Communiqué de presse - Place de la Belgique dans le commerce mondial

Article publié dans la Revue économique de juin 2010

Les deux dernières décennies ont été caractérisées par une accélération de la mondialisation de l'économie. D'une part, ce processus s'exprime par une modification de l'organisation globale des modes de production. La libéralisation des échanges commerciaux et financiers, la réduction des coûts de transport et les progrès des technologies de l’information ont donné lieu à une fragmentation croissante de la chaîne de production entre différentes localisations, en fonction des avantages propres à chacune d'entre elles. D'autre part, la phase actuelle de mondialisation se traduit par l’émergence rapide de nouveaux pôles économiques. Ces derniers, en particulier la Chine, occupent une place de plus en plus importante dans la production mondiale, concurrençant les producteurs établis, et devenant, avec le temps, des partenaires commerciaux essentiels pour les économies plus avancées, à la fois comme marchés de débouché et comme fournisseurs de biens de consommation et de biens intermédiaires.

Comme les autres économies avancées, l’économie belge a été et continuera d'être affectée par ces évolutions. Pour conserver ou renforcer sa place dans l'économie mondiale, et asseoir ainsi sa prospérité, la Belgique devra dès lors prouver sa capacité d'adaptation face aux mutations de l'environnement international, en fonction de ses avantages comparatifs. En d'autres termes, la Belgique devra veiller à sa compétitivité. Au-delà des aspects traditionnels de prix et de coûts (coût de la main d'œuvre, rémunération du capital, coût des inputs intermédiaires), la notion de compétitivité recouvre des facteurs d'une nature plus qualitative ou structurelle (qualité du capital physique et humain, efforts d'innovation, fonctionnement des marchés, etc.) qui s'expriment notamment au travers de la structure des exportations (spécialisation). Ensemble, ces facteurs déterminent la capacité d'une économie à offrir des biens et services qui se démarquent de ceux des concurrents par leur qualité ou leur caractère innovant, et répondent aux évolutions de la demande globale.

De 1995 à 2008, dans un contexte de forte progression du commerce mondial, les économies avancées ont connu, le plus souvent, une diminution de leurs parts de marché. Ceci a été le reflet du rattrapage des économies émergentes, la Chine ayant dans le même temps triplé sa part dans le commerce mondial, tandis que les nouveaux pays membres de l'UE la doublaient. De 2,9 p.c. en 1995, la part des exportations belges dans le commerce mondial s'est réduite à 2,1 p.c. en 2008. Avec une croissance annuelle moyenne de 5,4 p.c., l’évolution des exportations de la Belgique est cependant demeurée en retrait, à concurrence de près d’un point de pourcentage, du résultat moyen d'une zone de référence composée de douze pays européens. Les performances de la Belgique ont certes été meilleures que celles de la France et du Royaume-Uni, mais significativement en deçà de celles des Pays-Bas ou de l’Allemagne.

L'évolution des prix relatifs à l’exportation n'explique qu'une partie relativement limitée des performances à l'exportation. Cette constatation, qui vaut également pour les autres pays européens, tient principalement au fait que les exportateurs n’ont guère d’influence sur les prix fixés à l’échelon international, en particulier lorsqu’ils portent sur des biens relativement standardisés. Pour cette même raison, les mouvements des coûts salariaux, comme ceux des autres coûts de production, ne sont que faiblement répercutés dans les prix à l'exportation et sont dès lors principalement contrebalancés par des variations de la marge d'exploitation des entreprises exportatrices.

