Les indépendants et les plus petites entreprises sont ceux qui continuent de souffrir le plus de la crise du coronavirus

La perte de chiffre d’affaires que subissent les entreprises belges du fait de la crise du coronavirus s’élève encore à 10 %, ce qui est assez similaire au résultat de janvier, compte tenu de certains changements méthodologiques. Les entreprises ne s'attendent pas à une reprise significative avant 2022, même si la perte de chiffre d'affaires serait encore importante pour les secteurs d’activité les plus lourdement frappés. C’est ce qui ressort de la nouvelle enquête de l’ERMG auprès des entreprises belges. L'enquête porte également sur le paiement des loyers et sur l'accès au crédit. Dans les secteurs d’activité les plus affectés, la moitié des entreprises louant un bien immobilier ont vu leur loyer reporté ou n'ont pas payé la totalité de celui-ci. En outre, de nombreux indépendants et petites entreprises, de même que les répondants des secteurs les plus durement touchés, ont fait état de sérieuses difficultés pour obtenir un crédit bancaire.

Une nouvelle enquête a été réalisée la semaine dernière par plusieurs fédérations d’entreprises et d’indépendants (BECI, SNI, UCM, UNIZO, UWE et VOKA). L’initiative est coordonnée par la BNB et par la FEB. Il s’agissait de la dix-huitième d’une vague d’enquêtes menée depuis mars 2020 et dont l’objectif est d’évaluer l’incidence de la crise du coronavirus et des mesures restrictives sur l’activité économique et sur la santé financière des entreprises. Au total, 3 194 entreprises et indépendants ont participé à l’enquête cette semaine, ce qui est moins que lors de l'enquête précédente.

La comparaison des résultats de l’enquête de février avec ceux des enquêtes précédentes doit être interprétée avec une dose de prudence car la composition de l'échantillon est quelque peu différente cette fois-ci.[1] En effet, les parts respectives des répondants wallons et des indépendants sont nettement inférieures cette semaine, tandis que celles des répondants flamands et des entreprises moyennes sont sensiblement supérieures. Comme ces dernières catégories de répondants sont, en moyenne, moins touchées par la crise du coronavirus, il est probable que de légères améliorations observées dans les résultats de l'enquête par rapport à l'enquête précédente soient plutôt le signe d’une stabilisation de la situation.

Les entreprises belges font état d’une baisse de 10 % de leur chiffre d'affaires en février

En tenant compte de la taille des entreprises et de la valeur ajoutée sectorielle, les entreprises interrogées cette semaine ont fait mention d’une diminution de 10,3 % de leur chiffre d’affaires comparativement à la normale.

L'importance de l'amélioration, de l’ordre de 2 points de pourcentage par rapport à janvier, ne doit toutefois pas être exagérée, en raison, d’une part, de l’évolution de la composition de l'échantillon mentionnée ci-dessus et, d’autre part, d’une estimation plus précise des pertes de chiffre d’affaires inférieures à 20 % dans l’enquête de février[2]. Par conséquent, notre analyse est que la véritable perte moyenne de chiffre d’affaires des entreprises belges est restée relativement stable par rapport à janvier. C’était prévisible étant donné que les mesures restrictives et la situation sanitaire ont peu évolué depuis lors.

 

[1]  L’enquête de l’ERMG repose sur l’évaluation des entreprises qui participent à l’enquête. La comparaison dans le temps des résultats de l’enquête doit être interprétée avec une certaine prudence car les entreprises interrogées peuvent varier d'une enquête à l'autre. D'une part, les fédérations qui mènent les enquêtes auprès de leurs membres peuvent ne pas être les mêmes. D'autre part, les entreprises ne participent pas systématiquement à chaque enquête. Bien qu’une éventuelle surreprésentation dans l'échantillon des entreprises de certains secteurs soit corrigée, il est possible que les entreprises interrogées diffèrent dans le temps par d'autres caractéristiques.

 

[2]  Dans l'enquête de février, pour les questions à choix multiples sur la perte de chiffre d'affaires, un affinement a été apporté à la réponse faisant état d’une perte de chiffre d'affaires comprise entre 0 et 20 % (en la remplaçant par les sous-catégories « de 0 à 5 % », « de 5 à 10 % » et « de 10 à 20 % »). Cet affinement montre que l'hypothèse précédemment formulée d'une perte moyenne de chiffre d'affaires de 10 % pour la réponse à cette question a pu constituer une surestimation.

