Communiqué de presse - Salariés: trop chers à 50 ans ? La composante « âge » dans la formation des salaires
Article publié dans la Revue économique de juin 2014
Comme dans d’autres pays de l'UE, le taux d'emploi des personnes âgées de 55 ans et plus a augmenté ces dernières années en Belgique, mais il se situe toujours 9 points de pourcentage en dessous de la moyenne de l'UE. Compte tenu du vieillissement de la population, qui commence aussi à se marquer graduellement dans la structure par âge des effectifs des entreprises, la demande de travail pour ce groupe d'âge constitue un enjeu économique et social crucial.
Si on considère l'ensemble des recrutements en 2012, 46 % des nouveaux engagés appartiennent à la catégorie d'âge des 20 29 ans, tandis que la part des 55 ans et plus atteint moins de 3 %. On observe pour les recrutements une relation décroissante avec l'âge. Le profil des fins d'emploi est tout à fait différent: les personnes dans les tranches d'âge les plus jeunes forment une large part des fins d’emploi (à cause notamment des contrats à durée déterminée et de l'intérim), mais ces dernières sont également plus importantes à partir de 55 ans.
Ce dernier phénomène s'explique par le recours aux dispositifs de retrait anticipé de la vie active. Dans les années 1970-1990, leur utilisation était perçue comme bénéfique tant du point de vue de l'employeur que de celui du salarié. Ces dernières années, ces filières de sortie anticipée ont été progressivement durcies par le relèvement des âges d'accès et par le renforcement des conditions de carrière pour pouvoir en bénéficier. Ce fut en particulier le cas des prépensions (rebaptisées « chômage avec complément d'entreprise », parallèlement à la volonté d'activer ces personnes) et de leur pendant pour les anciens salariés de plus petites entreprises (régime des chômeurs âgés dispensés de recherche d'emploi).
Les filières de sortie anticipée relativement généreuses, les nombreuses fins d'emploi et le faible recrutement dans ces tranches d'âge se traduisent par une durée estimée de carrière professionnelle plus faible en Belgique que pour les « meilleurs élèves » parmi les Européens, à savoir essentiellement les pays scandinaves, les Pays-Bas et l'Allemagne. Tous ces pays ont profondément réformé les dispositifs de sortie précoce du marché du travail. Certains ont également revu les règles de leur système de pension (âge normal du départ à la retraite indexé sur l'espérance de vie, système de décote en cas de pension anticipée, etc.).
L’évolution des rémunérations est liée, à des degrés divers, à l’âge dans tous les pays européens. On observe cependant que le profil des rémunérations continue de croître pour les 50 ans et plus en Belgique, alors que, dans les pays scandinaves, aux Pays-Bas et en Allemagne, il s'aplatit jusqu'à la fin de la carrière. Il n'est toutefois pas exclu que ce phénomène soit en partie dû à des effets de composition: il peut y avoir une (auto-)sélection pour les personnes restant en emploi au-delà de 50 ans, où seules les mieux rémunérées resteraient actives.
Les salaires varient en fonction de la taille de l'employeur, de la branche d'activité, du niveau d'éducation, de l'expérience professionnelle et de l'ancienneté dans l'entreprise. Les écarts selon le niveau d'éducation ont toutefois tendance à se creuser avec l'âge. L'augmentation est surtout importante pour les personnes ayant un niveau d'éducation élevé. D'un point de vue économique, la hausse des salaires en fonction de l'ancienneté n’est pas problématique si elle reflète un accroissement de la productivité.
La productivité du travail n'est cependant pas directement observable. Si on veut éviter d'approcher la productivité individuelle par des tests psychométriques, parce qu’ils ne prennent pas nécessairement en compte l'expérience des personnes, ni les aspects collaboratifs et les « social skills » qui jouent un rôle important dans la productivité du travail, pas plus qu’ils ne traduisent le fait que la nature des tâches à effectuer évolue durant la carrière professionnelle, on doit se contenter de mesures agrégées. Une approche possible est de mesurer l'impact de la variation de l'âge des effectifs des entreprises sur la productivité. Pour la Belgique, les résultats d’études économétriques indiquent qu'une part plus élevée de travailleurs âgés de 50 ans et plus pèse en moyenne sur la rentabilité des entreprises.
En Belgique, l'organisation du dialogue social reflète aujourd’hui encore la différenciation entre les statuts d’ouvrier et d’employé. La toute grande majorité des conventions collectives qui fixent les fonctions et les barèmes salariaux correspondants pour les employés prévoient de fait une évolution barémique en fonction de l'ancienneté du travailleur, alors qu'une telle modulation n'existe pas pour les ouvriers, dont la progression salariale liée à l'expérience implique des changements de fonction, donc de barème.
Le dialogue social devrait prendre en compte la problématique du poids de l'ancienneté dans les barèmes, de manière à encourager une participation plus longue des travailleurs sans peser outre mesure sur les charges des entreprises.
La productivité des travailleurs plus âgés peut par ailleurs être renforcée en étoffant les efforts de formation, en mettant en place des conditions de travail adaptées, notamment en améliorant l’ergonomie des postes de travail, ainsi qu’en instaurant une meilleure organisation du travail.