La crise sanitaire et les différentes mesures qu’elle a engendrées continuent de peser sur le rebond de la consommation privée en Belgique

L’épidémie de coronavirus a considérablement ralenti la consommation des particuliers. Son incidence perdure toutefois au-delà de la période de confinement et le rebond de la consommation privée n’apparait pas immédiat : les consommateurs indiquent majoritairement se rendre moins fréquemment qu’auparavant dans les commerces et les établissements horeca, du fait principalement des mesures en vigueur et de la crainte sanitaire. Cela confirme l’analyse de la Banque selon laquelle des mesures générales de soutien du pouvoir d'achat n'auraient probablement qu'un impact limité sur la consommation des ménages. Des changements d’habitudes de consommation, notamment un recours plus important qu’auparavant à l’e-commerce, semblent également avoir été adoptés durant la période de confinement avec une intention de poursuivre ces nouvelles habitudes durant les prochaines semaines. C’est ce qui ressort d’une enquête réalisée du 14 au 21 juillet par la Banque nationale de Belgique (BNB), en collaboration avec Microsoft Innovation Center, soit avant le rebond enregistré de nouveaux cas d’infection et au renforcement des mesures sanitaires adoptées récemment par les autorités politiques en vue d’en limiter la propagation.

Durant la période de confinement, la fermeture de la plupart des commerces ainsi que des établissements horeca et événementiels a significativement réduit les possibilités de consommer. Le fonctionnement des stabilisateurs automatiques, eux-mêmes renforcés par des mesures gouvernementales spécifiques en faveur des salariés et des indépendants, a par ailleurs permis de limiter les effets de la crise sur le pouvoir d’achat des ménages. Afin de mieux appréhender l’évolution de la consommation des particuliers depuis la réouverture progressive des commerces et établissements horeca, une enquête en ligne à grande échelle a été organisée. Au total, 3 036 personnes y ont répondu.[1]  

Les consommateurs sont retournés moins fréquemment dans les commerces et ont globalement dépensé moins

Une première constatation issue des réponses à cette enquête est que la fréquentation des commerces non‑alimentaires depuis leur réouverture progressive a fortement diminué par rapport à la situation d’avant confinement. En effet, 68 % des répondants à l’enquête ont renseigné se rendre moins fréquemment dans les commerces tandis que 20 % ont déclaré ne plus s’y rendre. Cette situation semble être particulièrement vraie pour les personnes âgées de plus de 65 ans dans la mesure où une proportion plus importante de répondants de cette catégorie d’âge signale ne plus du tout se rendre dans les commerces depuis leur réouverture progressives.

Au niveau des dépenses réalisées, près de la moitié des répondants à l’enquête indiquent avoir procédé à une diminution de celles-ci par rapport à la situation d’avant confinement alors que seule une personne sur trois signale les avoir augmentées. En outre, alors que leur fréquentation des différents commerces s’avérait être plus importante que celle des populations plus âgées, la ventilation des résultats par classes d’âge montre que ce sont les plus jeunes qui ont davantage réduit leur consommation tandis que les plus âgés procéderaient à des dépenses plus importantes.

Graphique 1 : Fréquentation et dépenses de consommation dans les commerces par classes d’âge (pourcentages)

Source : BNB

La diminution des dépenses de consommation semble essentiellement refléter les mesures sanitaires ainsi que la crainte de l’épidémie

Une seconde constatation issue de l’enquête est que les catégories de dépenses en baisse par rapport à la période d’avant confinement sont principalement enregistrées au niveau des activités récréatives (cinéma, théâtre, etc.), de l’horeca et de l’habillement, soit les dépenses vis-à-vis des secteurs les plus durement touchées par les mesures liées au confinement, et ce pour plus de la moitié des répondants. Viennent ensuite les dépenses liées à la personne (coiffeur, esthétique, etc.) et les activités sportives.

À l’inverse, les dépenses alimentaires sont de loin celles pour lesquelles les répondants à l’enquête ont rapporté avoir constaté une augmentation : plus d’une personne sur deux signale en effet faire face à des dépenses de ce type plus importantes. Cela peut être dû à au fait que de nombreuses personnes télétravaillent de façon plus importante (et n’ont notamment plus accès – lorsqu’il est disponible – au restaurant d’entreprise) ainsi que refléter en partie une augmentation des prix des denrées alimentaires.