Comme lors des enquêtes précédentes, les indépendants et les entreprises de petite taille font état d’un impact de la crise du coronavirus sur le chiffre d’affaires bien plus important que les plus grandes entreprises. Ainsi, les indépendants rapportent en moyenne une perte de près de 42 % par rapport à la normale, tandis que la perte s’établit en moyenne à 7 % pour les plus grandes entreprises[3]. Une conséquence de cet écart est que l’inquiétude des indépendants et des petites entreprises est restée plus élevée. Sur une échelle allant de 1 (pas préoccupé) à 10 (fort préoccupé), l’indicateur mesurant le degré de préoccupation a atteint 6,8 pour les indépendants et les entreprises occupant moins de dix employés en février, contre 6,0 pour les entreprises de plus grande taille.

Au niveau sectoriel, la situation liée au chiffre d’affaires est comparable à celle observée lors de l’enquête de janvier. Pour la quasi-totalité des secteurs d’activité, la baisse du chiffre d’affaires par rapport à normale est soit inchangée, soit en léger repli. Une faible amélioration entre janvier et février peut, en effet, être constatée dans la plupart des secteurs dont le chiffre d’affaires était initialement moins impacté par la crise du coronavirus, tels que l’industrie manufacturière, l’information et la communication, les services de soutien et les banques et assurances. Cette amélioration est néanmoins en grande partie le résultat d’une mesure affinée des pertes de chiffre d’affaires inférieures à 20 % car ces pourcentages de pertes de chiffre d’affaires sont plus amplement signalés dans ces secteurs d’activité. Enfin, la perte de chiffre d’affaires des entreprises interrogées du secteur de la vente au détail non alimentaire et de la vente en gros est restée stable en février, après un net rétablissement entre novembre et janvier. Il est possible que ces chiffres soient temporairement gonflés par la demande refoulée provenant de la fermeture temporaire des magasins non essentiels en novembre et de la période des soldes plus longue. Cela signifierait que l’amélioration structurelle est un peu moins importante et que les pertes de chiffre d’affaires pourraient repartir à la hausse dans les semaines à venir.

En ce qui concerne les secteurs les plus durement touchés, la situation demeure inchangée et particulièrement préoccupante. Le secteur des arts, spectacles et services récréatifs a enregistré une perte de chiffre d’affaires de plus de 75 % pour le douzième mois consécutif. Les lourdes pertes de chiffre d’affaires dans l’horeca ainsi que dans le secteur des transports et de la logistique atteignent respectivement 70 et 28 % et restent également inchangées par rapport aux mois précédents. Ces deux secteurs n’ont affiché qu’une reprise temporaire et très partielle durant les mois d’été. Enfin, les professions de contact non médicales et les agences de voyages ont affiché des pertes de chiffre d’affaires de, respectivement, 80 et 92 %. Ces deux derniers secteurs ont été analysés individuellement pour la première fois dans le cadre de l’enquête de février.

Outre les différences intersectorielles importantes mentionnées ci-dessus, la perte de chiffre d’affaires diffère fortement au sein des entreprises d’un même secteur d’activité. Par exemple, dans la plupart des secteurs d’activité, il existe à la fois une proportion significative d’entreprises avec une perte de chiffre d’affaires substantielle, une proportion significative d’entreprises enregistrant une faible perte de chiffre d’affaires et une proportion significative d’entreprises pour lesquelles l’impact de la crise sur le chiffre d’affaires est positif ou nul.

Les entreprises ne s’attendent pas à un solide redressement du chiffre d’affaires avant l’année prochaine, tandis que 2021 resterait une année de transition

Tant pour l’année en cours que pour 2022, les attentes des entreprises interrogées concernant la baisse du chiffre d’affaires montrent une légère amélioration par rapport à l’enquête précédente, mais cela peut à nouveau principalement s’expliquer par l’évolution de la composition de l’échantillon et par les changements méthodologiques. Dans tous les cas, les résultats de février confirment que 2021 serait encore une année de transition, avec une perte moyenne du chiffre d’affaires de 7 %, tandis que la perte est estimée à seulement 3 % en 2022. Les secteurs les plus touchés actuellement continueraient de subir d’énormes pertes de chiffre d’affaires en 2022, à savoir les agences de voyages (‑31 %), le secteur des arts, spectacles et services récréatifs (‑22 %), l’horeca (‑13 %), les professions de contact non médicales (‑10 %) et le secteur des transports et de la logistique (‑6 %).

