions de marché normales. Ainsi, le montant alloué lors des opérations principales de refinancement au début des périodes de constitution des réserves a divergé significativement des montants de référence calculés préalablement. En allouant plus de liquidité que requis selon les montants de références, il a été possible de répondre à la demande provenant des établissements de crédit, qui souhaitaient satisfaire à l’obligation de réserves de manière plus que proportionnelle au début de la période de constitution des réserves. De la sorte, ceux-ci ont pu disposer pour le reste de la période de constitution des réserves d'une plus large capacité d'absorption des chocs de liquidité. En outre, l'on a recouru plus largement, et pour des montants plus importants, à des opérations de réglage fin. Enfin, le montant alloué lors des opérations de refinancement à plus long terme a été considérablement relevé à deux reprises, de manière à fournir aux établissements de crédit un volume plus important de liquidités - contre remise de garanties appropriées - pour une durée de trois mois.

En dépit de la réussite relative de la stabilisation des taux d'intérêt sur le segment le plus court du marché monétaire, les taux des prêts en blanc (c'est à dire sans remises de garanties) sur le segment le plus long du marché monétaire ont fortement augmenté durant la période de turbulences sur les marchés financiers. La banque centrale n'a toutefois pas d'emprise sur les fluctuations de ces taux étant donné qu'en pilotant l'offre de liquidités, elle peut seulement exercer un contrôle sur le taux d'intérêt à très court terme. Leurs mouvements prononcés indiquent que les banques exigent entre-elles une forte compensation pour les risques de défauts de paiement. Ces mouvements peuvent par ailleurs avoir des conséquences qui dépassent le cadre du marché interbancaire dans la mesure où l'Euribor à trois mois sert généralement de point de référence pour une large gamme de taux d'intérêt applicables à l'octroi de prêts aux particuliers et aux sociétés non financières. C'est pourquoi un durcissement éventuel des conditions de financement constitue bel et bien un facteur entrant en ligne de compte dans la définition de l’orientation de la politique monétaire par le Conseil des gouverneurs de la BCE. Ces turbulences sur les marchés financiers ont renforcé l'incertitude quant aux perspectives de croissance économique et d'inflation. Cela a incité le Conseil des gouverneurs, à l'issue des réunions de septembre, d'octobre et de novembre, à attendre de disposer de plus amples informations avant d'adopter de nouvelles décisions de politique monétaire.

 

[1]  Aucremanne L, J. Boeckx et O. Vergote (2007),«Piloter le taux d'intérêt ou la base monétaire: incidence sur le bilan d'une banque centrale», Revue économique de la Banque nationale de Belgique, décembre 2007, XX-XX.