L’émission de titres de créance par les sociétés non financières belges

Article publié dans la Revue économique de Septembre 2021

Quel est l'état de santé financière des émetteurs belges ?

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Digest

Introduction

Au cours de ces dix dernières années, la dette des sociétés non financières (SNF) a augmenté, et ce aussi bien en Belgique que dans les autres pays de la zone euro. Cette tendance haussière s’appuie en partie sur une progression des émissions de titres de créance, telles les obligations d’entreprise. Les titres de créance représentent aujourd’hui 21,5 % de la dette consolidée (hors crédits intragroupes) des SNF établies en Belgique.

L’émission de titres de créance par les SNF est en hausse

L’encours des titres de créance émis par les SNF établies en Belgique a augmenté, passant de 27 milliards d’euros en 2010 à 65 milliards d’euros en 2020. Cet encours équivaut actuellement à 14 % du PIB belge.

Le contexte macrofinancier a contribué à cette progression. La crise financière et (dans une moindre mesure) les nouvelles exigences de fonds propres dans le secteur bancaire (Bâle III) ont réduit l’offre de crédits. Certaines entreprises se sont dès lors davantage tournées vers le marché des titres. L’environnement actuel de taux bas et les programmes d’achats de titres des banques centrales, en ce compris le programme d’achats de titres du secteur des entreprises (corporate sector purchase programme – CSPP) de l’Eurosystème, ont également encouragé l’émission de titres de créance par les SNF.

Dans ces conditions, les SNF établies en Belgique ont pu tirer profit des taux bas, en privilégiant l’émission de titres de créance de long-terme et à taux fixe. La majorité de ces titres de créance sont éligibles comme garantie des opérations de crédit de l’Eurosystème et dans le cadre du CSPP.

Les SNF émettrices sont peu nombreuses, de grande taille, et leur situation financière est généralement saine

Les SNF émettrices de titres sont peu nombreuses : on en comptait 96 basées en Belgique en 2019. Une SNF est considérée comme émettrice lorsqu’elle affiche un encours de titres de créance au passif de son bilan.

La grande majorité des SNF émettrices sont de grosses entreprises appartenant à un groupe belge ou à une multinationale. Par leur taille, elles jouent un rôle important dans l’économie belge. En ce qui concerne les entreprises faisant partie d’une multinationale, il convient de noter que leurs titres de créance ne financent pas nécessairement des investissements en Belgique.

Les SNF émettrices présentent généralement des bilans solides. À peine 7 % des entreprises émettrices basées en Belgique seraient « en difficulté » (selon les critères définis par la Commission européenne), contre 16 % des entreprises financées exclusivement par emprunt bancaire.

Un nombre limité de SNF émettrices affichent un niveau de soutenabilité de leur dette relativement faible

Par rapport à d’autres grandes SNF financées exclusivement par emprunt bancaire, le niveau de soutenabilité de la dette de certaines SNF émettrices est relativement faible. Pour mesurer le niveau de soutenabilité de la dette de ces SNF, on compare leurs charges d'intérêts à leurs revenus (opérationnels et/ou financiers).

Sur la base de leur capacité de couvrir leurs charges d'intérêts par leurs revenus, on distingue deux niveaux de risque. Quelques SNF émettrices sont « immédiatement à risque de détresse financière ». Ces entreprises ne sont actuellement pas en mesure de couvrir leurs charges d’intérêts par leurs revenus et sont donc contraintes soit de se défaire d’une partie de leurs actifs, soit d’accroître leur dette. D’autres SNF émettrices sont « potentiellement à risque de détresse financière ». Ces dernières sont, pour l’heure, capables de couvrir leurs charges d’intérêts par leurs revenus, mais elles pourraient éprouver des difficultés à assurer le service de leur dette si leurs marges bénéficiaires venaient à baisser.

Les SNF émettrices peuvent se trouver en situation de vulnérabilité pour deux raisons. D’une part, les entreprises « immédiatement à risque de détresse financière » ont un niveau de profitabilité trop faible. D’autre part, certaines entreprises « potentiellement à risque de détresse financière » semblent s’endetter pour exploiter un effet de levier. Lorsque la situation économique est favorable, cette stratégie leur permet de mieux rémunérer leurs actionnaires, malgré un niveau de rentabilité légèrement inférieur à la moyenne. Cependant, cette stratégie comporte également des risques.

Certaines SNF émettrices pourraient être en difficulté

En cas de forte hausse des taux d’intérêts et/ou de ralentissement de l’activité économique, certaines SNF émettrices, en particulier celles qui sont « potentiellement à risque de détresse financière », pourraient éprouver des difficultés à faire face à leurs charges d’intérêts.

Certains facteurs atténuent ces risques. En effet, la plupart des SNF émettrices basées en Belgique privilégient des titres à taux fixe et de long-terme, réduisant ainsi les risques liés à une hausse soudaine des taux d’intérêt. De plus, les SNF émettrices disposent généralement de lignes de crédit auprès d’institutions bancaires, qui leur permettent d’absorber une baisse temporaire de leurs revenus. On note toutefois que les entreprises immédiatement ou potentiellement à risque de détresse financière ont tendance à émettre moins de titres de long-terme et à avoir accès à des lignes de crédit moins importantes. Pour ces entreprises, les risques liés à un relèvement des taux d’intérêt et/ou à un ralentissement de l’activité économique sont donc plus prononcés.

Les titres de créance émis par des SNF à risque représentent un montant limité

L’encours des titres de créance émis par des SNF « immédiatement à risque de détresse financière » ne s’élève qu’à 600 millions d’euros (1 % du total), tandis que le montant émis par des SNF « potentiellement à risque de détresse financière » atteint 7,8 milliards d’euros (14 % du total). L’exposition des établissements de crédit et des compagnies d’assurances belges et européennes à ces créances est faible : ces institutions ne détiennent qu’une maigre fraction de ces créances.