Transferts de fonds: commentaires et recommandations de la BNB

1. La réglementation européenne en matière de transfert de fonds

L’objectif de la règlementation européenne en matière de transfert de fonds est de prévenir que les systèmes de paiements puissent être utilisés pour blanchir des capitaux ou assurer le financement du terrorisme.

1.1. Règlement 2015/847

Les transferts de fonds sont régis par le Règlement (UE) 2015/847 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 sur les informations accompagnant les transferts de fonds (ci-après « Règlement 2015/847 ») qui a abrogé l’ancien règlement (CE) 1781/2006.  Ce Règlement 2015/847 a pour objectif de garantir la traçabilité des paiements et de spécifier les obligations des différents prestataires de services de paiement intervenant dans les transferts de fonds.

Plus précisément, le Règlement 2015/847 établit les règles relatives aux informations sur les donneurs d’ordre et sur les bénéficiaires de transferts, qui doivent accompagner les transferts de fonds, dans quelque monnaie que ce soit, lorsqu’au moins un des prestataires de services de paiement intervenant dans le transfert de fonds, est établi dans l’Union européenne.

Il définit les obligations des institutions financières lorsqu’elles interviennent en qualité :

  1. de prestataires de services de paiement (« PSP ») des donneurs d’ordres de transferts de fonds ;
  2. de PSP des bénéficiaires de ces transferts ; et
  3. de PSP intermédiaires intervenant dans l’exécution de ces transferts (« PSPI »).

1.2. Les orientations de AES

Le Règlement 2015/847 a été complété par les orientations communes des AES relatives aux mesures que les prestataires de services de paiement doivent prendre à l’égard des transferts de fonds qu’ils reçoivent pour détecter des informations manquantes ou incomplètes sur le donneur d'ordre ou le bénéficiaire, ainsi que les procédures devant être mises en place pour gérer un transfert de fonds reçu qui n'est pas accompagné des informations requises.

Le paragraphe 1, a), de ces orientations précise que celles-ci s’appliquent :

  1. aux institutions financières intervenant en tant que PSP, tels que définis à l’article 3, paragraphe 5, du règlement 2015/847, lorsqu’ils agissent en tant que PSP du bénéficiaire ; et
  2. aux institutions financières intervenant en tant que PSPI, tels que définis à l’article 3, paragraphe 6, du règlement 2015/847.

La BNB recommande donc aux institutions financières qui agissent en qualité de PSP des bénéficiaires et/ou de PSPI visés ci-dessus de tenir pleinement compte des orientations communes des AES précitées, notamment, pour déterminer :

  • les facteurs qu’ils doivent prendre en compte lors de l'élaboration et de la mise en œuvre des procédures de détection et de gestion des transferts de fonds qui ne comportent pas les informations requises sur le donneur d’ordre et/ou le bénéficiaire ; et
  • les mesures qu’ils doivent prendre pour gérer le risque de BC/FT lorsque les informations requises sur le donneur d’ordre et/ou le bénéficiaire sont manquantes ou incomplètes.

La BNB relève cependant que les considérations générales énoncées aux paragraphes 8 à 20 de ces orientations sont également pertinentes dans le chef des institutions financières intervenant en qualité de PSP du donneur d’ordre. Elle s’attend dès lors à ce que les institutions financières tiennent aussi pleinement compte desdites considérations générales dans la définition et la mise en œuvre de leurs politiques, procédures et mesures de contrôle interne relatives à leurs activités en qualité de PSP des donneurs d’ordre.

2. Obligation de se doter d’un système de surveillance

Conformément à l’article 23 du Règlement BNB anti-blanchiment, les institutions financières doivent mettre en œuvre un système de surveillance permettant de s’assurer du respect des dispositions du Règlement 2015/847. 

Le système de surveillance a plus particulièrement pour objet de s’assurer que tous les transferts de fonds reçus en qualité de PSPI ou de PSP des bénéficiaires comportent systématiquement les informations complètes qui sont requises en vertu du Règlement 2015/847 concernant le donneur d’ordre et le bénéficiaire du transfert de fonds.

2.1. Champ d’application de l’obligation de se doter d’un système de surveillance

L’obligation de se doter d’un système de surveillance en matière de transferts de fonds s’applique aux institutions financières lorsqu’elles fournissent des services de paiement (notamment en qualité de PSP du bénéficiaire ou en tant que PSPI).

2.2. Attentes de la BNB concernant le système de surveillance

D’une part, la BNB s’attend à ce que chaque institution financière intervenant en qualité de PSP du donneur d’ordre mette en œuvre des mécanismes efficaces de contrôle interne lui permettant de s’assurer de manière systématique que tous les transferts de fonds pour lesquels elle intervient en cette qualité sont accompagnés des informations relatives au donneur d’ordre et au bénéficiaire de l’opération, conformément aux articles 4 à 6 du Règlement 2015/847. La BNB s’attend à ce qu’un transfert de fonds ne soit pas exécuté lorsque les informations requises sont absentes ou incomplètes.

