Communiqué de presse - Déséquilibres mondiaux et flux bruts de capitaux

Le solde de la balance des opérations courantes est un indicateur établi de longue date de la vulnérabilité externe d’une économie. Ainsi, les pays qui présentent un déficit du compte courant et ont accumulé une position débitrice nette sont jugés sensibles à un revirement des flux de capitaux (sudden stop), et il peut en découler un ajustement pénible pour l’ensemble de l’économie. La forte hausse des déséquilibres mondiaux qui s’est produite à la veille de la crise financière – et qui résultait principalement d’une part des déficits qui ne cessaient de se creuser aux États Unis et d’autre part des excédents constitués en Chine et dans les pays exportateurs de matières premières – a donc été suivie avec une certaine préoccupation. Selon la théorie de l'épargne excédentaire, le déficit américain a été financé par les excédents courants des pays asiatiques, tandis que la zone euro, qui affichait vis à vis de l’extérieur une position très proche de l’équilibre, ne semblait pas jouer de rôle dans cette analyse.

L’issue de cette crise – à savoir l’absence de sudden stop envers les États Unis, les lourdes pertes subies par le secteur bancaire européen en raison de son exposition aux États Unis et le fait que les pays asiatiques excédentaires s’en soient sortis relativement indemnes sur le plan financier – a toutefois mis au jour les failles de ce cadre d’analyse. En outre, les déséquilibres mondiaux et, avec eux, les vulnérabilités qui y sont associées, ont fortement diminué depuis l’éclatement de la crise financière, une diminution qui a contribué à ce que l’attention des forums internationaux où se discute l’orientation des politiques économiques se porte en priorité sur la mise en place d’un cadre financier plus sûr. La littérature économique récente a également porté un intérêt croissant à l’évolution et à la composition des positions et des flux bruts internationaux de capitaux.

Depuis le milieu des années 1990, les flux bruts internationaux de capitaux ont en effet enregistré une nette progression, ce qui a engendré une accumulation sans précédent d’actifs et de passifs internationaux bruts. La forte expansion des flux bruts internationaux de capitaux, même si elle peut présenter des avantages, constitue néanmoins une source de risques supplémentaires en matière d’inadéquations sur les plans de l'exposition aux risques de change, de durée et de liquidité, qui ne sont pas toujours pris en considération par les concepts nets. Ainsi, il apparaît, à la lecture des statistiques de la balance des paiements des États-Unis, que les entrées brutes de capitaux étrangers provenaient essentiellement d’Europe et, dans une mesure limitée seulement, des pays asiatiques affichant un excédent courant. L’analyse des flux bruts de capitaux permet donc de déceler d’autres sources de fragilité que celles identifiées à l’aide du solde du compte courant.
Il n’en reste pas moins que les positions et flux nets continuent à jouer un rôle nécessaire dans l’analyse de la vulnérabilité externe d’une économie. C’est ainsi que la crise européenne de la dette souveraine a montré que si les banques dans les pays dits du centre de la zone euro, tels que l'Allemagne, la France, la Belgique et les Pays-Bas, ont bien accumulé d’importants actifs dans les pays périphériques, elles se sont financées ailleurs, les pays périphériques sont ainsi devenus des importateurs nets de capitaux et étaient donc, comme il s’est avéré, sensibles à un sudden stop.

Une analyse similaire de la période récente de volatilité sur les marchés financiers des économies émergentes indique également l’importance de l’utilisation de concepts tant bruts que nets dans l’évaluation de la vulnérabilité d’une économie. En effet, au cours de la dernière décennie, les marchés financiers des économies émergentes se sont, eux aussi, considérablement approfondis. L’intérêt croissant d’investisseurs étrangers a joué un rôle important à cet égard; ainsi, ce sont notamment eux qui ont permis le développement de nouvelles classes d’actifs. Parallèlement, la présence accrue d’investisseurs étrangers peut toutefois concourir à amplifier la volatilité sur les marchés financiers des économies émergentes, et ce principalement lorsque le climat est défavorable et que les investisseurs se mettent à prendre davantage en compte les vulnérabilités économiques et financières spécifiques aux pays. Cette analyse révèle que les variables qui étaient déterminantes pour la récente volatilité sur les marchés financiers ont évolué au fil du temps. Alors qu’au départ, les investisseurs ont retiré leur capital des économies émergentes présentant des positions ou des flux débiteurs bruts volatils élevés, ils ont par la suite opéré une plus grande différenciation entre les économies émergentes présentant des fondamentaux solides et celles affichant des fondamentaux fragiles (notamment le solde du compte courant).

En continuant à établir et à publier des statistiques en matière de taille et de composition des positions et des flux bruts de capitaux, l’on contribuera indéniablement à identifier plus rapidement les éventuelles inadéquations dans le plan des bilans. Ceci peut aider les instances compétentes à définir et à mettre en œuvre des mesures ciblées pour s’attaquer à ces vulnérabilités.