Ampleur et dynamique de l’endettement en Belgique et dans la zone euro

Article publié dans la Revue économique de juin 2013

La crise financière actuelle a une fois de plus démontré que la procyclicité inhérente à l'octroi de crédits peut donner lieu à des cycles financiers susceptibles d'avoir un impact substantiel sur l’économie réelle. En période de boom processus auto-amplificateur de hausse des prix des actifs, d’assouplissement de l'octroi de crédits et d’augmentation de l'endettement , il se constitue des déséquilibres tellement importants qu'il s'ensuit un bust sous la forme d'un cercle vicieux de baisse des prix des actifs, de durcissement de la politique d’octroi de crédits, et de réduction du taux d'endettement. Bien qu’une expansion du crédit ne débouche pas systématiquement sur un bust, un taux d'endettement excessif ou une accumulation excessive de dettes sont généralement de nature à peser lourdement lors du revirement. Le retournement de tendance s'accompagne bien souvent d'une crise financière qui non seulement menace la stabilité financière mais débouche par ailleurs sur une récession longue et profonde.

Dans ce contexte, le présent article analyse l'ampleur et la dynamique du taux d'endettement des différents secteurs non financiers en Belgique et dans la zone euro. En raison de l'accélération considérable de l'endettement du secteur privé comme du secteur public au cours de la décennie écoulée, le taux d'endettement brut total consolidé du secteur non financier se situe, tant pour la Belgique que pour la zone euro, à un niveau historiquement élevé. Pour la Belgique, il est passé de 224 % du PIB au début de 1999 à 249 % du PIB à la fin de 2012, et pour la zone euro de 173 % du PIB à 233 % du PIB. L’ampleur de la dette et l'accélération de l'endettement due en grande partie à l’accès aisé à un financement bon marché, à la hausse des prix des logements et à la vive progression des investissements en capital fixe diffèrent toutefois fortement d'un pays à l'autre ainsi qu’en fonction du secteur. À la fin de 2012, le taux d'endettement des ménages belges était toujours inférieur à celui de la zone euro, même si l'écart s'est réduit au cours des dernières années. Le taux d'endettement consolidé des sociétés non financières belges a lui aussi augmenté plus sensiblement qu'en moyenne dans la zone euro, mais cet accroissement est essentiellement imputable aux crédits octroyés par des sociétés non financières étrangères liées à des entreprises en Belgique, phénomène qui s'explique par la présence importante de holdings non financiers et de sociétés de financement d'entreprises multinationales. S'agissant de la dette publique, les résultats de la Belgique sont moins bons: même si le taux d'endettement n'a pas augmenté fortement, il dépasse toujours la moyenne de la zone euro.

L’article cherche ensuite à déterminer si des risques macroéconomiques sont liés aux endettements actuels. Une analyse de soutenabilité des endettements des secteurs non financiers permet d’identifier les pays et les secteurs où la nécessité d'un assainissement du bilan est la plus criante. À cet égard, l’analyse considère, outre le niveau de l’endettement et la vitesse à laquelle il se constitue, toute une série d'autres facteurs, telles la part de la dette à court terme, l'ampleur des charges d'intérêts et la valeur des actifs financiers dont disposent les secteurs concernés. Selon une telle analyse multidimensionnelle, la Belgique se classe dans la moitié la plus forte des pays de la zone euro, en raison surtout de la position financière du secteur privé non financier, alors que le Portugal, l'Irlande, la Grèce et Chypre apparaissent comme les pays les plus vulnérables.

Dans plusieurs de ces pays, de même qu'en Espagne, un certain désendettement des ménages et, dans une moindre mesure, des sociétés non financières s'esquisse depuis la mi 2010. Il ne fait toutefois guère de doute qu'une série de pays de la zone euro vont devoir (continuer de) réduire leur taux d'endettement au cours des années à venir. Il serait opportun que ce processus de désendettement soit progressif, de manière à freiner le fonctionnement de l'accélérateur financier et à limiter l’incidence négative sur la croissance du PIB. Dans le contexte actuel, il s'agit d'un point d’attention important dans la mesure où cette incidence négative ne peut pas ou guère être compensée par une politique monétaire plus expansionniste, une politique budgétaire fortement contracyclique ou une demande extérieure plus dynamique. Le maintien et/ou l'augmentation du potentiel de croissance structurelle économique reste la principale alternative, et constituera le moteur d'un désendettement passif tendanciel et contrôlé, tiré par une croissance plus vive du PIB. C'est la raison pour laquelle il faut s'efforcer dans la zone euro d'améliorer la compétitivité, de remédier à la fragmentation financière (notamment par la voie de l'union bancaire) et de rétablir la confiance.