Communiqué de presse - Le comment et le pourquoi d’un taux négatif pour la facilité de dépôt

Article publié dans la Revue économique de septembre 2014

Durant l’été de 2014, l’Eurosystème a abaissé ses projections d’inflation pour la zone euro jusqu’à 2016. Au cours du mois d’août, les marchés financiers ont également indiqué un déclin significatif des anticipations d'inflation à moyen terme. En outre, le recul de l’inflation courante et la baisse d’autres indicateurs conjoncturels, dont le PIB, ont montré que la reprise économique de la zone euro perdait de la vitesse. Face aux risques qu’une période prolongée de faible inflation pourrait faire peser sur le maintien de la stabilité des prix et, plus généralement, sur la relance de l’activité, le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) a décidé, lors de ses réunions de juin et septembre 2014, de prendre une série conséquente de mesures, en ce compris une double diminution des taux directeurs et le passage du taux de la facilité de dépôt de 0 % à -0,1 % dès le 11 juin 2014, puis à -0,2 % à compter du 10 septembre 2014.

Avec ces mesures, l’Eurosystème devient la première banque centrale d’une vaste zone monétaire à ramener son taux directeur plancher en territoire négatif. En termes simples, le taux négatif signifie que les banques doivent payer pour pouvoir déposer leurs liquidités excédentaires auprès de l’Eurosystème. Cette incursion en terrain inconnu se révèle d’autant plus importante à appréhender que l’environnement financier actuel de la zone euro se caractérise par un surplus de liquidités sur le marché monétaire et par une fragmentation persistante du système bancaire.

Étant donné sa double fonction dans la mise en œuvre de la politique monétaire, l’abaissement du taux de la facilité de dépôt en territoire négatif est synonyme d’orientation plus accommodante de la politique monétaire, et il permet de préserver les incitants à prendre part aux transactions interbancaires tout en allégeant le coût de refinancement des banques auprès de l’Eurosystème.

Bien qu’un taux négatif pour la facilité de dépôt implique des rendements plus bas pour les épargnants, une réduction du taux réel est jugée nécessaire afin de soutenir l’activité économique et, partant, l’inflation. De plus, cela permet un retour vers des taux d’intérêt plus élevés dans le futur. L’analyse montre également que les coûts nets de refinancement auprès de l’Eurosystème pour le système bancaire se sont affaiblis depuis le début de juin, et ce même si l’impact dynamique du taux négatif sur la profitabilité des banques est plus difficile à estimer.

Enfin, il convient de noter que l’efficacité de la diminution du taux de la facilité de dépôt sous zéro doit s’évaluer en temps réel en tenant compte des effets d’interaction avec l’ensemble des autres mesures de politique monétaire annoncées en juin et en septembre. En particulier, les opérations ciblées de refinancement à plus long terme démarrant en septembre 2014 sont de nature à favoriser une bonne transmission du taux négatif à l’économie réelle. En outre, combinées aux programmes d’achat de titres adossés à des actifs et d’obligations sécurisées démarrant en octobre, elles sont susceptibles d’augmenter considérablement le surplus de liquidités sur le marché monétaire, et ce conformément à la volonté, exprimée par le Président Draghi, de ramener le bilan de l’Eurosystème aux niveaux du début de 2012.