Les plans d’investissement des entreprises restent également pratiquement inchangés par rapport à janvier : en raison de la crise du coronavirus, les investissements devraient être inférieurs de 20 % à la normale en 2021, et encore de 12 % en 2022.

En ce qui concerne les prévisions d’emploi dans le secteur privé en 2021, les entreprises interrogées tablent désormais sur une augmentation limitée de 19 000 unités (soit une hausse de 0,8 %), contre une diminution de 1 800 unités en janvier. Au fil des enquêtes, ce chiffre s’est toutefois révélé assez volatil au niveau agrégé, et le résultat de février peut aussi être une surestimation due à la composition différente de l’échantillon. Comme lors de l’enquête précédente, les secteurs les plus lourdement touchés s’attendent à une forte baisse du nombre d’employés, tandis que des secteurs représentant un poids important dans l’économie belge, tels l’industrie ou les services de support, anticipent une légère hausse. Les pertes nettes d’emplois attendues dans les secteurs les plus touchés pourraient ainsi être compensées par des créations nettes d’emplois dans d’autres secteurs. Toutefois, l’incidence finale sur l’emploi dépendra également de la capacité des politiques du marché du travail de faciliter les transitions entre les secteurs d’activité. Enfin, il convient de noter que ces chiffres ne concernent que les salariés et que l’impact total sur l’emploi dans le secteur privé inclut également les indépendants qui feront faillite en raison de la crise du coronavirus.

La perception du risque de faillite et des problèmes de liquidité reste une préoccupation pour les industries les plus touchées, les travailleurs indépendants et les petites entreprises

Alors que presque aucun répondant ne déclare être actuellement impliqué dans une procédure de faillite, 5 % d’entre eux ont déclaré qu’ils s’attendaient à déposer le bilan dans les six prochains mois, ce qui est un résultat similaire à celui du mois de janvier. Ce pourcentage diffère largement d’un secteur à l’autre et est plus élevé pour les agences de voyages (32 %), le secteur des arts, spectacles et services récréatifs (26 %), l’horeca (24 %) et, dans une moindre mesure, la vente au détail non alimentaires (8 %), le secteur des transports et de la logistique (7 %) et les professions de contact non médicales (6 %). Le risque de faillite est également beaucoup plus élevé parmi les indépendants et les plus petites entreprises interrogées : 9 % d’entre eux s’attendent à déposer le bilan dans les six prochains mois, contre 3 % des moyennes entreprises et 0 % des grandes entreprises.

Comme en janvier, un grand nombre d’entreprises ont fait état de problèmes de liquidités. La part des entreprises qui ont besoin d’une injection de capital supplémentaire ou de prêts supplémentaires dans un délai maximum de trois mois pour faire face à leurs obligations financières actuelles est restée stable, à environ 20 % en février. Ce taux est également beaucoup plus élevé pour les industries les plus durement touchées ainsi que pour les indépendants et les plus petites entreprises.

Dans les secteurs les plus durement touchés, la moitié des entreprises qui louent un bien immobilier ont bénéficié d’un report de loyer ou n’ont pas payé la totalité de celui-ci

Le fait que les problèmes de liquidités soient plus importants pour les industries les plus touchées est principalement dû à l’ampleur et à la durée des pertes de chiffre d’affaires dans ces secteurs d’activité. En outre, les problèmes de liquidités des entreprises dépendent également du coussin de liquidités accumulé avant la crise et de la capacité de réduire les coûts. À cet égard, le coût de la location d’un bâtiment commercial est un poste de dépenses substantiel pour de nombreuses entreprises qui louent un bien immobilier. Dans cette optique, il a été demandé dans le questionnaire du mois de février ce qu’il était advenu du paiement du loyer professionnel depuis le début de la crise.

