Communiqué de presse - Ce que l’évolution de l’inflation nous apprend sur la courbe de Phillips : implications pour la politique monétaire
Article publié dans la Revue économique de décembre 2013
Malgré la baisse récente de l’inflation, le niveau d’inflation est demeuré étonnamment stable dans la zone euro dans le prolongement de la récente crise économique et financière. Bien qu’elle se soit légèrement repliée en moyenne, l’inflation n’est pas tombée à des niveaux exceptionnellement bas. Cette évolution relativement stable est remarquable compte tenu de l’ampleur – sur le plan tant de la gravité que de la durée - de la crise. En effet, les théories économiques traditionnelles et les observations historiques montrent qu’une forte contraction de l’activité économique comprime sensiblement l’inflation. Les récents développements suggèrent donc que cette évolution cyclique traditionnelle de l’inflation est aujourd’hui moins prononcée.
L'article s’attelle à identifier les facteurs à l’origine du recul de la cyclicité de la dynamique de l’inflation. Il démontre notamment comment l’incidence relative des différents déterminants de l’inflation a évolué au cours des années. Pour ce faire, une courbe de Phillips à paramètres variables dans le temps est estimée pour la zone euro sur la période 1980-2013, à l’aide d’un filtre Kalman et de techniques bayésiennes.
Les résultats des estimations suggèrent que le recul de la cyclicité de l’inflation résulte d’une combinaison de trois facteurs. Tout d’abord, au cours des trois dernières décennies, l’inflation a dans une plus grande mesure été influencée par ses anticipations de long terme et dans une moindre mesure par les valeurs d’inflation antérieures. Ce phénomène, ainsi qu’un ancrage plus solide des anticipations d’inflation, engendrent un meilleur ancrage de l’inflation à l’objectif de politique monétaire. Ces constats peuvent être associés à une politique monétaire qui, après la stagflation des années 1970, s’est de plus en plus axée sur le maintien de la stabilité des prix. Ensuite, la sensibilité de l'inflation dans la zone euro aux prix à l'importation présente une tendance à la hausse, qui peut s'expliquer notamment par l'ouverture accrue de l'économie de la zone euro. Enfin, la pente de la courbe de Phillips se réduit à mesure que l’on examine des périodes plus récentes. La littérature actuelle ne donne pas d’explication définitive de l’aplatissement de la courbe de Phillips. Certains l’attribuent à des ajustements structurels dans l’économie, tels que la mondialisation, alors que d’autres pointent des modifications dans la conduite de la politique monétaire.
Les changements observés dans la dynamique de l’inflation peuvent avoir plusieurs implications pour la conduite de la politique monétaire. Ainsi, la constatation d’un meilleur ancrage de l'inflation à la définition de la stabilité des prix adoptée par la banque centrale suggère que l'efficacité de la politique monétaire par la voie traditionnelle des taux d’intérêt s’est accrue au cours des dernières décennies. En effet, dans un environnement caractérisé par une faible volatilité de l'inflation et des anticipations d'inflation, la banque centrale peut orienter les taux d'intérêt réels de manière plus contrôlée par l'intermédiaire de son taux directeur (nominal). Ce contrôle amélioré se montre surtout avantageux lorsque les taux directeurs s'approchent de leur plancher. L’aplatissement de la courbe de Phillips a également des implications pour la politique monétaire. Dans le cas de chocs de demande, l'aplatissement de la courbe de Phillips semble réduire la valeur informative des variations de l'inflation. En effet, en pareille situation, de faibles écarts de l'inflation par rapport à la cible peuvent dissimuler d'importants déséquilibres réels. Par ailleurs, en cas de chocs d’offre, l’aplatissement de la courbe de Phillips accroît l’arbitrage à court terme entre la stabilisation de l'inflation et l'activité économique, ce qui incite à réaliser une analyse approfondie de la nature des chocs qui influencent l’inflation.