Communiqué de presse - WP 250 : Réactions des banques aux pénuries de capital

Réactions des banques aux pénuries de capital

La crise financière de 2007 2009 et, dans son sillage, la crise de la dette souveraine dans la zone euro ont soumis les fonds propres des banques à d’intenses pressions. À cet égard, l’une des préoccupations essentielles concernant les politiques à appliquer consiste à déterminer dans quelle mesure ces pressions sur les fonds propres inciteraient les établissements de crédit à se désendetter et, ce faisant, à peser sur la croissance des prêts, ce qui, in fine, pourrait avoir de graves conséquences macroéconomiques. Dans ce contexte, le présent article examine de manière empirique si les grandes banques européennes se fixent des objectifs de ratio de fonds propres spécifiques, et comment elles réagissent, en matière d'ajustement des actifs et des passifs, aux écarts par rapport à ces objectifs. Il fournit en particulier des éléments permettant de mieux appréhender la manière dont les banques ajustent leur bilan lorsqu’elles manquent de fonds propres ainsi qu’en périodes de crise.

Le présent article examine les questions suivantes sur le plan de la recherche: (i) les banques se fixent-elles en interne un ratio de fonds propres optimal? (ii) comment réagissent-elles aux éventuels écarts constatés par rapport à cet objectif? (iii) leur réaction est-elle différente en périodes de crise? (iv) les réactions des banques aux écarts par rapport à leur objectif de fonds propres sont-elles symétriques selon qu'elles sont (très) au-dessus ou (très) en dessous de leur objectif?

À l'aide de données trimestrielles tirées d'un échantillon de grandes banques européennes examinées entre le premier trimestre de 2004 et le troisième trimestre de 2011, et d'un cadre d’économétrie des panels, l’analyse permet tout d'abord d’étayer, comme l’avaient fait des études antérieures, l’existence d’une politique d'optimisation des fonds propres appliquée par les banques pour atteindre des niveaux de fonds propres spécifiques. La contribution à la littérature réside surtout dans la deuxième partie de l’étude, qui montre que l'on observe des asymétries significatives dans les réactions des banques aux écarts par rapport aux niveaux optimaux de fonds propres. Les banques préfèrent réaménager leurs actifs pondérés par les risques ou accroître le volume d'actifs détenus lorsqu'elles dépassent leur ratio Tier 1 optimal, mais essaient plutôt d'augmenter leur capital ou de réaménager leurs actifs pondérés sans toucher à leurs actifs détenus lorsqu'elles se situent en dessous de leur objectif.

Parallèlement, si l'on examine au contraire un simple objectif de ratio d'endettement (non pondéré par les risques), l'on observe un désendettement et une baisse de la croissance des prêts dans le chef des banques sous-capitalisées dans le contexte de la récente crise financière, tandis qu'avant la crise, les banques réagissaient principalement aux écarts par rapport à leur objectif optimal en ajustant leur fonds propres (l’analyse neutralise les injections substantielles de capitaux réalisées par les gouvernements durant la crise). Dans le cadre de l’imposition de nouvelles exigences de fonds propres, il convient de garder à l’esprit ce constat d’une incidence significative sur la réduction de bilan, y compris en matière d’octroi de crédit, dans les établissements sous-capitalisés. Ce sont ces mêmes préoccupations qui ont sous-tendu la décision du Comité de Bâle de procéder à une instauration progressive, sur une période transitoire de sept ans, des nouvelles exigences de fonds propres de Bâle III.

Sur le plan des politiques à adopter, ces résultats mettent en évidence le risque de désendettement du bilan des banques et de contraction des prêts en période de sous-capitalisation du secteur bancaire, ce qui pourrait avoir des répercussions négatives sur l'activité économique réelle. Les conclusions du présent article confirment par ailleurs que les banques se comportent différemment selon qu’elles traversent une période de crise ou qu’elles sont en continuité d’exploitation, et qu’en particulier, les mesures de désendettement en réaction à un déficit de fonds propres pourraient être amplifiées en périodes de crise, la marge de manœuvre des banques en matière d’ajustement du bilan, notamment par recapitalisation, étant alors plus limitée. Cette conclusion n’est pas contredite par les mesures exceptionnelles en matière de politique monétaire et d’aide gouvernementale au secteur bancaire adoptées ces dernières années, mesures qui ont sans doute contribué à limiter les répercussions négatives des chocs sur les fonds propres des établissements de crédit lors de la crise financière et de la crise de la dette souveraine de la zone euro. En outre, les conclusions du présent article soulignent l'importance de prendre en compte les éventuelles asymétries dans l’analyse des réactions des banques aux écarts par rapport aux niveaux optimaux de leurs fonds propres, et peuvent nous aider à comprendre la réaction des banques à une soudaine pénurie de fonds propres, et nous apporter des informations utiles dans la prise de décisions en matière de relèvement des exigences de fonds propres pour le secteur bancaire.