Parmi les raisons qui expliquent le recul de certaines catégories de dépense, trois sont majoritairement citées par près de la moitié des répondants. Premièrement, l’impossibilité totale ou partielle de réaliser certaines dépenses qui est liée à l’interdiction de pratiquer certaines activités ainsi qu’à la fermeture ou, du moins, l’accès limité des établissements dans l’horeca et des activités récréatives (cinéma, théâtre, etc.). La crainte sanitaire, c’est-à-dire l’inquiétude liée au virus en lui-même, est un second facteur explicatif de la baisse de la consommation des particuliers. Enfin, les règles en vigueur dans les commerces afin d’éviter la propagation du virus (port du masque, respect de la distanciation sociale, limitation du nombre de personnes à l’intérieur du commerce, etc.) constituent également un obstacle de dissuasion pour certains consommateurs, limitant leur fréquentation des commerces et autres établissements, ce qui les empêchent de réaliser certaines dépenses.

Parmi les autres éléments pouvant expliquer une diminution des dépenses de consommation, l’incidence d’une perte de pouvoir d’achat – que ce soit via une perte de revenu ou une augmentation des prix – apparait moindre que les facteurs précités, ce qui tend à suggérer que des mesures générales visant à soutenir les revenus des particuliers ne seraient pas pleinement efficaces en vue de relancer la consommation privée.

 

Graphique 2 : Catégories de dépenses en baisse et raisons de cette diminution (pourcentages)

Source : BNB

Un changement des habitudes de consommation, avec notamment un recours plus important à l’e‑commerce, est renseigné et devrait se maintenir à l’avenir

Concernant les habitudes de consommation, près de neuf personnes sur dix déclarent avoir changé leur habitude de consommation durant la période de confinement. Cette évolution pourrait être directement liée à l’impossibilité susmentionnée de réaliser certaines dépenses dans les commerces traditionnels. Parmi ces changements dans les modes de consommation, près de 50 % des répondants renseignent avoir eu recours de manière plus fréquente à des achats en ligne ou encore, pour environ un tiers d’entre eux, à des acquisitions plus locales. La réduction d’achats considérés comme non essentiels est également rapportée par plus de la moitié des répondants comme relevant d’un changement d’habitude dans leur manière de consommer durant la période de confinement. Ce dernier changement pourrait ne pas nécessairement être dû à une perte de revenus subie par certains ménages mais également refléter les éléments de restriction durant et après la période de confinement (accès limité à certains commerces et établissements, règles sanitaires, etc.). Une analyse de ces changements d’habitude de consommation indique par ailleurs que ces évolutions sont semblables entre les différentes catégories d’âge et régions.

 

Graphique 3: Changements dans les habitudes de consommation (pourcentages)

Source : BNB

Ces nouvelles habitudes de consommation devraient se maintenir à l’avenir pour plus de trois quarts des répondants. Si cette évolution devait effectivement se matérialiser de manière durable dans le mode de consommation, le recours plus important à l’e-commerce constituera un véritable enjeu pour l’économie belge du fait que ces achats en ligne proviennent à l’heure actuelle majoritairement de l’étranger.

Outre ces changements d’habitudes, il semblerait également que la réduction des dépenses de consommation devrait encore persister quelque peu. En effet, seuls 40 % des répondants à l’enquête prévoient de dépenser davantage dans les prochaines semaines. Cette consommation plus importante se situerait entre autres dans le désir de se rendre au restaurant et, dans une moindre mesure, au cinéma/théâtre ou dans les bars et discothèques.

Il convient toutefois de souligner que cette enquête a été menée dans la semaine précédant le 21 juillet 2020. Par conséquent, les réponses ne reflètent pas pleinement la récente détérioration de la situation sanitaire et les mesures supplémentaires annoncées par le Conseil national de sécurité les 23 et 27 juillet 2020. Les résultats de l'enquête suggèrent que la reprise de la consommation des ménages pourrait encore être retardée par ces deux éléments.

 

Graphique 4: Dépenses de consommation et activités prévues dans les prochaines semaines (pourcentages)

Source : BNB

[1] Les participants ont répondu à l’enquête sur une base volontaire, sans que l’échantillon ne soit préalablement composé