Communiqué de presse - Normalisation des politiques monétaires: perspectives et divergences

Article publié dans la Revue économique de décembre 2014

Les principales banques centrales de la planète continuent pour l’heure d’afficher des politiques monétaires très accommodantes. Les taux réels à cinq ans restent fortement négatifs et les taux réels à cinq ans dans cinq ans sont largement en deçà de leur moyenne à long terme. Cela étant, les banques centrales des économies avancées ont récemment suivi des trajectoires nettement divergentes. Alors que la politique monétaire a de nouveau été assouplie dans la zone euro, la Réserve fédérale a opté pour un resserrement partiel. Ces évolutions divergentes cadrent avec les situations macroéconomiques et les perspectives distinctes dans les deux zones. Les divergences macroéconomiques induiront également une normalisation asynchrone de la politique monétaire, ce qui est visible dès à présent clairement dans les anticipations de taux d’intérêt des marchés financiers.

Entretemps, la Réserve fédérale prépare activement la sortie de sa politique monétaire très accommodante, sachant que le moment précis et l’annonce du resserrement initial de la politique monétaire demeurent des défis majeurs comme l’ont montré, par le passé, divers épisodes où la volatilité sur les marchés financiers mondiaux a été avivée par des annonces quant au moment de sortie qui les avaient pris par surprise. Aussi, conformément à son dual mandate, le FOMC a fait savoir que l’estimation du degré de sous utilisation de la main d’œuvre et de son incidence sur les évolutions de salaires et de prix serait déterminante pour le rythme de sortie. Le FOMC a par ailleurs communiqué en septembre 2014 les principes relatifs à la normalisation de sa politique monétaire, laissant entrevoir un resserrement de cette dernière par l’utilisation de l’instrument des taux d’intérêt plutôt que par la modification active de la taille et de la composition du bilan de la banque centrale. Dans la zone euro, le cours de la politique monétaire devrait demeurer largement accommodant dans un environnement caractérisé par une grande faiblesse de l’inflation, qui menace en partie l’ancrage des anticipations d’inflation.

La conduite d’une politique monétaire plus restrictive à travers le relèvement des taux d’intérêt alors que subsiste un large excédent de liquidité dans les réserves auprès de la banque centrale constitue une gageure pour la sortie monétaire. Il peut ainsi s’avérer souhaitable du point de vue de la stabilité financière de maintenir l’excédent de liquidité ou de ne le réduire que progressivement alors que les perspectives économiques et d’inflation nécessitent une politique monétaire plus restrictive. Une banque centrale peut dès lors choisir de resserrer sa politique monétaire au sein d’un corridor de taux d’intérêt en relevant le taux plancher. Afin de garantir l’efficacité de ce système dit de taux plancher – c’est à dire d’assurer une transmission optimale des taux directeurs aux taux du marché –, la Réserve fédérale s’est entretemps vu contrainte d’élargir son cadre opérationnel en y ajoutant un taux plancher additionnel, à savoir le taux sur les opérations de prise en pension au jour le jour (overnight reverse repo) accessibles à un plus large éventail de contreparties.

Une normalisation asynchrone des politiques monétaires dans les grandes économies avancées comporte des risques liés à des effets de débordements non souhaités. Ainsi, la seule évocation en mai et en juin 2013 d’une éventuelle réduction des achats d’actifs par la Réserve fédérale avait suscité une vive réaction sur les marchés obligataires à travers le monde. La synchronisation accrue de l’évolution des taux sur les obligations d’État donnait à penser que la zone euro pourrait subir les retombées de potentielles perturbations liées à la normalisation de la politique monétaire américaine. Cependant, depuis la fin de 2013, l’Eurosystème a clairement su affirmer l’indépendance de sa politique monétaire et est parvenu à imprimer une orientation à sa politique monétaire en phase avec les fondamentaux économiques de la zone euro. C’est aussi ce qui ressort de l’évolution du cours de change depuis la mi 2014.