Environ la moitié des entreprises interrogées ont indiqué qu’elles louaient des biens immobiliers, et 84 % d’entre elles (ce qui représente 42 % de l’ensemble des entreprises interrogées) ont déclaré qu’elles avaient payé le montant total du loyer pour toute la période depuis le début de la crise du coronavirus. Pour 12 % des entreprises interrogées qui ont indiqué qu’elles louaient des biens immobiliers (ce qui représente 6 % de l’ensemble des entreprises interrogées), le propriétaire leur a rendu service, soit en reportant le paiement du loyer (4,6 %), soit en diminuant le montant à payer (7,6 %). Les 3,5 % restants n’ont pas payé la totalité du loyer sans le consentement du propriétaire.

La moyenne calculée au niveau agrégé masque toutefois des différences importantes entre les secteurs. La proportion d’entreprises louant un bien immobilier professionnel et qui n’ont pas payé l’entièreté du loyer ou qui ont bénéficié de reports atteint environ 55 % dans l’horeca et environ 35 % pour les professions de contact non médicales, la vente au détail non alimentaire, le secteur des arts, spectacles et services récréatifs et les agences de voyages.

 

[3] Ces résultats ne tiennent compte ni de la taille des entreprises en termes de chiffre d’affaires, ni du secteur des répondants.

Les indépendants et les plus petites entreprises, de même que les secteurs les plus gravement touchés, font état de sérieuses difficultés pour obtenir un crédit bancaire

Les problèmes de liquidités ont aussi amené des entreprises à rechercher des sources de financement supplémentaires. Dans l’enquête du mois de janvier, les résultats montraient que les sources de financement utilisées depuis le début de la crise du coronavirus variaient fortement selon le secteur d’activité et la taille de l’entreprise. En effet, un recours accru au crédit bancaire a été rapporté principalement par les entreprises de taille moyenne, tandis que les plus petites entreprises et, surtout, les indépendants n’y ont pratiquement pas fait appel.

L’enquête de février a poursuivi l’évaluation du recours au crédit bancaire et a spécifiquement sondé les entreprises sur les difficultés rencontrées pour obtenir un crédit bancaire au cours des trois derniers mois. D’une part, les résultats montrent que les entreprises marquent un intérêt différent en fonction de leur taille pour le crédit bancaire. Alors que 60 % des entreprises de taille moyenne ont souhaité contracter un prêt bancaire au cours des trois derniers mois, cela n’a été le cas que pour environ 40 % des entreprises de moins de 20 employés et pour 22 % des indépendants. Ces pourcentages plus faibles pour les indépendants s’expliquent par une préférence pour d’autres sources de financement telles qu’une injection de capital par le chef d’entreprise.

D’autre part, les résultats montrent que, parmi les indépendants qui ont marqué un intérêt pour un prêt bancaire au cours des trois derniers mois, seul un sur trois a effectivement obtenu un prêt à des conditions acceptables. Pour les entreprises de moins de 10 employés, cela concerne environ la moitié des répondants qui avaient sollicité un crédit bancaire. Une conclusion importante est que les taux de refus des demandes formelles de crédit sous-estiment (fortement) les difficultés d’accès au crédit bancaire. Outre les refus formels, les entreprises interrogées signalent également des conditions de crédit défavorables, des refus informels de leur banque et même des abstentions de contacter leur banque parce que les candidats savaient que leur demande de crédit serait de toute façon rejetée. En revanche, la grande majorité des moyennes et, surtout, des très grandes entreprises n’ont rencontré aucune difficulté pour obtenir un crédit bancaire à des conditions acceptables.

Par ailleurs, l'accès au crédit bancaire est également fortement lié au secteur d’activité. Ce sont les secteurs d’activité les plus durement touchés qui déclarent rencontrer de plus grandes difficultés pour accéder au crédit bancaire à des conditions acceptables. Par exemple, parmi les entreprises interrogées dans les professions de contact non médicales qui ont marqué un intérêt pour un crédit bancaire au cours des trois derniers mois[4], seules 16 % ont obtenu un crédit à des conditions acceptables. Ce pourcentage est également très faible dans les agences de voyages (23 %), l’horeca (27 %), le secteur des arts, spectacles et services récréatifs (34 %) et la vente au détail non alimentaire (39 %).

 

[4] La proportion de répondants ayant marqué un intérêt pour le crédit bancaire au cours des trois derniers mois est de 20 % pour les professions de contact non médicales et entre 35 et 45 % pour les autres secteurs d’activité durement touchés.