Communiqué de presse - Facteurs expliquant le ralentissement de la croissance des économies émergentes

Au cours de la décennie passée, les économies de marché émergentes ont connu une période de croissance impressionnante, qui a fait grimper leur part dans le PIB mondial. Ces dernières années, toutefois, la croissance observée sur les marchés émergents a considérablement ralenti, et elle devrait rester atone à l’avenir. Comme les marchés émergents représentent désormais une proportion plus importante de l’économie mondiale, un ralentissement plus prolongé dans ces économies entraînera des conséquences plus graves que par le passé. Certains avancent que cela pourrait même contribuer à ouvrir une période, baptisée « new mediocre », faite de taux de croissance modérés sur l’ensemble de l’économie de la planète.

La finalité du présent article est de mettre en évidence plusieurs facteurs structurels des marchés émergents qui peuvent expliquer leur ralentissement synchronisé de même que les prévisions de croissance plus modestes. Le rééquilibrage de la croissance en Chine, première économie de marché émergente en taille et celle qui a enregistré la croissance la plus rapide au cours des dernières décennies, constitue un élément important à cet égard. Les performances économiques impressionnantes de la Chine reposaient largement sur les investissements et les exportations, mais à mesure que sont apparus des déséquilibres et des vulnérabilités, elles ont été jugées intenables à plus long terme. Les autorités chinoises ont dès lors entrepris une réforme d'ensemble dont l’objectif est d’évoluer vers un modèle de croissance alimenté par la consommation, s’appuyant davantage sur les secteurs des services, les entreprises innovantes, le développement des infrastructures et l’économie verte. Le bilan des progrès réalisés en matière de rééquilibrage de l’économie s’établit à ce stade en demi‑teintes. La croissance économique est en perte de vitesse depuis 2011 et a une incidence sensible tant sur les autres économies émergentes que sur les économies avancées.

La récente chute des prix des matières premières trouve en partie son origine dans l’évolution de la Chine, devenue l’un des plus gros consommateurs mondiaux de métaux et de pétrole. La dégringolade des prix des matières premières, et plus particulièrement des cours du pétrole, depuis la mi‑2014, modifie la dynamique de croissance à la fois des importateurs et des exportateurs de matières premières. Si la baisse des prix des matières premières stimule la demande intérieure pour les premiers, les seconds sont confrontés à un choc négatif sur les termes de l’échange, néfaste pour la croissance du PIB. Les investissements étant réduits en conséquence, la croissance potentielle des exportateurs de matières premières est également touchée. L’endettement constitue un autre facteur de nature à influencer la croissance dans les économies de marché émergentes. L’article se concentre sur les conséquences du gonflement excessif de l’endettement du secteur privé en Europe centrale et orientale à l’approche de la crise. La crise financière a induit une brusque interruption du financement externe dans la région, et la croissance du crédit intérieur a dégringolé des sommets qu’elle avait atteints avant la crise. Consécutivement à l’interruption du crédit, les taux d’investissement ont également chuté et sont demeurés faibles depuis lors. Nonobstant les spécificités du cycle d’expansion et de contraction du crédit dans la région, les marchés émergents dans d’autres régions, qui semblent rester à la traîne dans le cycle, pourraient se voir confrontés à des défis similaires à l’avenir. La transformation de la structure des chaînes de valeur mondiales constitue un autre facteur contribuant au ralentissement de la croissance des marchés émergents. La croissance rapide et la complexité des chaînes de valeur mondiales observées depuis la fin des années 1980 ont été favorisées par les évolutions technologiques, la diminution des frais de transport et la réduction des entraves commerciales, et ont soutenu la croissance du commerce mondiale au cours des 20 dernières années. Cependant, l’allongement des chaînes de valeur mondiales semble avoir pris fin, contribuant ainsi à une décélération de la croissance du commerce par rapport à celle du PIB.

Enfin, deux autres facteurs pourraient jouer un rôle à plus moyen terme. Premièrement, le ralentissement actuellement observé dans nombre d’économies émergentes est, en réalité, un phénomène récurrent dans l’histoire économique. Des expériences internationales sur une période plus longue montrent en effet qu’il est assez courant que les pays émergents et en développement subissent une période prolongée de faible croissance après plusieurs années de forte croissance. Appelé « piège du revenu intermédiaire », ce phénomène est attribuable en grande partie à un ralentissement de l'augmentation de la productivité. Deuxièmement, la disparition progressive du dividende démographique sur certains marchés émergents pourrait, à l’avenir, influencer la croissance dans ces économies.

La conjonction de tous ces facteurs – même s’ils ne sont pas identiques pour toutes les régions – contribue à un ralentissement plus prolongé dans les économies de marché émergentes. Qui plus est, dans la mesure où les fondamentaux macroéconomiques des marchés émergents ne semblent plus aussi solides que juste après la crise financière mondiale, le sentiment du marché s’est modifié. En témoignent les récentes turbulences sur les marchés financiers et le ralentissement des flux de capitaux vers les économies de marché émergentes. Il conviendra de renforcer les fondamentaux et d’accélérer d’autres réformes afin d’éviter de tomber dans le piège du revenu intermédiaire et de revenir à la volatilité des années 1980 et 1990.