Communiqué de presse - Politiques monétaire et budgétaire dans la zone euro: indépendantes mais néanmoins liées

Article publié dans la Revue économique de septembre 2016

Avant la crise, les politiques monétaire et budgétaire étaient plutôt analysées et mises en œuvre séparément.

Compte tenu des expériences négatives rencontrées dans le passé, les interactions entre les politiques monétaire et budgétaire se sont souvent réduites au danger que les pouvoirs publics n’incitent les banques centrales à financer leur endettement par la voie monétaire. L’inflation galopante qui peut en découler met en effet en péril la stabilité macroéconomique et le bien-être. À partir des années 1990 a donc émergé le consensus selon lequel une bonne conduite de la politique macroéconomique exige que les banques centrales soient indépendantes. Ainsi préservées des pressions politiques, ces dernières sont en mesure de garantir la stabilité de l’inflation et contribuent dès lors le mieux à la stabilité macroéconomique au sens large. Pour veiller en outre à ce que les pouvoirs publics n’entravent pas la capacité stabilisatrice de leur banque centrale, certains pays ont imposé des règles budgétaires contraignantes. Dans la zone euro, le Pacte de stabilité et de croissance (PSC) fixe par exemple des limites explicites pour le déficit public et le taux d’endettement des États membres.

La crise remet cela en question.

La crise financière et économique a toutefois confronté le cadre de réflexion conventionnel et l’architecture institutionnelle européenne, qui opèrent une distinction stricte entre les politiques monétaire et budgétaire, à des défis. Les pouvoirs publics se sont révélés sensibles aux chocs susceptibles de transformer des problèmes de liquidité en problèmes de solvabilité: cela justifie le déploiement par la banque centrale d’un filet de sécurité. Dans le cadre du maintien de la stabilité des prix, la politique monétaire a buté sur des limites, ce qui a soulevé la question de l’attribution d’un rôle accru à la politique budgétaire dans la résorption des déséquilibres macroéconomiques entre épargne et investissement. Il s’est dès lors avéré plus complexe de formuler des recommandations politiques efficaces pour remplacer la vision purement « chacun pour soi » qui prévalait avant la crise et qui était jugée suffisante.

Une analyse conjointe de ces deux domaines politiques gagne en importance

La crise a ainsi donné lieu à des réflexions sur la vision conventionnelle, réflexions selon lesquelles – dans les situations exceptionnelles principalement – plus d’espace est prévu pour laisser jouer les synergies positives entre ces deux domaines politiques. L’importance d’une analyse plus holistique des politiques monétaire et budgétaire n’est toutefois pas neuve; l’idée avait déjà été propagée dans les années 1990 par la théorie monétaire-budgétaire (mieux connue sous sa forme restreinte sous le nom de théorie budgétaire du niveau des prix ‑ fiscal theory of the price level). Dans la mesure où elle permet un plus large éventail de comportements des politiques monétaire et budgétaire, cette école de pensée fait le constat que la stabilité macroéconomique et budgétaire exige toujours une conjonction adéquate – fût-elle parfois implicite – de ces deux domaines politiques. Ces visions se sont également traduites par des mesures politiques concrètes, par exemple de la part de la BCE, et par des adaptations du cadre institutionnel européen.

L’article étudie quelques-unes des interactions entre les politiques monétaire et budgétaire dans la zone euro qui se sont fait jour durant la crise, et ce tant sous l’angle conventionnel que selon la théorie alternative monétaire-budgétaire. Plus spécifiquement, il analyse le rôle que la BCE a joué dans la prévention d’une crise de la dette souveraine et examine si la politique budgétaire peut imprimer un élan important à la reprise économique, et donc également contribuer à ramener l’inflation vers son objectif, de même qu’il sonde dans quelle mesure le cadre de la politique budgétaire, vu son asymétrie et sa dimension nationale, débouche sur une trajectoire budgétaire adaptée pour l’Union monétaire dans son ensemble.