Communiqué de presse - Prix des logements et croissance économique en Belgique

La crise économique et financière des années 2008 et suivantes a rappelé l’importance du marché immobilier tant pour la stabilité financière que pour la croissance économique. En effet, la crise des subprimes qui a touché les États-Unis dès 2006 est considérée comme l’un des éléments déclencheurs de la grande récession, tandis que l’éclatement de bulles immobilières en Espagne et en Irlande a causé et propagé d’importants ralentissements conjoncturels dans la zone euro. Cet article étudie l’évolution des prix des logements en Belgique et leur importance pour l’activité économique, et notamment pour la consommation privée, pour les investissements résidentiels et pour la stabilité financière. À cet égard, les résultats de la Belgique sont comparés à ceux de quelques autres pays avancés.

Les prix des logements ont augmenté de manière quasiment continue en Belgique au cours des décennies écoulées. Seuls deux épisodes de repli ont été enregistrés: le premier durant la première moitié des années 1980 et le second, plus court et particulièrement limité, lors de la crise économique et financière des années 2008 et suivantes. Le renchérissement de l’immobilier a également conduit à une expansion significative du patrimoine immobilier des ménages, ce dernier atteignant d’ailleurs plus de 1 400 milliards d’euros en 2016. Une large partie de la croissance des prix immobiliers au cours des 45 dernières années serait imputable à la progression soutenue du prix du foncier, surtout en Région flamande, où la rareté relative des terrains s’est accentuée, en particulier depuis le début des années 2000. Outre par les pressions démographiques, qui ont été renforcées par la diminution progressive de la taille moyenne des ménages, la croissance des prix immobiliers a également été soutenue par divers facteurs macroéconomiques, tel le recul prononcé des taux d’intérêt hypothécaires, qui, conjugué à la hausse des revenus des ménages, a amélioré l’accessibilité au logement, toutes choses étant égales par ailleurs. De surcroît, la fiscalité immobilière a généralement évolué d’une façon susceptible de favoriser l’accès au crédit hypothécaire et la demande de logements.

Les prix de l’immobilier résidentiel peuvent affecter la consommation privée au travers de différents canaux. Tout d’abord, leur augmentation mène à un accroissement du patrimoine immobilier des propriétaires, encourageant ces derniers à consommer davantage. Cependant, cet effet de richesse positif est partiellement neutralisé par le fait que la progression des prix de l’immobilier résidentiel induit également une hausse du montant d'acquisition pour les futurs acheteurs, obligeant ces derniers à épargner davantage pour s’offrir un logement, de même que celui des charges locatives attendues, ce qui peut avoir un effet défavorable sur la consommation des locataires. En outre, des produits de crédit garantis par un logement et pouvant être utilisés à des fins de consommation sont susceptibles de renforcer l’effet positif d’une augmentation des prix de l’immobilier résidentiel sur la consommation. Les résultats d’un modèle économétrique pour la consommation, estimés pour une série de pays avancés, suggèrent que c’est surtout dans les pays où le recours à ce type de crédit est fréquent, tels les Pays-Bas et le Royaume-Uni, que les prix des logements ont une incidence plus élevée sur la consommation. En Belgique, où l’utilisation de tels produits est peu répandue, l’estimation de l’impact des prix immobiliers résidentiels sur la consommation est moindre, bien qu’elle soit supérieure aux résultats d’études précédentes.

Les prix des logements peuvent également stimuler les investissements dans de nouvelles constructions, ces dernières constituant la principale composante des investissements résidentiels. Une hausse du prix des habitations implique en effet que les logements neufs pourraient être vendus à un prix supérieur, si bien que, à coûts de construction inchangés, les investissements dans les nouvelles constructions deviendraient plus rentables. Il ressort toutefois d’estimations empiriques antérieures que, comparativement aux États-Unis et aux pays scandinaves, l’incidence exercée par les prix des logements sur les investissements résidentiels est très modérée dans les pays d’Europe occidentale, y compris en Belgique. Cela peut s’expliquer en partie par la forte densité de population et par la réglementation relativement contraignante en matière d’obtention de permis de bâtir dans ces pays. En outre, les chocs de demande sur le marché immobilier résidentiel dans ces pays engendreraient essentiellement des ajustements des prix des logements, et seulement dans une moindre mesure des fluctuations de l’activité.

Enfin, les prix des logements peuvent également influer sur la stabilité financière. Des études empiriques antérieures ont en effet démontré que des bulles immobilières accentuent le risque de crise bancaire et qu’elles mènent à des récessions nettement plus profondes et plus longues, surtout lorsqu’elles s'accompagnent d'une vive croissance du crédit. D'après les estimations du modèle de la Banque, les prix des logements ne sont actuellement que légèrement surévalués en Belgique, ce qui suggère l’absence de bulle sur le marché immobilier résidentiel. Dans le cadre de la politique macroprudentielle, le principal motif de vigilance à l’égard des développements sur ce marché est toutefois lié à l'évolution de l’endettement des ménages belges, qui a augmenté de manière quasiment ininterrompue ces dix dernières années, alors qu’il s’est contracté dans l’ensemble de la zone euro. En outre, le portefeuille de prêts hypothécaires est partiellement constitué de segments vulnérables ‑ composés de ménages ayant emprunté un montant relativement élevé par rapport à leurs revenus et à leurs actifs liquides ‑, qui sont susceptibles d’entraîner des défauts de paiement plus nombreux que prévu en cas de choc économique négatif de grande ampleur. Dans la mesure où une large part de ces hypothèques portent sur des logements dont la valeur n’est pas significativement supérieure à l’encours de la dette, les banques pourraient subir de lourdes pertes, surtout si cela s’accompagne d’une chute marquée des prix immobiliers. Dans ce contexte et compte tenu de la forte proportion de crédits hypothécaires dans les bilans des banques belges, la Banque a adopté depuis 2013 plusieurs mesures macroprudentielles visant à accroître la résilience des banques face à des pertes inattendues sur leur portefeuille de prêts hypothécaires.