Communiqué de presse - Leçons de la crise: politique monétaire et stabilité financière

Le présent article étudie la relation entre politique monétaire et stabilité financière dans le contexte de la récente crise économique et financière. Il a pour objet de tirer les leçons de l’expérience et d’en examiner les implications pour la politique monétaire. Concrètement, il pose la question de savoir si, outre son mandat en matière de stabilité des prix, la politique monétaire devrait jouer un rôle plus important et plus actif dans la sauvegarde de la stabilité financière. La relation entre politique monétaire et stabilité financière est actuellement la première priorité de la recherche tant théorique que plus appliquée menée par les banques centrales et par les universités. Elle le sera sans doute encore dans les années à venir. Il est dès lors évident que seules des leçons provisoires peuvent être tirées à l'heure actuelle.

La première partie de l'article traite de ce que l'on peut appeler le consensus d'avant la crise sur la politique monétaire à la lumière des principales évolutions économiques des récentes décennies. Ces dernières ont amené la politique monétaire à s'intéresser davantage à la relation entre stabilité des prix et croissance économique, reléguant la question de la stabilité financière à l'arrière-plan. Dans le contexte macroéconomique dit de Grande modération qui prévalait, un consensus clair en termes d'objectifs, de stratégies et de cadre institutionnel s'est dégagé en matière de politique monétaire. Selon le courant dominant, la stabilité financière doit essentiellement tirer profit d'une politique prudentielle appropriée sur les plans de la réglementation et du contrôle.

La stratégie de politique monétaire de l'Eurosystème s'inscrit largement dans ce consensus d'avant la crise. Contrairement à la plupart des autres banques centrales, l'Eurosystème dispose néanmoins d'un cadre stratégique unique à deux piliers, dans lequel le pilier monétaire suit explicitement les évolutions financières. Même si l'analyse monétaire visait initialement à identifier les risques pour la stabilité des prix, elle s'est progressivement davantage intéressée à la stabilité financière. Sur la base de son analyse monétaire, le Conseil des gouverneurs a fait part à plusieurs reprises au cours des années qui ont précédé la dernière crise financière de ses préoccupations concernant l'évolution des prix de l'immobilier dans certains pays de la zone euro.

La seconde partie tire une série de leçons provisoires de la récente crise. Premièrement, elle a montré que la stabilité des prix ne suffisait pas pour maintenir la stabilité financière et, plus généralement, la stabilité macroéconomique. Deuxièmement, si l'ancrage toujours ferme des anticipations d'inflation a aidé les responsables de la politique monétaire à réagir de manière appropriée durant la crise, il est appelé à rester un des éléments clés de la future politique monétaire. Par ailleurs, des études récentes ont révélé l’existence de profils récurrents pouvant contribuer à identifier l'apparition de déséquilibres financiers lors de la phase de formation d’une crise financière grave. Toutefois, il est toujours difficile de repérer les déséquilibres financiers en temps réel. C’est pourquoi des études complémentaires seraient indiquées dans ce domaine.

La question se pose de savoir si, à l'avenir, la politique monétaire doit contribuer davantage au maintien de la stabilité financière et éventuellement recevoir un mandat plus large. Ce débat est encore en cours. Néanmoins, plusieurs lignes de force apparaissent déjà clairement. La stabilité financière devrait en premier lieu profiter d'un renforcement de la politique prudentielle, et notamment de la conduite d'une politique macroprudentielle. En outre, une politique macroprudentielle efficace, réduisant notamment la procyclicité du système financier, facilitera la stabilisation macroéconomique exercée par la politique monétaire et plus spécifiquement la recherche de la stabilité des prix. De plus, le recours à des instruments macroprudentiels spécifiques diminue le risque de voir se poser des dilemmes en termes de politique économique, précisément parce que les deux politiques peuvent évoluer en sens opposés en fonction des circonstances et sont donc à même de faire face à des défis spécifiques. Tel pourrait par exemple être le cas lorsque le système financier présente des vulnérabilités, alors que, sur le plan macroéconomique, des risques haussiers menacent la stabilité des prix. Dans ce cas, la politique macroprudentielle devrait pouvoir être assouplie et la politique monétaire, durcie. À l'inverse, il peut être indiqué, dans certaines circonstances, d'assouplir la politique monétaire tout en durcissant la politique macroprudentielle, notamment en l'absence de pressions inflationnistes, alors que des évolutions critiques menacent le système financier.

En principe, ceci n’implique pas de modification substantielle des cadres de politique monétaire existants. Néanmoins, il semble opportun que la politique monétaire elle-même contribue davantage à la stabilité financière. Surtout, son incidence sur le comportement en matière de risques des différents agents économiques doit être prise en considération. En outre, un poids plus important doit être attribué à l'analyse de l'émergence des déséquilibres financiers. Ceci n'est pas contradictoire avec la priorité du mandat de stabilité des prix, étant donné que la crise a montré que les risques pesant sur la stabilité financière entraînent également à un horizon plus lointain des risques pour la stabilité des prix. Cela suppose toutefois un allongement de l'horizon de la politique monétaire. Si un tel allongement devait effectivement être appliqué, il serait souhaitable qu'une communication explicite soit faite à ce sujet. La stratégie de la politique monétaire en serait ainsi clarifiée et sa responsabilité mieux formulée.