Communiqué de presse - WP 275 : Efficacité et transmission des mesures de bilan de la BCE

Efficacité et transmission des mesures de bilan de la BCE

Cette étude évalue les effets des mesures de politique monétaire non conventionnelle adoptées par la BCE entre 2008 et 2013. Une estimation des effets macroéconomiques des variations au niveau du bilan de la banque centrale s’avère particulièrement pertinente aujourd’hui, dans le contexte des nouvelles mesures non conventionnelles annoncées par le Conseil des gouverneurs de la BCE à l’été 2014. Outre des opérations de refinancement ciblées d’une durée maximale de 4 ans, la BCE a également lancé un programme d’achats d’obligations sécurisées et un programme d’achats de titres adossés à des actifs (asset-backed securities). Ces mesures visent à ramener la taille du bilan à son niveau de début 2012. Bien qu’il soit encore prématuré d’évaluer les effets macroéconomiques de ces mesures, ce document aide à se forger une idée de l’impact que peut avoir l’extension visée du bilan sur l’économie de la zone euro.

Les auteurs estiment un modèle vectoriel autorégressif structurel de l’économie de la zone euro sur 2008-2013, une période au cours de laquelle le bilan de la banque centrale a également connu des fluctuations très marquées. Étant donné que durant la majeure partie de cette période la banque centrale a servi la totalité des soumissions qui lui ont été adressées, les variations dans la taille du bilan ont essentiellement reflété les fluctuations dans la demande de liquidité banque centrale émanant des contreparties de l’Eurosystème, davantage que l’adoption de nouvelles mesures de politique monétaire. Afin d’estimer valablement l’impact des mesures bilancielles sur les conditions financières et la situation macroéconomique, il convient dès lors de tenir compte de ce caractère endogène de l’évolution du bilan de la banque centrale. Dans ce contexte, l'étude identifie des changements exogènes dans la taille du bilan en imposant un certain nombre de restrictions intuitives (ce que l’on nomme des restrictions « de signes » et « nulles ») quant à l’impact d’un tel choc bilanciel sur la situation macroéconomique et sur les tensions dans le secteur financier.

La série temporelle des chocs bilanciels – et donc le schéma d’identification utilisé – est plausible dans la mesure où elle capture des décisions clés relatives au bilan de la BCE, comme l’introduction d’appels d’offres à taux fixe, la totalité des soumissions étant servie et les deux opérations de refinancement à trois ans. Un accroissement exogène du bilan de la banque centrale se traduit par une accélération de la croissance économique et par une hausse de l’inflation, bien que les effets soient temporaires. En outre, l’impact macroéconomique d’une politique monétaire non conventionnelle est qualitativement comparable à celui d’une politique traditionnelle de taux d’intérêt. Les mesures bilancielles peuvent ainsi contribuer à stabiliser la situation macroéconomique, un constat intéressant dans un environnement marqué par une inflation faible qui a nécessité d’abaisser le taux directeur nominal à son niveau plancher.

Sur la période considérée, la transmission de la politique monétaire non conventionnelle de la BCE s’est effectuée par le biais des marchés et des institutions financières : après un choc d’expansion du bilan, on observe que les prix des actions augmentent, que les taux longs baissent et que les primes d’intérêt sur les obligations d’États européennes s’inscrivent en recul par rapport au Bund allemand. De plus, les primes sur les CDS des banques se réduisent, les banques assouplissent leurs conditions de crédits et abaissent les taux d’intérêt sur les nouveaux prêts, ce qui accélère la croissance de ces derniers.

Le document met en évidence d’importantes différences dans la transmission de la politique monétaire non conventionnelle entre les pays de la zone euro. L’activité économique semble croître de manière plus prononcée dans les pays qui ont été moins affectés par la crise financière. Ce constat paradoxal peut aussi être interprété différemment : l’impact des mesures de politique monétaire non conventionnelle sur le PIB d’un pays apparaît fortement corrélé avec la capitalisation de ses banques. Après tout, les banques affichant une position de solvabilité moins solide sont moins enclines à transformer la liquidité banque centrale en nouveaux prêts à l’économie réelle. Si ce constat devait être confirmé par d’autres analyses, il soulignera l’importance des mesures visant à sauvegarder et à renforcer la position de solvabilité des banques. Il ressort ainsi que la réussite de l’exercice d’évaluation approfondie (Comprehensive Assessment) de la BCE et les mesures visant à renforcer le capital qui en ont résulté devraient contribuer à préserver une bonne transmission des mesures de politique monétaire – en ce compris celles relatives à la taille et à la composition du bilan de la banque centrale.