Communiqué de presse - L’impact des taux d’intérêt bas sur les ménages belges

En réaction à la crise financière et à la récession qui ont frappé l’économie mondiale à partir de 2008, la BCE a mis en œuvre une politique monétaire ultra-accommodante. Celle-ci s’est traduite par une baisse sans précédent des taux d’intérêt et par des injections massives de liquidités, ce qui a aussi contribué à l'accroissement des cours des actifs financiers et immobiliers.

Cet environnement particulier a eu une incidence sur le revenu, sur le patrimoine et sur le comportement financier des ménages belges. D’une part, la diminution des taux a considérablement amputé leurs revenus d’intérêts nets, étant donné que leurs revenus d'intérêts se sont fortement repliés tandis que leurs charges d’emprunt sont restées globalement stables proportionnellement à leur revenu disponible. D’autre part, les ménages ont engrangé des effets de valorisation positifs sur leur patrimoine, ce qui a quelque peu atténué l’effet baissier sur les revenus.

D’un point de vue macroéconomique, la baisse des revenus financiers a comprimé le revenu disponible des ménages de manière quasi ininterrompue entre 2009 et 2016. Les ménages n’ont néanmoins pas freiné d’autant leurs dépenses de consommation, mais ont plutôt restreint leur épargne. En érodant les revenus financiers, l’infléchissement des taux a en quelque sorte agi comme un mécanisme redistributif au détriment des ménages dont les revenus proviennent plus largement de leur patrimoine et en faveur de ceux qui ont peu, voire pas, de revenus patrimoniaux et qui tirent l’essentiel de leurs ressources de leur travail.

Les enquêtes microéconomiques confirment que l’environnement de taux d’intérêt bas et de renchérissement des actifs a eu un effet différencié sur les ménages, en fonction de la hauteur et de la composition de leur patrimoine. Ainsi, les ménages les plus nantis, qui disposent d’un patrimoine financier étendu, sont ceux qui ont le plus perdu à la suite du recul des rendements, mais ils sont également ceux qui ont le plus profité d’effets de valorisation positifs, autrement dit de plus-values, sur leurs portefeuilles d’actifs. Les ménages appartenant aux classes de patrimoine intermédiaire, qui sont très souvent propriétaires de leur logement, ont surtout bénéficié de la réduction des charges d’emprunt, qui a largement compensé la moindre rémunération de leur épargne. Enfin, les ménages des quintiles de patrimoine inférieur, qui sont plus rarement propriétaires de leur logement et qui ne disposent que d’une maigre, voire d’aucune, épargne financière, ont été comparativement moins affectés, que ce soit positivement ou négativement, par l’environnement de taux bas.

En ce qui concerne la composition de l’épargne, les nouveaux placements financiers se sont de plus en plus orientés vers des produits associés à un risque supérieur, traduisant une quête de rendement de la part des ménages (« search for yield »). Dans le même temps, les apports nets sur les comptes et dépôts sont demeurés positifs, reflétant une situation caractérisée par un haut degré d’incertitude. Ces derniers placements répondent aux besoins en épargne de précaution des particuliers; ils traduisent peut-être aussi leur temporisation dans l’attente de meilleures opportunités.

L’environnement de taux bas a également stimulé les investissements immobiliers des ménages. Les investissements de rapport, c'est‑à‑dire dans d’autres biens que celui destiné au logement propre, se sont plus particulièrement accrus. Le financement de ces investissements s'est matérialisé par un alourdissement de l’endettement des ménages.

Ces développements pourraient comporter certains risques, comme un risque de défaut de crédit résultant d’un choc négatif sur les revenus des ménages, ou un risque de taux lié à une remontée des taux d’intérêt qui pèserait sur les charges de remboursement de leurs dettes. Ces risques sont susceptibles de toucher davantage certaines catégories de ménages et certains types de crédits, pour lesquels les autorités macroprudentielles ont émis des recommandations spécifiques.