D’autre part, lorsque l’institution financière intervient en qualité de PSPI ou de PSP du bénéficiaire, le Règlement BNB anti-blanchiment prévoit que le système de surveillance des transferts de fonds reçus doit :

  1. couvrir l’intégralité des comptes et contrats des clients et de leurs opérations ;
  2. permettre une détection rapide des éventuelles infractions aux dispositions du Règlement 2015/847 ;
  3. être automatisés, sauf si l’institution financière assujettie peut démontrer que la nature, le nombre et le volume des opérations à surveiller ne le requièrent pas ; et
  4. faire l’objet d’une procédure de validation initiale et d’une mise à jour régulière.

La BNB s’attend à ce que ce système de surveillance permette d’exercer efficacement l’ensemble des contrôles décrit par les orientations communes précitées des AES, dans les conditions qu’elles précisent, afin qu’une alerte soit générée lorsque des transferts de fonds reçus ne sont pas accompagnés de toutes les informations requises conformément au Règlement 2015/847, et afin que l’institution financière puisse mettre en œuvre les mesures requises de gestion des transferts de fonds pour lesquels des informations sont manquantes ou incomplètes ou contiennent des caractères ou des éléments inadmissibles.

Par ailleurs, il est attendu de l’institution financière, conformément aux articles 8, § 2, et 12, § 2, du Règlement 2015/847, qu’elle informe la BNB des cas dans lesquels un PSP omet de manière répétée de fournir les informations requises sur le donneur d’ordre ou le bénéficiaire, ainsi que des mesures qu’elle a prises en conséquence. Afin d‘évaluer quand un PSP devrait être considéré comme « omettant de manière répétée » de fournir les informations requises, il est renvoyé aux critères quantitatifs et qualitatifs fixés dans les orientations communes des AES (voir les §§ 47 et suiv.). Celles-ci énumèrent par ailleurs les éléments d’information qui sont à fournir, le cas échéant, aux autorités de surveillance compétentes. Ces informations doivent, en l’occurrence, être communiquées à l’équipe de contrôle LBC/FT de la BNB à l’adresse suivante : [email protected]. La BNB en informera elle-même, par la suite, l’ABE.

2.3. Gestion des alertes générés par le système de surveillance

La BNB considère que la gestion adéquate, conformément au Règlement 2015/847 et aux orientations communes précitées, des alertes générées par le système de surveillance visé ci-dessus relève de la responsabilité de l’AMLCO.

Dans un souci d’efficacité, les procédures internes de l’institution financière peuvent charger ses services opérationnels de procéder à une analyse préliminaire des alertes générés par le système de surveillance relatif aux transferts de fonds afin de s’assurer de leur pertinence apparente.  Lorsque cette analyse préliminaire ne permet pas de conclure qu’il s’agit de fausses alertes, les opérations concernées doivent être déférées à l’AMLCO en vue de déterminer les mesures de gestion de ces alertes qui doivent être appliquées conformément Règlement 2015/847, aux orientations communes des AES et aux procédures internes.

En outre, l’AMLCO doit, sous sa responsabilité, mettre en place un processus d’analyse dans les plus brefs délais des alertes générées par les systèmes de surveillance relatif aux transferts de fonds afin de déterminer, conformément aux articles 9 et 13 du Règlement 2015/847, s’il existe ou non des soupçons de BC/FT. Pour plus d’informations concernant ce processus d’analyse, il est renvoyé aux pages web « Analyse des opérations atypiques » et « Déclaration de soupçons ». Il est également renvoyé à cet égard aux paragraphes 44 à 46 des orientations communes des AES en la matière.

D’une manière générale, la BNB recommande en outre aux institutions financières de veiller à ce que, conformément au Règlement 2015/847, toutes les décisions et mesures de suivi qui sont prises (ainsi que les raisons à la base des décisions prises) soient consignés par écrit.

3. Politique et procédures internes en matière de transferts de fonds

3.1. Intégration des aspects ‘transferts de fonds’ dans la politique LBC/FTP de l’institution financière

La BNB attend de toutes les institutions financières qu’elles déterminent, dans leur politique en matière de LBC/FTP prise en application de l’article 8 de la Loi anti-blanchiment, leur stratégie concernant :

  1. le respect des obligations relatives aux informations devant accompagner les transferts de fonds exécutés pour le compte de leurs clients donneurs d’ordres ;
  2. la gestion des transferts de fonds reçus en qualité de PSPI ou de PSP des bénéficiaires pour lesquels les informations requises sont manquantes ou incomplètes ou contiennent des caractères ou des éléments inadmissibles; et
  3. l’identification des PSP ou PSPI qui omettent de manière répétée de fournir les informations requises et les mesures à prendre à leur égard.

Par application du principe de proportionnalité, si l’institution financière concernée est spécialisée en matière de services de paiement, la politique précitée doit être plus détaillée. 

