Communiqué de presse - La croissance potentielle de l’économie belge

Article pour la Revue économique du mois de septembre 2017

La production potentielle (output potentiel) désigne la production qui pourrait être réalisée compte tenu d’une utilisation normale des facteurs de production travail et capital disponibles, autrement dit sans engendrer de pressions inflationnistes. Ce concept est non seulement un domaine d’étude fécond pour les chercheurs, mais il revêt aussi de l’importance pour de nombreux décideurs. Ainsi, on tient généralement compte de la mesure dans laquelle le PIB diverge de la production potentielle (écart de production ou output gap) dans le calcul du solde budgétaire structurel, qui constitue entre autres un concept clé du cadre budgétaire européen. En outre, un écart de production positif persistant peut indiquer que l’économie se trouve en phase de surchauffe, ce qui est susceptible d’alourdir la pression inflationniste et de nécessiter l’intervention des autorités monétaires. Enfin, la production potentielle détermine la vigueur de la croissance d’une économie en équilibre. À cet égard, une croissance potentielle faible et persistante peut être le signe que des réformes structurelles s’imposent.

Contrairement au PIB, la production potentielle n’est pas directement mesurable, mais doit être estimée. Il existe pour ce faire différentes méthodes, dont les résultats sont susceptibles de diverger quelque peu. Cet article examine avant tout l'approche dite de fonction de production, qui permet d’estimer la contribution à la croissance des différents facteurs de production.

En Belgique, comme dans de nombreuses autres économies avancées, la croissance potentielle s’est sensiblement repliée pendant la crise. Bien qu’une légère reprise se soit manifestée récemment, le rythme de croisière d’avant la grande récession, à savoir environ 2 %, n’a pas encore pu être retrouvé. C’est la contribution de la productivité totale des facteurs à la croissance qui a le plus diminué, même si, à côté des effets de la crise, des développements au niveau mondial ont freiné, depuis plus longtemps, structurellement la croissance de la productivité dans les économies avancées. Cependant, des facteurs spécifiques à la Belgique pèsent par ailleurs aussi sur le redressement de la croissance de la productivité. Les composantes travail et capital de la croissance potentielle ont elles aussi reculé pendant la période de crise, même si cette baisse est demeurée plutôt limitée par rapport à celle observée dans d’autres pays de la zone euro. Cette évolution a résulté essentiellement d’un haut degré de protection sur le marché du travail et du fait que la croissance des investissements s’est moins affaiblie que dans ces autres pays.

On s’attend à ce que la croissance (potentielle) continue à l’avenir d’être bridée par le vieillissement de la population. Afin de compenser cet effet négatif du vieillissement et de garantir la prospérité future, il convient de miser sur une amélioration globale des déterminants de la croissance potentielle. Tout d’abord, il subsiste encore une large marge de progression pour continuer d’accroître le taux d’emploi, surtout dans certains groupes cibles (à risque), tels que les travailleurs âgés, les jeunes, les femmes, les peu qualifiés et les ressortissants non européens. De plus, attirer, former et mobiliser efficacement des travailleurs étrangers supplémentaires peut également permettre de lutter contre le vieillissement. Un autre point très important est la relance de la croissance de la productivité et des investissements au moyen de réformes structurelles. Pour créer un environnement dans lequel les investissements et l’innovation peuvent prospérer, il est fondamental de stimuler la culture de l’entrepreneuriat en Belgique ainsi que de simplifier les charges administratives pour les entreprises, la réglementation excessive et la complexité du régime fiscal. De plus, il convient de s’atteler au problème de la mobilité, en investissant de manière ciblée dans l’infrastructure, en rendant les transports en commun plus attrayants et en utilisant les nouvelles technologies.

Depuis la récente crise financière, les méthodes traditionnelles de l’écart de production sont critiquées en raison de leurs difficultés à estimer la situation conjoncturelle et, partant, l’écart de production en temps réel. Cela a particulièrement été illustré par la nécessité de revoir sensiblement a posteriori les premières estimations de l'écart de production durant les années de crise, ce qui a nettement diminué l’utilité de cette mesure pour les décideurs. Dans la littérature, ce phénomène est généralement attribué au fait que les méthodes traditionnelles accordent trop peu d’importance aux cycles financiers. Le concept alternatif de production ‘soutenable’ tente dès lors de tenir compte explicitement de ces cycles dans les variables financières. L'estimation de l’écart de production en Belgique, sur la base d’une telle méthode alternative débouche en effet sur d’autres valeurs, plus élevées avant et durant la grande récession et plus faibles à présent. Cela ne peut toutefois pas être directement imputé à des déséquilibres importants dans l’octroi de crédits et les prix des logements en Belgique durant la période précédant la crise. Il semble donc que cette différence d’estimation découle davantage de l’incertitude générale liée au modèle. De surcroît, dans le cas de la Belgique, l’utilisation du concept de production soutenable ne résout pas le problème lié aux importantes révisions ex post.

De manière plus générale, les estimations de la production et de la croissance potentielles demeurent entourées d’un certain degré d’incertitude et doivent donc être interprétées avec la prudence requise.