La Banque nationale exhorte le secteur financier à faire preuve d’une prudence accrue dans l'octroi de prêts hypothécaires à risques

La Banque nationale de Belgique (BNB) demande aux établissements financiers d'être plus prudents dans l'octroi de crédits hypothécaires présentant des ratios loan to value très élevés, et de prendre davantage en compte l'endettement et la charge de remboursement mensuelle des ménages. C'est ce qui ressort clairement des nouvelles attentes prudentielles que la BNB publie aujourd'hui pour les banques et les entreprises d'assurance qui octroient des prêts au logement.

La Banque nationale avait déjà annoncé, le 5 septembre, qu'elle allait établir de nouvelles attentes prudentielles pour les banques et entreprises d'assurance belges qui octroient des prêts immobiliers. Cette initiative de la BNB, qui est l'autorité chargée du contrôle macroprudentiel des établissements financiers en Belgique, fait suite à une analyse qu’elle a effectuée et dont il est ressorti que la vulnérabilité du marché hypothécaire dans notre pays s'est encore accrue au cours des dernières années et des derniers mois. Le Comité européen du risque systémique (ESRB) est parvenu à la même conclusion dans un rapport récent sur la Belgique. Dans ce contexte, la BNB se doit de prendre des mesures préventives.

La BNB est aujourd’hui en mesure d’annoncer le contenu concret de ces attentes prudentielles, qui entreront en vigueur le 1er janvier 2020.

Le principe central est que les banques et les entreprises d'assurance sont invitées à se comporter de manière plus prudente dans l'octroi de prêts présentant un ratio loan to value (montant du prêt hypothécaire par rapport à la valeur du bien immobilier) très élevé, en particulier pour les prêts hypothécaires conclus par des particuliers pour une maison ou un appartement qu'ils n'occuperont pas eux-mêmes (buy-to-let). La BNB formule par ailleurs des attentes en ce qui concerne certaines combinaisons de risques spécifiques (les « poches de risque »), telles que la coexistence de valeurs élevées pour, d’une part, le loan to value et, d’autre part, le ratio d'endettement total de l'emprunteur ou sa charge de remboursement mensuelle. La BNB a fixé pour une série d’indicateurs des seuils à titre de points de repère pour l'octroi d'un prêt hypothécaire.  

Synthèse

Seuils pour le loan to value :

  • 90 % pour les logements occupés par leur propriétaire, avec une marge de tolérance de maximum 35 % du volume des prêts pour les primo-acquéreurs (first time buyers) et 20 % pour les autres emprunteurs (1)
  • 80 % pour les logements locatifs, avec une marge de tolérance de 10 % du volume (1)

(1) Sur une base annuelle pour le volume de prêts de l'établissement financier dans ces segments individuels

Seuils pour les restrictions en matière de « poches de risque » :

  • 90 % pour les logements occupés par leur propriétaire, avec une marge de tolérance pour des loan to value plus élevés de maximum 35 % du volume des prêts pour les primo-acquéreurs et 20 % pour les autres emprunteurs (1)
  • 80 % pour les logements locatifs, avec une marge de tolérance de maximum 10 % du volume (1)

(1) Sur une base annuelle pour le volume de prêts total de l'établissement financier

Telles sont les attentes de la BNB pour un octroi de crédit soutenable et approprié. En cas de non-respect, la banque ou la compagnie d’assurance concernée devra pouvoir soumettre à la BNB une explication motivée, conformément au principe dit « comply or explain ».

Marge de manœuvre

La BNB tient à préciser que cette initiative macroprudentielle ne vise nullement à empêcher l'achat d'une habitation par les jeunes ménages ne disposant pas encore de beaucoup de capitaux propres. La preuve en est qu’il est par exemple loisible aux banques et entreprises d'assurance d’octroyer, pour un premier logement, un prêt dont le loan to value serait supérieur à 90 %, et ce pour 35 % du volume total de prêts hypothécaires dans ce segment. Cela laisse donc une large marge de manœuvre aux établissements financiers qui opèrent sur ce marché (en croissance) que constituent les prêts hypothécaires.

Pour la BNB, qui a pour mission de protéger le système financier belge contre des risques ou chocs éventuels, l'objectif est essentiellement d'inciter les banques et les assureurs, à titre purement préventif, à faire preuve d’une prudence accrue dans l'octroi de prêts hypothécaires à haut risques et à accorder une attention encore plus soutenue à la solvabilité de l'emprunteur.

Cette nouvelle mesure vient compléter celles qui sont déjà d’application en matière d’expositions au marché de l’immobilier. Là où les mesures précédentes visaient plutôt à garantir la résilience des banques, la nouvelle initiative vise davantage à encourager une politique de crédit plus prudente dans le chef des banques et des assureurs.

Les mesures macroprudentielles de la BNB sont de nature préventive et visent à maintenir la bonne santé du marché de l'immobilier et des marchés du crédit qui y sont liés. Dans son scénario de base, la BNB ne suppose aucunement l’imminence d’une crise immobilière ou d’importants ajustements des prix à la baisse, mais elle estime que ces mesures sont nécessaires pour éviter des dérapages dans le futur. Cela étant, ce type de risques ne peut jamais être totalement exclu.

La Banque a organisé au cours des dernières semaines une consultation pour le secteur financier. Les attentes macroprudentielles entreront en vigueur le 1er janvier 2020.

Aperçu des attentes

 

Type de prêt

Seuil

Marge de tolérance
(autorisation de production au-delà du seuil)

Limites LTV*

Prêt destiné à l’investissement locatif

80 %

10 % (avec 0 % > 90 %)

Prêt destiné à un bien occupé par son propriétaire

90 %

Primo-acquéreurs : 35 % (dont max. 5 % > 100 %)

Autres : 20 % (avec 0 % > 100 %)

Limites pour poches de risques*

Total des prêts

LTV > 90 % et
DSTI > 50 %

5 %

Total des prêts

LTV > 90 % et
DTI > 9

5 %

* Les limites s'appliquent à la nouvelle production annuelle.