3.2. Mise en place d’une procédure relative à la surveillance des transferts de fonds

Comme indiqué à la page web « Politique, procédures, processus et mesures de contrôle internes », toutes les institutions financières qui opèrent des transferts de fonds doivent mettre en place une procédure relative à la surveillance des transferts de fonds, tenant compte notamment des orientations communes précitées des AES.

Cette procédure doit organiser les éléments suivants :

  • les mesures de contrôle interne mises en œuvre pour s’assurer que les transferts de fonds exécutés pour le compte de leurs clients donneurs d’ordres sont accompagnés de toutes les informations requises ;
  • les critères et le processus de sélection des transferts de fonds reçus en qualité de PSP du bénéficiaire ou de PSPI qui doivent faire l’objet d’un contrôle en temps réel et de ceux qui peuvent être contrôlés a posteriori
  • le processus d’analyse, de décision et de gestion quant aux mesures à prendre conformément aux articles 7 et 8, § 1er, du Règlement 2015/847 et des orientations communes précitées, lorsque l’institution financière intervient en qualité de PSP du bénéficiaire, et aux articles 11 et 12, § 1er, lorsque l’institution financière intervient en qualité de PSPI, dans les cas où son système de surveillance des opérations mis en œuvre détecte un transfert de fonds reçu qui n'est pas accompagné des informations complètes requises sur le donneur d'ordre et le bénéficiaire ; la BNB s’attend à ce que ces institutions financières mettent en place un système opérationnel leur permettant de procéder de manière immédiate, lorsque cela s’impose, à un rejet dudit transfert de fond.
  • le processus de détection des prestataires de services de paiement des donneurs d’ordre ou intermédiaires des transferts de fonds reçus qui omettent de manière répétée de fournir les informations requises sur le donneur d'ordre ou le bénéficiaire, et le processus de décision quant aux mesures à prendre dans ce cas conformément aux articles 8, § 2, et 12, § 2, du Règlement 2015/847;
  • le processus visant à soumettre les transferts de fonds reçus sans être accompagnés des informations requises à l’examen de l’AMLCO, conformément aux articles 9 et 13 du Règlement 2015/847, afin de déterminer s’il existe des soupçons de BC/FT ; il est également renvoyé à la page « Déclaration de soupçons».

Si l’institution financière concernée est spécialisée en matière de services de paiement, sa procédure en matière de transfert de fonds doit être plus détaillée, tout en restant proportionnée à la nature, la taille et la complexité de ses activités et de ses risques de BC/FT. 

3.3. Processus de conservation des documents

Le Règlement 2015/847 prévoit que les informations permettant d’identifier de manière précise le donneur d’ordre et le bénéficiaire doivent être conservées pendant une période de cinq ans, qui peut être prolongée dans certaines circonstances, de manière à pouvoir répondre ultérieurement aux éventuelles demandes des autorités compétentes. Dans ce cadre, la BNB attend des institutions financières qu’elles prennent les mesures nécessaires pour se conformer aux exigences en matière de conservation des documents reprises dans le Règlement 2015/847, tout en respectant la législation relative au traitement des données à caractère personnel.

Il est à relever par ailleurs que l’article 60 de la Loi anti-blanchiment impose une durée de conservation, pour les informations d’identification des clients, mandataires et bénéficiaires effectifs, le cas échéant mises à jour conformément à l’article 35 de la Loi anti-blanchiment, ainsi que pour la copie des documents probants ou du résultat de la consultation d’une source d’information, de dix ans à dater de la fin de la relation d’affaires avec le client ou de l’opération effectuée à titre occasionnel. Il est observé qu’en respectant ce délai de dix ans prévu dans la Loi anti-blanchiment, il est automatiquement satisfait à l’obligation, prévue dans le Règlement européen relatif aux transferts de fonds, de conserver pendant  cinq ans les informations sur le donneur d’ordre et le bénéficiaire.

4. Mesures de contrôle interne

Il est attendu des institutions financières qu’elles contrôlent de manière périodique et permanente que sa politique et sa procédure en matière de transferts de fonds soit bien respectée et que les processus de mise en œuvre des obligations organisationnelles et opérationnelles repris ci-dessus soient adéquats. 

S’agissant du système de surveillance relatif aux transferts de fonds, la BNB recommande à la fonction d’audit interne de porter une attention particulière sur : 

  • l’efficacité du système de surveillance, en prenant notamment en compte le nombre d’alertes qui sont générés ;
  • l’efficacité du processus d’analyse des alertes générées par le système, en prenant en compte le nombre de cas de remontée d’informations vers l’AMLCO et le nombre de déclarations d’opérations suspectes liées à un problème de transfert de fonds ;
  • l’adéquation des moyens humains et techniques mis à disposition des services opérationnels chargés de l’analyse des alertes générées par le système de surveillance relatif aux transferts de fonds ainsi que de l’AMLCO.