Au-delà de l'évolution des prix relatifs à l'exportation, des éléments de nature structurelle, comme l’orientation géographique et la spécialisation dans certaines catégories de produits, permettent d'expliquer les performances sur les marchés extérieurs. Comparativement à d’autres économies avancées, la Belgique pèche par sa faible capacité d’adaptation sur ces deux plans. Ses exportations restent notamment encore fort concentrées sur ses marchés traditionnels, en particulier ceux des pays limitrophes, où la demande est relativement moins dynamique. Elle demeure également plus spécialisée dans des produits dont la fabrication requiert de façon prédominante les facteurs travail et capital, produits pour lesquels la demande mondiale a été relativement moins vigoureuse au cours de la période étudiée. Ce sont plus particulièrement les pertes de parts de marché au niveau des produits intensifs en capital qui sont à l’origine des écarts de performance entre la Belgique et d'autres pays européens. La Belgique a en revanche enregistré des gains de parts de marché pour les produits intensifs en recherche et innovation, dans lesquels elle n’est toutefois pas suffisamment spécialisée.
Les données individuelles au niveau des entreprises industrielles belges offrent un autre angle d’analyse pour appréhender l’évolution des performances à l’exportation. Ces données mettent notamment en évidence le fait que la population des entreprises exportatrices s’est réduite au cours de la période étudiée, en particulier entre 2005 et 2007. Elles montrent en outre que les activités d'exportation sont circonscrites à un nombre relativement limité d'entreprises, qui sont souvent plus grandes et plus productives que la moyenne. De fait, l'accès aux marchés étrangers demeure relativement difficile en raison des coûts d'entrée, que seules les entreprises les plus grandes et les plus productives sont en mesures de supporter. Le caractère innovant des produits proposés peut aussi influencer la chance de réussite des entreprises sur les marchés extérieurs. Les entreprises fournissant principalement des biens intensifs en innovation représentent en effet une proportion importante de celles qui parviennent à entrer sur les marchés extérieurs, en particulier sur ceux des pays émergents.

Les exportations de produits incorporant de la recherche et de l'innovation pouvant constituer un facteur de soutien aux exportations globales de la Belgique, il est utile de se pencher sur les efforts des entreprises belges en matière d'innovation. Selon des enquêtes qualitatives réalisées au niveau européen, la proportion d'entreprises, en ce compris les PME, qui se considèrent comme innovantes est plus élevée en Belgique que dans la plupart des pays européens, à l'exception de l'Allemagne. L'innovation est positivement corrélée à la taille de l'entreprise, et est plus fréquente dans l'industrie manufacturière que dans les services.

L'innovation est un facteur clé de déploiement sur les marchés extérieurs: les entreprises innovantes sont plus souvent présentes sur des marchés éloignés que les entreprises non innovantes. En revanche, malgré leurs efforts, les entreprises belges semblent éprouver des difficultés à aller jusqu'au bout du processus d'innovation, ce qui aboutit à des résultats relativement faibles au niveau de la commercialisation de biens et services nouveaux à l'échelle du marché.

Ceci pourrait être le signe d'une dissémination insuffisante de l'innovation – et notamment de la R&D – dans le tissu économique. En effet, parallèlement à la concentration des exportations, les dépenses de R&D sont concentrées dans un nombre limité de grandes entreprises, dont beaucoup sont sous contrôle étranger. La concentration de la R&D revêt aussi une dimension sectorielle; environ la moitié des dépenses de R&D dans l'industrie manufacturière sont réalisées dans les secteurs de la chimie, de la biotechnologie, de la pharmacie et des soins de santé.

En conclusion, plusieurs conditions sont nécessaires pour permettre à un plus grand nombre d’entreprises de mener à bien de manière profitable des activités d’exportation:
- maintenir une évolution raisonnable des coûts de production – notamment des coûts salariaux, sur lesquels les agents économiques belges ont plus directement prise – pour permettre aux entreprises de dégager une rentabilité suffisante pour soutenir leur développement;
- susciter des effets de diffusion plus larges de l'innovation, notamment entre les grandes entreprises actives dans ce domaine et le tissu des PME, et veiller à ce que les efforts d'innovation se traduisent par la commercialisation de produits nouveaux et se différenciant de ceux des concurrents, de manière à subir de manière moins pressante la concurrence par les prix ;
- soutenir la croissance des entreprises et leur ouverture internationale, en réduisant les coûts fixes liés à la prospection des marchés étrangers ou en suscitant des opportunités de contact avec les partenaires étrangers, tant pour trouver de nouveaux débouchés que pour bénéficier de ressources intéressantes en inputs ou en technologie.

Ces actions visant à renforcer la position compétitive des exportations de marchandises de la Belgique doivent s’accompagner d’efforts en vue de favoriser les autres dimensions de la mondialisation, notamment les échanges de services et les investissements directs étrangers. Plus largement, les assises sur lesquelles repose la compétitivité extérieure de l’économie sont en grande partie les mêmes que celles nécessaires à assurer de manière structurelle et soutenable le développement général de l’économie, et faire ainsi progresser le niveau de prospérité.