Communiqué de presse - Décomposition de la dynamique des écarts de taux souverains dans la zone euro

Au cours de la phase la plus intense de la crise de la dette souveraine, les rendements des obligations souveraines à long terme de la zone euro ont atteint dans certains États membres des niveaux qui n’avaient plus été observés depuis le début de l’Union économique et monétaire. De même, les écarts de taux souverains par rapport au Bund allemand, une mesure essentielle du risque souverain, se sont sensiblement creusés durant la crise. Cependant, ces rendements sont aujourd’hui retombés à des étiages historiques, de même que ces écarts de taux ont grandement diminué, même si ces derniers continuent d’afficher des valeurs significatives, en particulier pour les pays de la périphérie de la zone euro.

Dans cet article, nous analysons l'impact de ces amples variations et de la crise de la dette souveraine sur plusieurs secteurs de l'économie, et nous nous focalisons ensuite sur l’étude des primes de risque (et donc des écarts de taux) qui se sont matérialisées sur les marchés de la dette souveraine pendant cette crise. Outre les administrations publiques des pays respectifs, d'autres secteurs ont également été touchés par la crise de la dette. Ainsi, les banques ont vu leurs propres conditions de financement se resserrer. De plus, dans la zone euro, les ménages et les sociétés non financières ont été confrontés à un durcissement des conditions de crédit, qui s’est notamment traduit par un élargissement des marges sur les nouveaux prêts bancaires.

Pour comprendre la transmission des tensions sur les marchés de la dette souveraine à l’économie réelle (ménages et entreprises non financières), nous décomposons la dynamique des écarts de taux souverains ‑ qui reflètent diverses primes de risque ‑ à l’aide d’un modèle macrofinancier. Nous examinons les contributions de divers types de facteurs, dont principalement les facteurs économiques fondamentaux (tels que la croissance du PIB ou le ratio de la dette publique au PIB) et les facteurs non fondamentaux (comme le risque de redénomination, c.‑à‑d. le risque qu’un État membre quitte la zone euro). Il ressort, entre autres, de nos estimations que les écarts de taux souverains ont dans une large mesure été déterminés par des facteurs fondamentaux, bien qu’ils aient également été affectés de manière non négligeable par des risques non fondamentaux. Il apparaît que le risque de redénomination, notamment, a nettement contribué aux écarts de taux souverains des États périphériques de la zone euro durant la crise de la dette souveraine.

Étant donné l’importance du marché de la dette souveraine pour la transmission de la politique monétaire, le rôle joué par la BCE vis-à-vis des évolutions des écarts de taux souverains est également mis en exergue dans cet article. Nous montrons à ce sujet l’efficacité du programme des OMT de la BCE (annoncé en septembre 2012), lancé pour s’attaquer au risque de redénomination: à la mi‑2014, les composantes non fondamentales des écarts de taux semblaient avoir fortement diminué en Belgique, en Espagne et en Italie. Par ailleurs, la BCE a également lancé en juin 2014 un programme d’opérations de refinancement à plus long terme ciblées (TLTRO), tout comme elle a étendu en janvier 2015 son programme d’achat d’actifs (APP), et ce afin d’encourager les banques à prêter davantage aux ménages et aux sociétés non financières et de ramener l’inflation vers des niveaux inférieurs à, mais proches de, 2 %.

Depuis l’annonce et la mise en œuvre de ces mesures non conventionnelles de politique monétaire, les écarts de taux souverains et leur composante non fondamentale ont continué de s’amenuiser dans les trois pays susmentionnés. En avril 2015, la contribution des composantes non fondamentales semblait minime dans les trois pays. Cependant, celle des composantes économiques fondamentales semble toujours significative en Espagne et en Italie. Par conséquent, les écarts de taux souverains pourraient encore se resserrer si les facteurs économiques fondamentaux venaient à s’améliorer structurellement, exerçant potentiellement des effets dérivés favorables sur les coûts du crédit pour les ménages et les sociétés non financières.