Communiqué de presse - Hélicoptère monétaire et relance budgétaire financée par endettement: du pareil au même?

Évoquée pour la première fois il y a près de 50 ans, l’idée d’un « hélicoptère monétaire » a récemment bénéficié d’un regain d’intérêt.  Ce concept se définit au sens large comme une politique dans le cadre de laquelle un accroissement permanent de la base monétaire émise par la banque centrale sert à financer des mesures de relance de la demande agrégée.

Ne cherchant ni à mener un examen précis des modalités possibles de sa mise en œuvre ni à aborder les aspects légaux y afférents, l’article propose plutôt une analyse économique purement conceptuelle portant sur l’efficacité de l’hélicoptère monétaire à stimuler la reprise dans un contexte de taux bas et de croissance atone. En particulier, les effets attendus d’une telle politique sont comparés à ceux des relances budgétaires conventionnelles financées par endettement. De ce cadre de réflexion ressortent aussi clairement les dérives possibles et les limites de la « distribution de monnaie par hélicoptère ». Les principaux enseignements de cet article sont les suivants:

L’hélicoptère monétaire n’est pas gratuit pour les pouvoirs publics: il s’apparente à un financement des dépenses par l’émission de dette publique à court terme.

Même si l’hélicoptère monétaire ne gonfle pas la dette publique brute, la diminution des fonds propres de la banque centrale réduit la position créditrice nette des administrations publiques ou, de façon équivalente, alourdit leur position débitrice nette, puisque la banque centrale émet un instrument de dette, à savoir de la base monétaire. De plus, dans les systèmes monétaires modernes, cette base monétaire est porteuse d’un taux d’intérêt, si bien que, après la mise en place du système, les dynamiques des finances du secteur public consolidé sont également extrêmement comparables dans les scénarios de l’hélicoptère monétaire et du financement par endettement de la relance. Les deux politiques induiront un accroissement des dépenses publiques au titre des charges d’intérêts, par la voie de paiements d’intérêts, soit par la banque centrale sur ses réserves, soit par l’État sur l’encours de sa dette.

L’hélicoptère monétaire est susceptible d’être plus efficace que la relance budgétaire financée par endettement lorsque la banque centrale accepte un rebond temporaire de l’inflation et que les agents privés comprennent que, ce faisant, cette dernière recourt à sa faculté de contrôler la charge financière de l’hélicoptère monétaire.

Le non‑relèvement des taux d’intérêt lorsque l’hélicoptère monétaire relance l’économie constitue toujours une option pour la banque centrale en vue de limiter les coûts – pour le secteur public dans son ensemble – de cette reprise économique, le « prix à payer » dans le cadre de cette stratégie étant une inflation temporairement plus élevée. Même si une telle remontée de l’inflation pourrait également s’inscrire dans le scénario de la relance budgétaire conventionnelle, son implémentation et sa compréhension par le grand public pourraient être plus aisées dans le scénario de l’hélicoptère monétaire, où la banque centrale est véritablement partie prenante de l’impulsion budgétaire et où l’hélicoptère monétaire sert donc de dispositif d’engagement.

Dans la pratique, la bonne mise en œuvre d’un hélicoptère monétaire poserait de nombreux défis, notamment aux fins de protéger l’économie contre le risque éventuel de tomber dans une spirale inflationniste explosive.

Pour être totalement efficace et éviter une situation où la banque centrale n’a d’autre choix que d’abandonner son mandat de stabilité des prix, l’hélicoptère monétaire nécessiterait incontestablement d’importants capitaux propres initiaux de la banque centrale, une coordination robuste entre la banque centrale et l’État, ainsi qu’une communication appropriée. Cette solide coopération serait loin d’être triviale, dans la mesure où elle devrait absolument s’opérer sans préjudice de l’indépendance de la banque centrale. En outre, mener une telle politique pourrait, par exemple dans le cas de la zone euro, soulever de sérieuses questions  de compatibilité avec le principe d’interdiction du financement monétaire inscrit dans le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.